Le mécénat suisse suit la logique de l’entrepreneuriat
Même s’il n’y a pas de statistiques « officielles », la Suisse compte de nombreux mécènes et fondations dynamiques. Une analyse récente livrée par le sociologue Alexandre Lambelet montre que ces philanthropes suisses, toujours plus nombreux, évoluent de plus en plus vers un modèle entrepreneurial à l’américaine.

La philanthropie suisse demeure un secteur assez peu transparent. Cependant, malgré le manque de données, les observateurs s’accordent sur le fait que ces mécènes sont de plus en plus nombreux, mais aussi de plus en plus généreux. Le sociologue Alexandre Lambelet, également professeur à la Haute école de travail social à Lausanne, précise également que les fondations suisses sont également relativement riches : « On dit que les avoirs des fondations s'élèvent entre 30 et 80 milliards, mais il y a énormément de petites fondations, qui possèdent moins d'un milliard. »
Si cette activité reste opaque, il s’avère que ces fondations sont nombreuses à suivre la tendance de la philanthropie américaine pour suivre une logique entrepreneuriale. Celle-ci se traduit tout d’abord par le champ d’action privilégié de ces fondations. D’après les données de Swissfoundations, un organisme qui regroupe près de 130 fondations, les philanthropes suisses montrent une préoccupation croissante pour les secteurs de l’innovation et de la recherche-développement. Ces domaines représentaient 31% des dons en 2011 pour atteindre 40% en 2013. D’après Claudia Genier, directrice adjointe de SwissFoundations : « C'est un souhait de la part des fondations et des individuels de maintenir la compétitivité de la Suisse et d'assurer la relève scientifique ».
Ce tournant entrepreneurial se traduit également par une véritable attente de résultats ainsi qu’une attention particulière portée à l’évaluation de leurs actions. « On a longtemps pensé que les philanthropes étaient des grand-mères gâteau, qui donnaient simplement. On voit aujourd'hui qu'ils sont davantage des entrepreneurs, qui sont plus exigeants sur ce que l'on fait de leur don. Cela change un peu le rapport de force, dans le sens où ce sont des partenariats qui s'instaurent et pas seulement de la charité», estime Alexandre Lambelet.
Enfin, le rapprochement avec la philanthropie américaine s’explique par une pratique plus « décomplexée ». En effet, contrairement à cette traditionnelle discrétion propre à la philanthropie européenne, les mécènes suisses n’hésitent désormais plus à afficher leur contribution à l’intérêt général et assument cette nouvelle visibilité. Les dernières Journées du patrimoine à Genève ont ainsi été l’occasion de remercier les mécènes de la ville, alors que le conseiller d’Etat Pascal Broudis, lors d’un débat le 15 février dernier, a fait la surprise en s’exprimant publiquement sur les stratégies de levée de fonds. Le think tank Avenir Suisse avait par ailleurs remis un rapport l’année dernière qui appelait l’Etat à se tourner vers le financement privé.