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Par Carenews INFO - Publié le 21 janvier 2020 - 11:00 - Mise à jour le 21 janvier 2020 - 12:00
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[Témoignage] « J’ai créé Second Sew, une marque de vêtements pour enfants fondée sur l’upcycling »

À l’occasion de la Fashion Week, Carenews vous propose de repenser la mode. Aujourd’hui, Camille Brun-Jeckel, la fondatrice de Second Sew, une marque de vêtements pour enfants qui utilise des tissus revalorisés, nous raconte comment elle s’est lancée dans cette aventure entrepreneuriale.

Camille Brun-Jeckel, fondatrice de la marque de vêtements Second Sew. Crédit photo : Thomas Ebele.
Camille Brun-Jeckel, fondatrice de la marque de vêtements Second Sew. Crédit photo : Thomas Ebele.

Mon entreprise Second Sew est née de la convergence de plusieurs évènements. Ma mère, qui travaillait dans le prêt-à-porter français haut de gamme, a vu à la fin de sa carrière la qualité des vêtements se détériorer. Ces derniers étaient en effet de plus en plus produits dans les pays à bas coûts. Les consommateurs se retrouvaient donc avec des vêtements qu’ils avaient payés aussi cher qu’avant mais dont la qualité intrinsèque avait grandement baissé (couture qui tourne, rétrécissement au lavage...). Ma passion pour les voyages et mon travail dans l’humanitaire m’ont fait prendre conscience de l’impact que nos modes de vies pouvaient avoir sur notre environnement et sur les salarié·es des pays en développement. 

Surtout, lorsque ma fille est née il y a deux ans, j’ai voulu trouver une alternative pour pouvoir l’habiller sans hypothéquer son avenir. L’industrie textile étant la deuxième industrie la plus polluante au monde après le pétrole (il en faut d’ailleurs beaucoup pour fabriquer des fibres synthétiques), il me semble contradictoire d’habiller nos enfants avec des vêtements qui détériorent l’environnement dans lequel ils vont grandir et vivre.

L’upcycling au cœur de ma démarche

Mais je n’ai finalement trouvé aucune réponse qui me convenait véritablement. J’ai donc décidé d’allier mes passions qui étaient la couture et la chine (mon conjoint est antiquaire) pour habiller ma fille : en utilisant des textiles déjà existants tels que des draps, des rideaux, des nappes... C’est ce que l’on appelle la revalorisation textile ou « upcycling », qui se pratique depuis des temps ancestraux et de façon plus contemporaine, pour l’habillement des hommes et des femmes, mais rarement pour les bébés et les enfants. 

L’arrivée d’un enfant étant souvent synonyme de bouleversements et de changements de vie, elle peut réellement engendrer des prises de conscience. Et il y a urgence : chaque année en Europe, plus de deux millions de tonnes de vêtements sont donnés ou jetés et seulement un quart de ces quantités est réellement réinjecté dans la boucle de l’économie circulaire. 

Une gamme de six modèles de vêtements

Il y a donc une masse énorme de matières premières à notre disposition permettant de produire sans polluer. Quand j’ai décidé de proposer cette alternative à d’autres parents, je me suis d’abord professionnalisée en couture, en stylisme et en modélisme. Je me suis formée seule et j'ai ensuite suivi les cours pour adultes de la mairie de Paris pour passer un CAP « couture floue » en candidat libre. Cela a été plutôt simple et ne m'a pas coûté très cher mais cela a pris beaucoup de temps. Tout cela pour pouvoir désormais proposer une gamme de six produits allant de zéro à quatre ans : le bloomer, le sarouel, la salopette, la robe bain de soleil, le manteau, la robe Jane et un accessoire ; la topponcino (un matelas pour bébé). Il s’agit de modèles simples, adaptés au quotidien des tout-petits pour changer une couche, apprendre à ramper, à s’habiller seul…. La simplicité des coupes est contrebalancée par les motifs originaux des textiles chinés et utilisés.

Par ailleurs, l’une de mes volontés est de pouvoir rendre accessible la revalorisation textile au plus grand nombre. Je souhaite que les parents puissent offrir cette alternative à leurs enfants. Les prix sont donc compris actuellement entre 20 euros pour le bloomer et 58 euros pour le manteau molletonné et réversible.

Les vêtements de la marque Second Sew sont fabriqués à partir de tissus revalorisés.

Un atelier d’insertion à Calais

Dans un second temps, quand la question de faire appel à un partenaire extérieur s’est posée, je me suis naturellement tournée vers un atelier de confection travaillant avec des salariées en insertion professionnelle à Calais. Venant du milieu associatif, je voulais intégrer un volet social au projet Second Sew et surtout que l’ensemble du processus de fabrication ait, au pire aucun impact négatif, au mieux un impact positif. Dans un troisième temps, s’est posée la question des déchets. Concernant les chutes de tissu, j’ai eu l’idée de les utiliser pour rembourrer des coussins.

A travers Second Sew, je souhaite redonner sa vraie valeur aux vêtements : celui avec lequel on entretient un lien affectif, que l’on conserve et que l’on transmet à ses petits enfants. C’est ce que ma mère a fait en confectionnant mes propres vêtements quand j’étais enfant. Aujourd’hui, c’est ma fille qui les porte, ce qui a créé un lien entre nous trois que je trouve superbe.

Second Sew labellisée par SloWeAre

Second Sew a été labellisée « Marque éthique » par SloWeAre. La plateforme nous audite sur l'ensemble de la chaîne de valeur : des fournisseurs à la commercialisation. Je participe également régulièrement à des évènements en lien avec la mode éthique. De nouveaux projets sont encore prévus en 2020, notamment l’ouverture d’une boutique-atelier et une campagne de crowdfunding. Je vise la rentabilité de mon entreprise cette année. Lorsque l’on n’est pas accompagné par une structure ou un incubateur, le parcours peut être long et difficile. Je suis auto-entrepreneure mais j’envisage d'enregistrer mon entreprise dans l'économie sociale et solidaire en 2021. 

Il est impossible de se comparer à la fast-fashion car elle a beaucoup trop de poids à l'heure actuelle. Cependant, les consommateurs sont de plus en plus sensibles à la mode éthique et au made in France.

Une aventure entrepreneuriale 

Les défis entrepreneuriaux auxquels j'ai été confrontée sont les défis classiques : la polyvalence poussée à son extrême (j’ai endossé les rôles de comptable à webmaster en passant par modéliste et attachée de presse) mais c'est ce qui est également très stimulant dans cette aventure. Il y a forcément aussi la solitude parfois, bien que je ne la ressente que rarement, le découragement qui s'abat quand les obstacles s'accumulent ou bien que le chiffre d’affaires ne décolle pas, la recherche de fonds... Mais à côté de cela, il y a une multitude de joies : la liberté, la possibilité de pouvoir travailler avec qui on veut, les surprises d'entendre « oui, je connais Second Sew », l'euphorie des appels des médias...

Il est vrai que les conséquences du changement climatique et son accélération peuvent nous faire redouter le pire pour les prochaines générations. Mais je préfère voir le verre à moitié plein, et selon moi, nous sommes justement là pour les accompagner vers un nouveau mode de vie et de consommation. C'est également pour cette raison qu'il me semble essentiel de débuter ce changement dès le plus jeune âge.

Camille Brun-Jeckel, fondatrice de Second Sew 

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