3 questions à… Sylvie Pinquier Bahda, directrice générale déléguée à l'engagement social de l’OCIRP
L’OCIRP est un acteur de prévoyance et de protection sociale des salariés. En tant qu’assureur, il est spécialisé sur les risques décès et perte d’autonomie, autrement dit sur les situations de veuvage, orphelinage, handicap et dépendance. Sa fondation, créée en 2009, s’est donc naturellement donné pour mission de faire connaître et reconnaître la situation des enfants et jeunes orphelins en France, elle a aujourd’hui élargi son champ d’action aux situations du veuvage, de la perte d’autonomie, d’aidant et de handicap. Elle publie, en cette rentrée 2020 inédite du fait de la crise sanitaire, une étude réalisée par l’Ifop et un guide pratique sur les orphelins à l’école. Sylvie Pinquier Bahda, directrice générale déléguée à l'engagement social de l’OCIRP, détaille ces outils mis à disposition des enseignants mais aussi du grand public.
- Pourquoi avoir choisi de s’engager sur le thème de l’orphelinage ?
L’OCIRP est né il y a un peu plus de cinquante ans de la volonté de protéger des salariés et leur famille en proposant des garanties liées au décès. En tant qu’assureur, nous versons très concrètement des rentes à des veufs et veuves, à des enfants et des jeunes orphelins suite au décès du salarié qui est cotisant à nos garanties. Et nous accompagnons socialement ces familles touchées par le deuil.
Toujours investi dans des actions d’intérêt général, l’OCIRP a créé sa fondation il y a dix ans. Nous sommes allés en premier sujet sur notre cœur de métier, les enfants et les jeunes endeuillés d’un ou des deux parents. Il s’agit d’une population très peu visible dans notre société, alors que l’INED estime que 610 000 jeunes de moins de 25 ans sont orphelins. Cela correspond à un voire deux enfants par classe. Mais le terme d’orphelin est connoté culturellement, on pense tout de suite à certains épisodes de l’histoire, sans croire que c’est encore une réalité aujourd’hui en France.
Nous menons donc des actions pratiques, des groupes de parole, des ateliers d’art-thérapie, des actions de sensibilisation auprès des professionnels de l’éducation, du monde social et du grand public, tout en soutenant la recherche et les études sur le sujet.
- En quoi consiste le guide pratique et les ressources que vous venez de publier ?
C’est le fruit d’un travail approfondi de plusieurs années. Nous avons mené une première étude avec l’Ifop en 2017, présentée lors d’un colloque au Conseil Économique, Social et Environnemental, sur ce que signifie être orphelin à l’école. Nous avons interrogé à la fois les enseignants et les jeunes orphelins. Les résultats ont démontré que les enseignants se trouvaient souvent démunis pour gérer ces situations, tandis que les enfants, scolairement plus fragiles, souhaitaient avoir un regard et un accompagnement un peu particulier.
À l’issue de ces travaux, nous avons travaillé pendant trois ans sur un guide pratique pour les professionnels de l’éducation. Nous avons collaboré avec les éditions PlayBac et avec des experts comme les pédopsychiatres Patrick Bensoussan et Guy Cordier, ou encore le professeur d’université Jérôme Clerc. Nous avons souhaité mettre le guide au cœur d’une campagne de sensibilisation, « Ne laissons pas un enfant orphelin faire le deuil de sa réussite ». Cette campagne est relayée sur les réseaux sociaux avec le hashtag #orphelinàlecole.
Nous proposons également un film regroupant des témoignages et de nombreuses ressources disponibles sur une plateforme dédiée, ecole-orphelin.fr, où familles, élèves et professionnels peuvent partager leur expérience. Ces ressources sont totalement accessibles auprès du grand public.
- A-t-il été complexe de lancer votre campagne dans le contexte de la crise sanitaire ?
Il s’agit d’un sujet qui reste difficile à aborder dans les médias, et la publication du guide téléscope l’actualité. Mais la question du deuil a complètement émergé avec la crise sanitaire que nous vivons. Nous sommes convaincus de l’intérêt de notre guide pratique, qui aborde ces questions-là, dans le contexte de la Covid-19. Toute la population y compris les enfants entendent depuis plusieurs mois le décompte des morts de l’épidémie. Il y a une confrontation avec cette question du deuil et cela devrait être un sujet partagé. On ne peut pas ignorer que la pandémie laisse des enfants et des jeunes orphelins. Ces gens-là sont globalement peu entendus. Notre étude Ifop s’intitule Les enseignants face à la réussite scolaire des orphelins et au deuil des élèves à l’heure de la COVID, car nous avons pleinement intégré le contexte particulier de rentrée scolaire où les enseignants font face à un double enjeu : le risque de renforcement des difficultés scolaires déjà rencontrées par les élèves orphelins, et plus largement par les élèves en situation de deuil.