Le rêve européen de Phenix
La startup spécialisée dans la lutte contre le gâchis alimentaire et les invendus veut internationaliser son modèle. En ligne de mire : une implantation dans les grands pays européens d’ici 2023.
Cet article est issu du Top 50 de l’entrepreneuriat à impact. Initié par Carenews, piloté par HAATCH et l'ESSEC et soutenu par BNP Paribas, ce classement dévoile les 50 structures (entreprises, associations, coopératives) les plus impactantes de 2020.
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Lorsqu’il œuvrait dans une grande banque d’affaires américaine intégrée à la sortie de son école de commerce, Jean Moreau était à la recherche de « sens ». S’il aimait l’aspect « formateur, professionnel et exigeant » de cette première – et intense – vie professionnelle alors qu’il ignorait encore qu’il deviendrait entrepreneur, le jeune professionnel voulait produire de l’impact. « Donner du sens à mes compétences, c’était 100 % la base de mon switch professionnel », confie-t-il aujourd’hui. C’est fort de ce constat que fut fondée, avec Baptiste Corval, l’entreprise Phenix qui se bat depuis 2014 contre le gâchis alimentaire.
Quatre zones prioritaires en Europe d’ici 2023
L’entreprise, aujourd’hui présente dans 25 villes françaises, veut conquérir d’autres pays européens avec toujours cette volonté de faire sens et produire de l’impact. En ligne de mire : le Royaume-Uni, l’Italie, l’Allemagne ainsi que la zone Benelux. « Notre principal défi est de dépasser le cadre franco-français », explique Jean Moreau. « On n’a pas encore complètement réussi la preuve du concept à l’étranger », ajoute-t-il en précisant que 90 % du chiffre d’affaires de Phenix – environ 15 millions d’euros en 2020 – sera encore réalisé dans l’Hexagone.
Ce développement devait avoir lieu cette année, mais a été décalé du fait de la pandémie. L’entreprise qui avait réalisé une troisième levée de fonds en novembre 2018 de 15 millions d’euros précisément pour se développer à l’international est aujourd’hui implantée en Suisse, en Belgique, au Portugal ainsi qu’en Espagne. Elle se donne jusqu’en 2023 pour conquérir ces grands marchés européens.
Aller à la sortie de l’usine
Dans un contexte de concurrence accrue sur ce créneau de la lutte contre le gâchis alimentaire, Phenix a aussi un défi plus général de diversification sectorielle. Cette ambassadrice de la Tech for Good souhaite pouvoir faire la sortie des usines. « On s’aperçoit depuis qu’on est sur le marché qu’il y a beaucoup de gaspillage qui se joue en amont soit dans la chaîne logistique, dans le transport, dans les entrepôts » poursuit Jean Moreau qui est, par ailleurs, depuis le printemps 2020 coprésident du mouvement IMPACT France (ex-Mouves).
Concrètement, cela signifie chercher et reprendre très en amont des produits « déclassés » qui présentent par exemple un défaut marginal sur une étiquette ou ne seront pas écoulés du fait d’un lancement raté. Les deux piliers du modèle économique restent toutefois les mêmes : l’offre grand public permet aux individus de trouver via une application un panier alimentaire à prix cassé auprès d’un commerçant local, et de l’autre, l’opportunité pour les grands distributeurs d’offrir aux associations caritatives les produits qu’ils avaient vocation à détruire, Phenix assurant la tâche d’intermédiaire.
Pour accélérer sa croissance, la startup veut aussi surfer sur le nouveau cadre réglementaire qui promeut la lutte contre le gâchis alimentaire avec la loi Garot de 2016, mais aussi sur une nouvelle prise de conscience des entreprises et des consommateurs. À terme, l’entreprise qui compte près de 165 salariés veut aussi se digitaliser au maximum. Dans un contexte économique difficile, Phenix estime pouvoir tripler son chiffre d’affaires pour atteindre 45 millions d’euros à l’horizon des trois ans.
Pierre-Anthony Canovas