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Par Fondation des solidarités urbaines - Publié le 13 novembre 2025 - 09:16 - Mise à jour le 13 novembre 2025 - 09:19
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Justine Evrard, directrice des opérations de 13 Avenir : “Il y avait une place à prendre dans l’écosystème de la parentalité dans le 13e arrondissement”

Pour répondre aux enjeux liés à la parentalité dans deux quartiers prioritaires du 13e arrondissement de Paris, 13 Avenir a co-construit avec ses salariés – également habitants des quartiers – une offre de répit pour les parents. Justine Evrard, directrice des opérations de la structure, revient sur les impacts de cette démarche construite en intelligence collective.

Justine Evrard, directrice des opérations de l'association 13 Avenir (Crédit : Mary-Lou Mauricio)
Justine Evrard, directrice des opérations de l'association 13 Avenir (Crédit : Mary-Lou Mauricio)

 

En quoi consiste le projet du « Café des Familles » ?

 

Justine Evrard : En tant qu’Entreprise à But d’Emploi installée sur un Territoire Zéro Chômeur de Longue Durée, nous salarions les habitants au sein de notre association et nous nous basons sur leur savoir expérientiel pour créer avec eux des activités utiles au territoire. Cette co-construction fait émerger de la connaissance et une capacité de collaboration chez des personnes qui ne sont pas habituellement sollicitées pour contribuer au développement de leur quartier. En parallèle, nous souhaitions depuis plusieurs années investir le champ de la parentalité, qui est un sujet pour beaucoup de nos salariés, en particulier les femmes, confrontées aux problématiques de modes de garde, de monoparentalité, d’isolement social. Nous avons donc choisi d’appliquer notre expérimentation à cette thématique qui ressort dans tous les diagnostics du territoire.

13 Avenir a proposé à un groupe-pilote de douze salariés, tous parents, de réfléchir ensemble à des solutions pour les familles des quartiers Bédier-Boutroux et Oudiné-Chevaleret, en se réunissant au sein du tiers-lieu Plan Libre – que nous gérons en partenariat avec l’Armée du Salut depuis octobre 2021. Nous avons suivi trois étapes : un partage d’expérience pour établir un diagnostic, un temps pour faire des propositions, puis une mise en action par la coopération et la gestion de projet. Nous avons mobilisé les habitants du groupe-pilote par des ateliers d’intelligence collective, sous la forme de brainstorming, de « world cafés »* et de travail en binômes, afin de faire émerger leurs idées et les moyens de les mettre en place.

 

Le nombre d'habitants-salariés impliqués dans le groupe-pilote a été supérieur aux attentes. Comment l’expliquez-vous ?

 

Justine Evrard : Lorsque j’ai commencé à proposer ce nouveau projet à nos salariés, j’ai visé plus large que prévu pour être sûre d’avoir un groupe dans la durée et ne pas être pénalisée en cas de démotivation, de désistement ou d’indisponibilité. Et en mobilisant plus de personnes, nous avons bénéficié d’une plus grande diversité des expériences et des profils. Il y avait des papas et des mamans, des familles avec beaucoup d’enfants et d’autres peu, des parents de grands enfants comme de petits, des personnes qui avaient travaillé tout en ayant des enfants et d’autres non, des personnes qui avaient travaillé dans le 13e arrondissement et d’autres, ailleurs. Finalement, c’était très représentatif du quartier et la majorité des habitants s’est mobilisée dans la durée, contrairement à ce que nous avions éventuellement anticipé. Par ailleurs, certains d’entre eux n’ont pas été scolarisés et rencontrent des difficultés pour  lire ou écrire. Avec cette diversité de profils, nous pouvions mettre quelqu’un sachant écrire et lire avec quelqu’un n’en ayant pas la maîtrise lors du travail en binôme. 

 

Comment se sont déroulées les différentes étapes de l’expérimentation ?

 

Justine Evrard : La mobilisation du groupe-pilote autour du partage d’expérience a été plutôt facile. Les échanges sont venus naturellement. La partie coopération et gestion de projet a été plus complexe, à la fois en raison du niveau d’autonomie des personnes et de l’engagement de nos salariés dans d’autres projets de l’association. Nous avions une stagiaire en soutien, et je suis intervenue autant que possible pour coordonner et soutenir l’avancée de l’expérimentation. Mais pour animer un tel projet, il faudrait une personne dédiée à plein temps !

 

Quelle première action concrète a émergé de ce travail collaboratif ?

 

Justine Evrard : Nous avons imaginé « Temps Libre », nouveau nom choisi par le groupe-pilote pour désigner le « Café des familles », un espace de répit confortable pour parents et enfants ouvert chaque mercredi, avec des activités pour tous : des ateliers ludiques comme créer son tote bag, du matériel adapté aux enfants pour jouer et s’amuser, un coin détente autour d’une boisson chaude pour les parents. 

Temps Libre répond au besoin réel d’avoir un lieu où on peut accueillir les parents avec leurs enfants. Quand on pense temps de répit parental, on imagine que les parents veulent souffler sans leurs enfants, alors qu’en réalité, ils souhaitent passer du temps de qualité avec eux.

 

Quels ont été les bénéfices de cette expérimentation auprès des habitants impliqués dans la démarche ?

 

Justine Evrard : Pendant le projet, quatre personnes du groupe-pilote ont bénéficié d’une formation à la gestion de projet. L’approche en était innovante car elle s’est faite en holacratie, c’est-à-dire en gouvernance horizontale avec des décisions par consentement et un partage des tâches en auto-organisation.

Ensuite, lors des entretiens que nous avons menés, la prise de confiance en soi est beaucoup ressortie. L’autre grand effet est la collaboration et ses bénéfices. Beaucoup d’habitants impliqués dans le comité ne se connaissaient pas bien et ont noué de nouveaux liens. Il me vient notamment l’exemple d’une personne très impliquée, qui a finalement obtenu l’emploi qu’elle souhaitait grâce à sa remise en mouvement dans le cadre du projet et aux encouragements du groupe. Ce projet les a tous légitimés dans leur mise en action et leur a démontré qu’ils étaient capables d’être force de proposition.

 

Quels ont été les bénéfices pour 13 Avenir en tant qu’acteur et employeur du quartier ?

 

Justine Evrard : Nous nous sommes rendu compte qu’il y avait une place à prendre dans l’écosystème de la parentalité dans le 13e arrondissement. Lors de nos rencontres avec les services de la petite enfance et la CAF, nous avons senti un vif intérêt à ce qu’un nouvel acteur investisse ces champs-là. Nous étions déjà bien identifiés sur les sujets de l’accès aux droits et de la création d’emplois, mais ce projet a renforcé notre position. Nous sommes clairement perçus comme une association qui génère de nouveaux services utiles sur le territoire et répond à des besoins non couverts. En faisant nos preuves, nous avons développé une relation de confiance. Nous avons également démarré un partenariat avec la Direction des Familles et de la Petite Enfance de la Ville de Paris, que nous ne connaissions pas du tout.

 

Comment a évolué le projet Temps Libre au cours de l’expérimentation ?

 

Justine Evrard : Notre diagnostic de départ, qui est de créer un lieu de répit parents/enfants, était le bon. En revanche, nous avons fait évoluer notre façon de mobiliser les familles. Le tiers-lieu Plan Libre n’était pas le bon endroit. D’abord parce qu’il est installé au cœur d’un centre d’hébergement, un peu en retrait de la rue, donc pas assez lisible comme un lieu ouvert et convivial. Ensuite, parce qu’il ne suffit pas d’être ouvert aux parents le mercredi pour qu’ils viennent. Il faut aller chercher les parents là où ils sont et créer un lien de confiance pour qu’ils adhèrent au projet. Et cela prend du temps ! 

C’est pour cela que nous avons déplacé notre programme de répit parents/enfants au Comptoir Bédier, où nous organisions déjà certaines de nos activités. Il s’agit d’un comptoir multi-services avec une ressourcerie, un point La Poste, un point presse, où les habitants, dont beaucoup de familles, se rendent quotidiennement. Grâce à un local mis à disposition par Paris Habitat, nous proposons désormais des activités dédiées aux familles là-bas, tous les mercredis mais aussi tous les samedis. Le projet a pris une toute autre envergure et aujourd’hui, de nouvelles personnes s’y impliquent.

 

Quelles perspectives cette expérimentation a-t-elle ouvertes ?

 

Justine Evrard : L’association 13 Avenir a été sollicitée par la Ville de Paris pour réactiver et piloter le réseau de solidarité des familles monoparentales dans le 13e arrondissement. C’est un projet ambitieux, qui répond à cet enjeu majeur qu’est la monoparentalité. Nous continuerons également à agir pour l’accès aux droits. De nombreux projets nous attendent !

 

* Brainstorming sur un thème prédéfini où les participants tournent de table en table par groupes pour y faire émerger de nouvelles idées.

 

 

 

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