La Cassette, tiers-lieu engagé pour la création sonore, ouvre bientôt ses portes à Aubervilliers
Comme chaque lundi, Carenews partage avec vous une initiative inspirante pour bien démarrer la semaine. Aujourd’hui, on ouvre grand ses oreilles pour découvrir La Cassette, espace de 100 m² conçu pour faire de la radio ensemble et autrement. L’ouverture est prévue pour fin 2020 à Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis. Avis aux radiophiles !
À l’ère du numérique, impossible d’échapper à la déferlante du format podcast. L’audio est une façon accessible de se faire connaître, de témoigner, de partager une analyse. Mais cette offre grandissante ne reflète pas toujours la grande diversité des genres sonores possibles. « Il y a bien une explosion du podcast, mais les formes de production restent très homogènes, déplore Ziad Maalouf, journaliste radio depuis 2001 et membre du collectif radiophonique Transmission. L’essentiel se résume à de l’entretien traditionnel ou à des conversations en plateau. Cela représente peut-être 98 % de la production ! »
Favoriser la biodiversité sonore
Convaincus que des pans considérables de territoires sonores restent à défricher, lui et Sarah Lefèvre, reporter et documentariste radio, fomentent un projet de « fablab de la radio » : La Cassette. Le projet est aujourd’hui porté par l’ensemble du collectif Transmission, qui rassemble des professionnel·le·s et des passionné·e·s de la création sonore. « La motivation d’origine vient d’une frustration sur le manque de recherche en narration, raconte Ziad Maalouf. On a voulu rassembler des personnes partageant le sentiment qu’on peut raconter des histoires de façon un peu plus sexy en radio. Comment faire rentrer les gens dans une histoire ? Comment les captiver ? Il s'agit de soigner le goût et l’envie des gens de prolonger l’écoute. »
La Cassette se définit comme un tiers-lieu : ouvert, propice aux rencontres et à l’expérimentation. « Un lieu dont il peut sortir des entreprises, des associations, des talents, des auteurs·trices… » En plus d’un café convivial, deux cabines d’enregistrement professionnelles et un studio cinq places seront mis à disposition des personnes qui en font la demande. Ziad Maalouf reste néanmoins convaincu que ce n’est pas l’équipement qui fait la réussite de ce « travail d’artisan » qu’est l’assemblage de sons. « En radio, les freins techniques sont peu nombreux. Un petit enregistreur et un ordinateur sont suffisants pour produire quelque chose de compétitif et gagner des prix internationaux face à des professionnel·le·s. Même un téléphone peut suffire dans certains cas. Une fiction d’Arte Radio, La dernière séance, a été enregistrée entièrement au téléphone. Et ça marche très bien ! »
La radio, médium inclusif
Cette relative sobriété technique fait de la radio un média d’expression accessible financièrement. Un autre avantage, et non des moindres, est que la production audio ne demande pas de maîtrise de l’écrit. « La quantité de personnes qui ne savent pas écrire ou qui ont du mal à s'exprimer par l’écrit est colossale. L’écriture est une technique complexe, d'ailleurs souvent utilisée pour juger, pour séparer les meilleurs des moins bons. Or, on peut totalement s’informer et s’éduquer en audio sans savoir lire ou écrire, et on peut tout à fait produire en audio en étant analphabète ou illettré. Beaucoup de personnes très complexées par leur orthographe ont une articulation de pensée tout à fait brillante. Ces personnes-là ne se sentiront jamais en danger en manipulant l’audio. En ça, l’audio est très inclusif. »
S’il reste nécessaire de se former un peu à la prise de son et aux logiciels de montage, le journaliste assure que cela reste beaucoup plus facile d’accès que l’utilisation d’une caméra ou le montage vidéo. La Cassette proposera régulièrement des initiations à l’enregistrement et au montage, pour tous les niveaux et à prix solidaire, ainsi que des séances d’écoute collective pour s’informer et s’instruire. « 100 m² ça reste petit, pour tout ce qu’on veut y faire ! Si ça marche bien, je pense qu’on ira ensuite vers quelque chose de plus grand », confie le co-initiateur du lieu.
Un lieu de formation et d’émulation
Le collectif Transmission n’en est pas à son premier projet. Depuis 2018 déjà, la petite équipe propose une école de radio à prix libre. « Il y a toujours la possibilité de ne rien payer si on n’en a pas les moyens, glisse Ziad Maalouf. On ne voulait pas faire de discrimination par l’argent, c’est quelque chose de très important pour nous. » Les inscriptions pour rejoindre la troisième promotion sont ouvertes jusqu’au 30 juin. Aucune expérience technique ou cursus universitaire préalable n’est requis par le formulaire de candidature, qui précise tout de même rechercher des personnes « passionnées et motivées, prêtes à s'engager dans une formation exigeante ». À la clé des 120 heures de formation, le potentiel éveil de talents qui ne sont pas passés par les circuits de formation habituels. C’est ainsi que deux « objets sonores » issus des promotions précédentes ont été récompensés au festival Longueur d’ondes, le grand rendez-vous annuel des amateurs·trices de radio : Tout de suite les grands mots, un dialogue captivant sur le consentement signé Norah Benarrosh-Orsoni, et Kebab Blues de Zoé Perron, récit pas banal d’un moment de racisme ordinaire...
Un dernier coup de pouce
En tant que lauréate d’un appel à projets organisé par la Ville d’Aubervilliers, La Cassette bénéficiera d’un local à loyer modéré au cœur du quartier des Quatre-Chemins pendant au moins deux ans. Le soutien de la Fondation Véolia, une subvention de la Région Île-de-France ainsi qu’un prix de l’Arc de l’innovation lui ont déjà permis de récolter les deux tiers des coûts d’aménagement et d’équipement, estimés à 100 000 euros. Mais pour sortir de sa boîte, La Cassette a encore besoin de rassembler le reste de la somme. Une cagnotte de sociofinancement est ouverte depuis janvier dernier, et se clôture le 29 juin... Faites du bruit !
Axelle Playoust-Braure
Cet article a été réalisé dans le cadre de la « La France des Solutions – Tous mobilisés ! », en partenariat avec l’association Reporters d’Espoirs.