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Par ETIC – des tiers-lieux responsables - Publié le 7 avril 2025 - 15:48 - Mise à jour le 7 avril 2025 - 15:58
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[Les Portraits Foncièrement Responsables] Margaux Germain du Centsept

Margaux Germain, responsable du développement du Centsept, présente cette association lyonnaise qui soutient les dynamiques de transformation sociale et environnementale. En fédérant acteurs publics, privés et de l’ESS, l'association soutient des initiatives innovantes pour un impact durable. Son défi : réussir à agir sur le long terme malgré un contexte économique complexe.

Interview de Margaux Germain responsable du développement pour le Centsept
Interview de Margaux Germain responsable du développement pour le Centsept

 

  • Petite présentation, qui êtes-vous ?

 

Je suis Margaux Germain, responsable du développement pour le Centsept. Je m'occupe du développement de la stratégie de l'association en termes économiques, juridiques, partenariaux et en communication. Notre structure est située dans le tiers-lieu HÉVÉA, situé à Lyon 7.

 

  • En une phrase, quelle est la mission principale de votre structure ?

 

La mission du Centsept est d'accompagner des dynamiques de transformation sociale et environnementale durable en aidant des collectifs d'acteurs et d’actrices à faire émerger, expérimenter et déployer des réponses nouvelles et pérennes.

 

  • Quel est le principal enjeu actuel dans votre domaine ?

 

L’enjeu majeur aujourd’hui est lié au contexte économique et politique. Porter des dynamiques de changement social et environnemental prend du temps, des moyens, des ressources financières et de la disponibilité.

Le contexte économique et politique tendu rend plus difficile la mobilisation des acteurs et actrices, tant sur le plan financier qu'en termes d'engagement long terme. Paradoxalement, c'est justement dans ces périodes qu'il faudrait s'engager sur des projets à long terme pour mieux anticiper les changements à venir.

Notre défi est donc de vivre dans ce paradoxe et de créer de l'espace pour des projets qui apporteront des réponses durables, même si elles ne sont pas immédiates.  

  • Qui sont les publics concernés par ce que vous proposez ?

 

Nous travaillons avec des acteurs et actrices variées : des organisations de l'ESS, des entreprises privées, des acteurs publics portant des politiques publiques (collectivités, CAF, CNAV...), ainsi que le monde de la recherche.

Notre mission est de mobiliser ces structures autour de problématiques d'intérêt général et de les faire coopérer pour trouver des solutions qu'elles sont prêtes à porter ensemble durablement pour répondre aux besoins du territoire.

Nous nous adressons prioritairement au territoire lyonnais, mais avec l'objectif que les expérimentations puissent ensuite se pérenniser et se capitaliser plus largement à l'échelle régionale, voire nationale.  

  • Pouvez-vous nous partager quelques succès ou vos plus belles réussites ?

 

L’un de nos plus beaux projets est « Oh Punaise », une initiative née pour répondre à la prolifération des punaises de lit, notamment dans les quartiers populaires.

Plutôt que d'agir dans des logiques curatives et très chimiques, un laboratoire d'innovation sociale s'est créé à l'initiative du Centsept.

Ensemble, nous avons élaboré une stratégie de prévention et de mise en capacité des habitant∙es concerné∙es. Aujourd'hui, il existe une solution complète de prévention territoriale pour que les habitant∙es soient mieux informé∙es, puissent détecter plus tôt les infestations, et pour agir sur les enjeux de santé mentale liés à cette problématique.

Ce projet s'étend désormais à d'autres territoires lyonnais et commence à prendre du poids auprès des pouvoirs publics locaux, contribuant à créer une véritable politique publique locale sur ce sujet qui n'est pas encore reconnu comme un enjeu de santé publique au niveau national. 

 

Crédit : Lucas Zambon

 

 

  • Pouvez-vous nous raconter l'histoire de votre structure ?

 

Le Centsept a été créé en 2016 à l’initiative de plusieurs acteurs et actrices publics (Métropole de Lyon, Ville de Lyon, la Région Aurvergne-Rhône-Alpes), d’organisations d’accompagnement (Ashoka, Ronalpia, Le Mouves, ETIC - Foncièrement Responsable) et d’entreprises privées (EDF, ERDF, Kéolis, Véolia).

L’objectif était de casser les silos entre ces différents secteurs afin de mieux répondre aux défis du territoire en développant des projets collectifs et en structurant un pôle d’expertise en innovation sociale et coopération.

L'enjeu était de casser les silos entre les différents secteurs pour penser collectivement les problématiques du territoire et se nourrir réciproquement des expériences et expertises de chacun. Le Centsept a donc été créé pour devenir ce carrefour de volontés d'agir et constituer un pôle d'expertise en innovation sociale et coopération, afin d'accompagner et renforcer la capacité à faire ensemble des acteurs et actrices du territoire.

Après une phase de préfiguration, l'association s'est développée et a aujourd'hui atteint sa maturité.

 

  • Quelles sont les valeurs fondamentales qui guident votre travail au quotidien ?

 

Nous nous appuyons sur trois valeurs fondamentales :

1. L’audace : Nous n'hésitons pas à nous attaquer à des problématiques complexes et interdépendantes, avec une approche systémique. Nous abordons des sujets parfois très nichés, comme la valorisation de l'urine comme fertilisant agricole, ou particulièrement complexes, comme l'accès au logement des jeunes en situation de précarité. Notre valeur ajoutée est justement d'aller sur ces terrains où la coopération et l'innovation sociale peuvent faire la différence.

2. La diversité : Nos projets reposent sur la coopération entre des personnes aux expertises et aux perspectives variées, ce qui favorise l’innovation sociale. Notre rôle est de créer un espace de dialogue au sein de cette diversité, en favorisant l'écoute et l'apprentissage mutuel pour construire une vision commune.

3. La pérennité : Nous visons des impacts durables et non des solutions palliatives, en privilégiant une vision long terme.

 

  • Comment mesurez-vous votre impact ?

 

La mesure d'impact est un vaste sujet pour nous. Mesurer l’impact d’une innovation sociale de rupture est un défi, car les indicateurs classiques (création d’emplois, chiffre d’affaires…) ne suffisent pas.

Bien sûr, nous avons des chiffres concrets sur nos accompagnements, mais notre approche de la mesure d'impact est plus large. Au-delà des indicateurs classiques, nous cherchons à mesurer des éléments plus subtils en termes de transformation.

Par exemple, pour le projet « Oh Punaise », nous mesurons le nombre de foyers sensibilisés et de médiateur∙rices formé∙es, mais aussi les transformations des perceptions, des comportements et des représentations.

Nous essayons d'appréhender l'ensemble du processus de changement, qu'il soit technique ou plus largement sociétal, pour identifier tous les verrous que nous avons réussi à déverrouiller. Cette approche est souvent plus qualitative que quantitative, mais c'est là que réside une grande partie de notre impact.

 

  • Comment impliquez-vous les parties prenantes (communauté, clientèle, partenaires,...) dans vos projets ?

 

Nous favorisons une coopération à 360°, en intégrant nos partenaires dans nos laboratoires d’innovation sociale et en développant une communauté active.

Nos programmes sont ouverts aux acteurs privés, publics et ESS, leur permettant d’expérimenter ensemble des solutions innovantes. Ceux-ci peuvent ainsi amener une problématique qui leur est propre et pour laquelle ils souhaitent mener une démarche d'innovation sociale et de coopération avec un collectif.

Par ailleurs, nous renforçons de plus en plus notre approche communautaire. L'idée est d'animer une communauté d'acteurs et actrices partageant les mêmes ambitions pour le territoire, afin de les outiller en matière de compétences d'innovation sociale et de coopération, et de développer une vision commune sur les besoins et les enjeux de notre territoire.

 

  • Quels sont les plus gros défis que vous avez rencontrés depuis la création de votre structure ?

 

Le modèle économique est l’un de nos plus grands défis, car notre approche systémique et long terme est moins tangible pour certains financeurs.

Le Centsept s'est d'abord construit avec un fort soutien des entreprises désireuses de se rapprocher de l'ESS. Aujourd'hui, nous arrivons à une phase de maturité qui nous permet de poser un modèle économique hybride, équilibrant subventions publiques, mécénat et prestations. C'est notre ambition pour les prochaines années : construire ce modèle qui nous permettra d'exister durablement.

Un autre défi est de choisir les bonnes thématiques pour nos laboratoires d’innovation sociale. Parfois, des expérimentations ne trouvent pas de modèle économique viable ou un cadre réglementaire adapté, comme ce fut le cas pour un projet en cyclo-logistique, qui n’a pas pu être pérennisé à cause d’une réglementation pas encore assez contraignante pour permettre un modèle économique vertueux par rapport aux transporteurs classiques.

 

  • Quelques chiffres importants à nous partager ?

 

Le Centsept c’est :

  • 13 salarié∙es
  • 13 laboratoires d’innovation sociale lancés depuis 2016
  • 5 projets pérennisés
  • 313 acteurs et actrices (publics, privés, ESS) accompagné∙es
  • 45 adhérent∙es dans notre communauté

 

  • Pourquoi avez-vous choisi de louer vos bureaux dans un tiers-lieu écoresponsable ETIC ?

 

C'était d'abord une question de cohérence avec les valeurs et la mission de notre association. Il était important pour nous d'être dans un lieu qui fédère d'autres acteurs et actrices de l'innovation sociale et qui nous place au cœur de cet écosystème.

Il y avait aussi une volonté d'engagement, de soutenir une filière responsable plutôt qu'un acteur économique classique. 

L'emplacement a aussi joué un rôle non négligeable : être au cœur du 7ème arrondissement nous rend facilement accessibles, ce qui est essentiel puisque beaucoup de personnes viennent chez nous pour des ateliers.

 

  • Pouvez-vous partager un moment marquant, une expérience mémorable ou une anecdote que vous avez vécu grâce à la communauté ou avec la communauté ETIC ?

 

Récemment, nous avons co-organisé un événement avec « Osons Ici et Maintenant », une structure qui travaille également à HÉVÉA.

C'était vraiment intéressant car « Osons » partage avec nous cet enjeu de générer un déclic chez les personnes, dans leur volonté d'agir pour des transformations environnementales et sociales.

C'est super enrichissant de pouvoir, ne serait-ce que le temps d'un petit déjeuner, avoir un propos commun et montrer que nous avons une vision partagée, même si nos approches diffèrent. Le fait d'être hébergés au sein d'un même lieu donne plus de poids et de force à notre discours commun, et permet de mener des actions ensemble dans un environnement qui nous réunit déjà physiquement.  

 

  • Entrepreneuriat engagé : Quels conseils donneriez-vous à d'autres organisations qui souhaitent se lancer dans votre secteur et/ou l’ESS ?

 

Misez sur la coopération ! Notre conviction est que si l'entrepreneuriat individuel et social est très intéressant, la coopération fera vraiment la différence en cette période tumultueuse et incertaine, tant en termes d'impact que de durabilité.

Nous conseillons de prendre le temps, au début, pour vraiment cibler la réponse qu'on veut apporter, en regardant autour de soi dans une approche systémique ce qui se fait déjà, et en évaluant dans quelle mesure on pourrait apporter cette réponse à plusieurs.

En réfléchissant dans une logique entrepreneuriale classique, on peut avoir tendance à ne saisir qu'une partie de la problématique et à vouloir aller vite, poussé par des injonctions extérieures. Mais en termes de durabilité, cette approche peut s'avérer limitée sur le long terme.  

 

  • Quel est le meilleur conseil que vous ayez reçu en tant que dirigeant∙e ou membre de cette structure ?

 

Le conseil qui m'a le plus marquée concerne la persévérance et la résilience, d’assumer la prise de risque.

Dans l’innovation sociale et tout projet entrepreneurial, il faut assumer une part de risque, ce qui est moins évident dans notre secteur que dans celui des start-ups lucratives. Nous avons moins de capacité à lever des fonds et devons fournir plus de garanties, alors même que nous faisons de la « recherche et développement » sociale, qui implique par nature une prise de risque.

 

  • Comment voyez-vous l'évolution de votre secteur dans les prochaines années ?

 

Je pense que le secteur de l'accompagnement va devenir encore plus nécessaire qu'il ne l'a été. Comme je l'ai évoqué, le contexte se tend en termes de complexité, et des acteurs et actrices tierces qui fédèrent, font coopérer, et gardent une vue d'ensemble et de long terme vont être essentiels.

Cela aidera le secteur à maintenir une trajectoire claire malgré les différentes injonctions et facteurs perturbants qui impacteront inévitablement l'écosystème (choix de politiques publiques, orientations budgétaires, etc.).

Le secteur jouera donc un rôle crucial s'il parvient à assumer cette fonction de "phare" et de catalyseur de l'innovation sociale.  

  • Quels sont vos objectifs et projets pour les prochaines années ?

 

Nous souhaitons lancer de nouveaux laboratoires d'innovation sociale sur des problématiques essentielles pour le territoire lyonnais, en fédérant un grand nombre d'acteurs et d’actrices et en les engageant durablement.

Nous voulons également faire monter en compétences les acteurs et actrices en matière de coopération et d'innovation sociale à travers notre programme et notre communauté. Notre ambition est de faire évoluer les paradigmes, en démontrant que l'innovation ne se limite pas aux aspects technologiques, que l'innovation sociale peut générer des modèles économiques viables, et que la coopération, bien que chronophage, produit des résultats substantiels.

Nous cherchons à casser ces a priori, particulièrement auprès des acteur∙rices économiques, en montrant que cette approche est peut-être la seule voie de développement viable dans le contexte actuel.

Enfin, nous visons à développer nos prestations dans le cadre d'un modèle économique plus hybride. Nous pensons que cette montée en compétences et ce développement de projets transformatifs peuvent aussi passer par l'accompagnement individuel d'acteur∙rices, notamment économiques, dans leurs propres démarches de coopération et d'innovation sociale.

 

 

  • Un petit mot de la fin : Quel dernier message est-ce que vous aimeriez transmettre  ?

 

Dans cette période incertaine, de doute et de complexité économique, il est important que des acteur∙rices, notamment de l'ESS, continuent à exister et à agir. Il ne faut pas se recentrer uniquement sur ce qui semble nécessaire et indispensable à court terme, mais continuer à penser l'avenir.

Une société se construit et progresse en regardant devant elle. Notre message est donc de transformer cette période de crise et de tension en une opportunité pour donner l'envie d'agir, pour créer une conscience de la nécessité d'agir, et pour apprendre à agir au bon endroit et à le faire ensemble.

 

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