[HORS-FRONTIÈRES] L’avantage fiscal des fondations suisses, une bonne affaire ?
Dans sa rubrique mensuelle Hors-Frontières, Carenews vous en apprend plus sur la philanthropie et l'organisation du mécénat dans un pays, en Europe ou ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, voyage en Suisse, pays dont la philanthropie est très développée et structurée. Un récent rapport met en lumière le bien-fondé des exonérations fiscales : analyse.
En juin 2018, nous vous emmenions à la découverte du monde des fondations suisses. Extrêmement dynamique, le pays comptait alors 13 172 fondations, principalement donatrices, et le dynamisme du secteur ne se démentait pas : 349 avait été créées l'année précédente.
Les avantages fiscaux des fondations, quelle justification ?
Mais ce dynamisme n'exempte pas les fondations des questions qui ont cours chez nous sur la pertinence des avantages fiscaux qui leurs sont attribués. C'est pourquoi SwissFoundations (l’association des fondations donatrices suisses) et PwC se sont alliés pour produire l'un des tous premiers rapports sur le bien-fondé des exonérations fiscales dont bénéficient les fondations suisses. Dans un pays où les conditions de créations sont favorables et les avantages fiscaux conséquents, l'exercice a de quoi nous intéresser.
En premier lieu, il faut préciser qu’en Suisse, la création d'une fondation est relativement simple : inscription au registre du commerce, validation au niveau communal, cantonal ou fédéral en fonction du champs d’action de la fondation puis demande d’exonération auprès de l’autorité fiscale. En droit français, une fondation reconnue d’utilité publique doit être validée par le Conseil d’État et qu’une fondation d’entreprise doit l’être par le préfet. En Suisse, demande à l’autorité de surveillance compétente (fédérale pour des actions en suisse ou à l’étranger, cantonale pour des actions plus locales
Pour qu’une fondation soit reconnue d’utilité publique, le processus est ici encore extrêmement simple : une activité est reconnue d’utilité publique quand elle sert l’intérêt public et quand elle est fournie de manière désintéressée. Selon le canton, les membres du conseil de fondation doivent être bénévoles.
Malgré cette apparente facilité de création, les contrôles a posteriori sont nombreux. Claudia Genier de SwissFoundations précise : “Il y a, ces dernières années, une professionnalisation importante de la surveillance sur le fonctionnement et l'utilisation correcte des fonds par les fondations. Ces dernières doivent déposer leurs comptes et rapport d'activité parfois à deux autorités différentes; l'autorité fiscale et l’autorité de surveillance cantonale ou fédérale.”
De larges exonérations d’impôts
Une fois ces conditions remplies, fondations et associations bénéficient d'exonérations d’impôts extrêmement larges :
- impôt sur la fortune et le revenu (impôt sur le capital et le bénéfice)
- droits sur les successions et les donations (selon le canton de création)
- droits de mutation (selon le canton de création)
- impôt sur les revenus immobiliers lorsque le bien immobilier sert directement le but d’utilité publique (selon le canton de création).
Ces avantages fiscaux sont donc différents d’un canton à l’autre. L’étude de SwissFoundation prend d’ailleurs en compte cette complexité en proposant une analyse différenciée en fonction du lieu de création de la fondation et de la manière dont cette dernière est créée (dotation consomptible VS non-consomptible).
Défiscaliser ça rapporte... à la collectivité
Pour prendre en compte les différentes possibilités offertes, SwissFoundations propose 4 cas différents, comparant les recettes fiscales obtenues par des investissements classiques ou par les dons réalisés par des fondations. En prenant pour base l’idée qu’un euro de don équivaut à un euro d’impôt, elle arrive à la conclusion que la fondation devient avantageuse pour la collectivité au bout d’un an et demi maximum. L’étude de SwissFoundation détaille ces chiffres par canton et par type de fondation avec des estimations de ce seuil de rentabilité oscillant principalement entre 29 et 214 jours en moyenne après la création d’une fondation.
Les auteurs vont plus loin et montrent, en lissant sur 25 ans (et en tablant sur une fiscalité stable), que les dons réalisés peuvent excéder les recettes fiscales de 30 % à 100 %. Il faut noter qu’une exploitation exhaustive des avantages fiscaux peut repousser ce seuil de rentabilité. Dans ce cas, ce dernier pourrait n’être atteint qu’après une dizaine d’années d’exercice (même si “le cas ne s’est jamais présenté dans la pratique”, souligne le rapport).
Un avantage fiscal si décisif ?
On a vu que les avantages concédés aux fondations par le régime fiscal suisse sont importants. Néanmoins, il semble que les exonérations ne sont pas le moteur du choix de tel ou tel endroit pour l’installation d’une fondation. En effet, alors que le canton de Bâle-Campagne accorde une déduction d’impôt de cent pour cent lors dela création d'une fondation d'utilité publique, il n’abrite que 312 des 13 000 fondations suisses. À l’inverse, les cantons de Genève, Zurich et Vaud, s’ils arrivent parmi les cantons où le “seuil de rentabilité” est le plus lointain, concentrent 4 800 fondations. Claudia Genier indique d’ailleurs : “Ces chiffres montrent bien que le fondateur n'est pas obnubilé par ces aspects. La proximité avec les organisations internationales à Genève ou d’un savoir-faire financier présente avant tout dans les grandes villes peut-être déterminante”.
Le débat sur les avantages fiscaux du don (opportunité, retour sur investissement…) ne seront pas éteint par ce rapport. En revanche, ce dernier permet de montrer que, loin d’une démarche d’optimisation fiscale, la création de fondation est une démarche généreuse, bénéfique à la société.