Portail de signalement des violences sexuelles : quel premier bilan ?
Lancée par le ministère de l’Intérieur en novembre dernier, la plateforme de signalement des violences sexistes et sexuelles se veut être un outil de libération de la parole des victimes. Après trois mois de fonctionnement, et à l’occasion de la 42e journée internationale des droits des femmes, l’heure est à un premier bilan. Si la plateforme a recensé plusieurs milliers de prises de contact depuis son lancement, la concrétisation de la plainte reste encore difficile pour les victimes.
2 000 prises de contact et 480 signalements en 3 mois
Alors que, selon le ministère de l’Intérieur, moins de 10 % des victimes de violences sexistes et sexuelles déposent plainte, et que trois plaintes sur quatre sont classées et restent sans suite, le gouvernement avait mis en place, en novembre dernier, une plateforme de signalement des violences sexistes et sexuelles ouverte 7 jours/7 et 24h/24, avec l’objectif de “faciliter les démarches des victimes”, et de les inciter à concrétiser leur plainte.
Objectif réussi ? “Pour l’instant, le bilan est plutôt positif”, affirme la capitaine Sandrine Masson, responsable de la plateforme au service de Police Nationale, où 16 agents sont mobilisés à plein temps, avec le soutien d’une psychologue, pour la gestion du portail. Selon les chiffres donnés ce jour par le secrétaire d’Etat auprès du ministère de l’Intérieur, Laurent Nuñez, la plateforme a enregistré 2 000 prises de contact via l'outil de “chat”, et 480 signalements auprès des services territoriaux depuis son lancement il y a trois mois.
Sandrine Masson explique avoir remarqué “plus de plaintes pour violences sexuelles que pour violences sexistes”. S’il est encore trop tôt pour déterminer les raisons profondes de cette différence, la capitaine note néanmoins une certaine prise de conscience des victimes quant à la gravité des violences sexistes, souvent minimisées voire ignorées par les victimes elles-mêmes : “Les personnes viennent souvent nous poser des questions pour savoir si elles ont bien été victimes d’infractions sexistes”.
L’anonymat pour favoriser la parole
L’anonymat garanti et l’instantanéité des échanges sur l’outil de “chat”, grâce auquel les victimes peuvent échanger en direct avec un agent de police ou un gendarme, ont contribué au succès de la plateforme. Parmi les victimes qui se manifestent, nombre d’entre elles viennent y témoigner pour la première fois de faits de violences sexuelles remontant à plusieurs années, souvent à une époque où les victimes étaient mineures. “Un signe qui ne trompe pas”, pour Sandrine Masson.
“Il est néanmoins important de préciser qu’une très grande partie des personnes qui nous contactent choisissent de rester anonymes jusqu’au bout, et ne concrétisent pas leur plainte”, souligne Sandrine Masson. Une tendance qui atteste d’une difficulté encore très forte pour les victimes à déposer plainte, mais qui démontre leur volonté de témoigner sur ce qu’elles ont vécu.
“Dans ce cas-là, nous redirigeons les victimes vers des associations, et vers les pôles psycho-sociaux des commissariats”’, explique l’officier. “Il arrive aussi que nous réussissions à mettre suffisamment la personne en confiance et qu’elle finisse par déposer plainte”.
Une solution insuffisante selon les associations
L’équipe dédiée à la gestion de la plateforme avait reçu, entre mai et novembre 2018, une formation spéciale avec l’appui plusieurs associations de défense des droits des femmes. Si ces dernières formulent des retours plutôt positifs sur l’outil lui-même, elles mettent en garde : il y a encore du chemin à faire.
“Toute amélioration est bien sûr bonne à prendre”, concède Emmanuelle Piet, présidente du Collectif Féministe contre le Viol, une association qui gère association qui gère la plateforme nationale d’appel pour les victimes de viols ou d’agressions sexuelles, Viols Femmes Informations. “Mais ce que nous demandons surtout, c’est une refonte complète du processus du dépôt de plainte”.