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Par Carenews PRO - Publié le 24 novembre 2017 - 13:36 - Mise à jour le 7 décembre 2017 - 14:30
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[INFO ENGAGÉE] Vincent Edin, résolument optimiste

Cet automne, carenews.com vous propose une série d'entretiens avec des journalistes "engagé·e·s". Nous constatons, depuis quelques petites années, l'émergence d'un courant de journalisme engagé. Quel que soit le nom (journalisme d'impact, de solution, positif...) et qu'il soit porté par un média généraliste ou par un média spécialisé, c'est avec plaisir que nous observons la montée en puissance de nos confrères et consoeurs motivés par l'intérêt général, le mécénat, l'économie sociale et solidaire, l'innovation sociale, la Tech for good, le développement durable etc. Aujourd'hui, rencontre avec Vincent Edin, journaliste indépendant.

[INFO ENGAGÉE] Vincent Edin, résolument optimiste
[INFO ENGAGÉE] Vincent Edin, résolument optimiste

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Vincent Edin, 38 ans (depuis peu !), professeur de rhétorique politique à l'European Communication School, intervenant à Sciences po et journaliste. Hors de question de choisir ! Le professorat ne s'arrête pas à la porte de la salle de classe, je suis toujours professeur et toujours journaliste, aussi indépendant que possible. J'ai travaillé pour Usbek&Rica, j'ai écrit beaucoup de chroniques de livres et quelques grands entretiens, j'ai aussi travaillé pour l'ADN.

 

Pourquoi êtes-vous devenu journaliste ? 

Je suis devenu journaliste à 20 ans en parallèle à mes études (de communication à l'ECS) tout simplement pour avoir des livres gratuits ! J'étais passionné de littérature... Je ne suis pas ingénieur, vendre m'ennuierait et je n'ai pas le tempérament pour innover via des start-ups. En revanche, je suis curieux, j'ai toujours aimé poser des questions, creuser un peu les choses.

 

Pourquoi traiter de sujets engagés ?

Parce que tout le monde traite de sujets non engagés, c'est sympathique de mettre en avant ceux qui font des choses. En effet, la lecture des grands journaux est déprimante. Au début, je l'avoue, c'était simplement à titre égoïste ! Quand je vois l'énergie dont certaines personnes font preuve et l'inventivité qu'ils déploient, cela me fait du bien. Il en va de même avec mes étudiants. Judith Aquien a créé Thōt à une époque où tout ce qu'on dit sur les migrants relève de la politique d'extrême droite et où Gérard Colomb parle d'« appel d'air ». C'est une tendance extrême droite qui se profile, même dans le gouvernement, et cela fait mal. Alors, traiter de sujets engagés, c'est se sauver soi-même. Se dire qu'il y a une porte de Salut et que l'on n'est pas condamné à vivre dans un monde à la « Goldman Sachs »... De toute façon, c'est en accord avec ma conception politique, je ne pourrais pas faire autrement ! D'ailleurs, tout marche ensemble, j'achète des baskets Veja et je refuse des séminaires pour BNP, Uber... Afin d'être en accord avec ma conscience.

 

Comment éduquer le public à ces sujets « nouveaux » ?

Personnellement, je ne sais rien faire de mes dix doigts mais je sais synthétiser, je suis un passeur, j'aime faire passer mes idées au service de causes engagées. Tout commence notamment par ne pas empêcher les gens de nous suivre quand ils ne pensent pas comme nous. Les réseaux sociaux ont plus d'audience concernant les médias et on n'en est encore au début. C'est le premier moyen de se parler. En tant que journaliste, on essaie de diffuser les informations qui valent la peine sur les canaux qui font le plus d'audience mais c'est très difficile car les grands médias traditionnels colportent les grandes tendances du moment. Après, c'est une question de choix. Où est-ce qu'on va décider de s'informer et comment va-t-on construire son rapport au monde ? Par exemple, je n'ai pas la télé. Si on regarde BFM TV et qu'on voit Macron lors de l'inauguration des Restos du cœur déclarer à une Marocaine que la France ne peut pas l'accueillir, c'est comme ça qu'on construit son rapport du monde...

 

Une rencontre marquante ?

Il y en a plusieurs. Saïd Hammouche, fondateur de Mozaïk RH, avec qui j'ai écrit un livre. Benjamin Blavier, fondateur de Passeport Avenir. Réjane Sénac, grande politologue, la première - trop seule - à toujours marteler que l'égalité entre les femmes et les hommes est un impératif qui doit se faire au nom de la justice et jamais au nom de la performance. Les femmes sont la seule minorité qui représente 51 % du pays ! On parle beaucoup des 20 % sur un panel diversifié de métiers qui peut s'expliquer (pas s'excuser) par des raisons sociologiques variées. Mais les femmes sont moins payées de 4 % strictement à poste égal et diplôme égal, et là, il n'y a aucune excuse, c'est de la discrimination pure, et c'est inacceptable. Chez onepoint, fondé par David Layani, une salariée qui tombe enceinte est systématiquement augmentée. C'est une belle initiative dans un monde dominé par les hommes blancs.

 

Le sujet que vous avez préféré traiter ? 

Les sujets qui ont trait à l'emploi, à l'emploi autrement. Je me suis beaucoup consacré aux entreprises d'insertion, qui accueillent des publics très éloignés de l'emploi moyennant une aide l'État. La question de l'emploi m'a toujours intéressé, d'autre part, un autre sujet me passionne vraiment : la différence. On devrait avoir le droit à la différence. Comme disait Albert Einstein, « il est plus facile de briser un atome qu'un préjugé » : il a bougrement raison. On en est tous remplis...  

Votre journalisme idéal ?

Je viens de parler de préjugés, le journalisme idéal serait composé de journalistes qui arrivent à se remettre en question. Ensuite, un journalisme qui fait ce qui veut en terme de censures. La France a perdu 25 places au classement de la liberté de la presse parce qu'on est tenu par les milliardaires et par Bernard Arnault qui se venge d'un article « Paradise papers » en privant Le Monde de 600 000 euros de publicité. Un journaliste idéal, ce serait donc celui qui a les moyens de faire ce qu'il veut sans souci d'argent. Il pratiquerait un journalisme qui prend le temps et qui arrive à retrouver les grands équilibres en se dégageant de l'infobésité et du temps ultra court. En 15 ans, le nombre de faits divers dans les journaux a été multiplié par 3. Il y a un temps d'antenne pourtant précieux consacré à ça, et vraiment, ça me déprime. La presse a finalement dédié très peu de temps aux paradise papers. Aujourd'hui, on diffuse des informations qu'on oublie, car les médias sont un catalogue d'une info sur l'autre et ce n'est pas très sain. Un sujet important, il faut en parler pendant trois mois, mais je pense que ça viendra avec la montée des réseaux sociaux. Par exemple, l'affaire Weinstein est finie, mais pas le mouvement de libération de la parole des femmes et le fait que la honte change de camp.

 

L'avenir des médias selon vous ?

Je vois l'avenir des médias de manière résolument optimiste. La montée en puissance de la « bonne » information est très lente, difficile, mais une fois que ce sera fait, ce sera irréversible. Ça va prendre du temps, ce n'est pas gagné car il y a des modèles économiques qui font que c'est compliqué, comme la publicité mise en place il y a un siècle et demi, qui fonctionne bien. Bien s'informer, c'est un investissement. Mais des MOOC comme 21 se vendent bien. Je ne vois pas une hégémonie si longue que ça à la pensée BFM.

 

Le mot de la fin ?

« La fatalité, c'est personne, la responsabilité, c'est quelqu'un » écrit Paul Ricoeur dans Le Juste. Dans une chaine de responsabilité, on est tous responsables, on ne peut pas faire l'autruche. Et ceux qui ont du pouvoir devraient avoir davantage de responsabilités...

 

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