Les événements face aux enjeux de santé et de voisinage : comment transformer une contrainte réglementaire en atout RSE ?
Le son est le cœur de tout événement, mais sa gestion est un défi majeur de responsabilité sociétale (RSE). Entre la protection de la santé auditive, le respect de la tranquillité des riverains et une réglementation complexe, les organisateurs doivent jouer une partition délicate. Cet enjeu est une pierre angulaire de l'événementiel soutenable.

Le son : un enjeu aux multiples facettes
Si la musique amplifiée est souvent la première source de bruit à laquelle on pense, l'impact sonore d'un événement est bien plus large. Logistique, foule, effets spéciaux : autant de sources sonores qu’il faut anticiper pour garantir le respect des publics et des riverains.
L’ouvrage L’Organisation d’événements engagés et responsables le rappelle : une véritable démarche RSE ne peut ignorer ces nuisances. Les aborder sous ses angles techniques, humains et territoriaux est un levier clé pour créer un événement à la fois festif, inclusif et respectueux de son environnement.

La santé du public : protéger les oreilles de la fête
L'exposition aux sons amplifiés expose le public à des risques auditifs importants. La réglementation impose des mesures précises pour garantir la sécurité de tous, parmi lesquelles :
- Informer le public sur les dangers auditifs.
- Distribuer gratuitement des protections auditives, comme des bouchons d'oreille.
- Mettre en place des espaces de repos auditif.
📣 Bonne pratique : Agi-Son, association spécialisée dans la gestion sonore, vulgarise ces enjeux à travers des initiatives comme "Peace&Lobe", un concert pédagogique pour les jeunes, et propose des kits de prévention distribués lors de festivals.
Santé au travail : les coulisses de l'écoute
Les professionnels du spectacle (techniciens, artistes, agents de sécurité) sont régulièrement soumis à des niveaux sonores élevés, souvent négligés dans les dispositifs de prévention. Une démarche de management responsable doit impérativement inclure une évaluation rigoureuse de ces risques.
📣 Bonne pratique : Les Eurockéennes de Belfort, engagés en RSE, optimisent l’ergonomie des postes sonores pour protéger sur le long terme l’audition de leurs équipes techniques.

Citoyens et voisins : cultiver le bon voisinage
Le bruit est l'une des premières sources de nuisance pour les riverains. Il ne se limite pas aux concerts : logistique nocturne, montage des installations, dispersion de la foule engendrent des frictions qu’il est essentiel de maîtriser.
📣 Bonne pratique : À Charleville-Mézières, le festival Cabaret Vert mise sur :
- un dialogue constant avec les habitants
- l’anticipation des sources de nuisances
- des ajustements en temps réel pour préserver l’acceptabilité locale de l’événement.
Participer au territoire : l’exemple du Stade de France
Conscient dès la fin des années 2000 que le son était son "talon d'Achille" dans un quartier dense et habité, le Stade de France a initié une démarche exemplaire.
Diagnostic (2006) : Un bilan acoustique mené avec les associations riveraines a identifié la sonorisation et les feux d'artifice comme sources de nuisances.
Solution : Installation d’un système son numérique "line-array" (2,2M€) optimisant et limitant les fuites sonores.
Suivi : Déploiement d’un système acoustique permanent (SySMA), avec 6 stations de mesure s'appuyant sur les données de Bruitparif, l'observatoire du bruit en Île-de-France, pour surveiller l'émergence sonore en temps réel (200K€).
Résultats : Une réduction 5 et 7 décibels (A) mesurée dans le voisinage immédiat
Parole d'experte : Mylène Huard, gérante de MHC, conseil en ingénierie culturelle
“La principale difficulté du décret “son” réside dans le fait que la nouvelle réglementation de 2017 ne prend pas en compte les spécificités du spectacle vivant. Aussi, si certaines dispositions sont techniquement tout à fait possibles à mettre en œuvre (limiter les niveaux, mettre en place des actions de prévention, etc.) , d’autres apportent un flou ou une difficulté quant à leur application (difficultés liées à la mesure et la balance tonale au sujet des basses fréquences, problématiques liées aux modalités techniques d’anticipation et de mesure des émergences sonores, etc.)
“Pour concilier protection et expérience artistique, il faut considérer la sécurité non comme un frein, mais comme un prérequis.“
Vis-à-vis des riverains, la solution repose sur la proactivité et la transparence : informer en amont, dialoguer et ne pas oublier les nuisances connexes comme les attroupements extérieurs.
Enfin, la formation de toutes les équipes est un pilier. L’audition est au cœur de nos métiers, il est donc nécessaire de mieux la connaître pour mieux la préserver. »
Un cadre réglementaire à nuancer
Le décret "son" (2017), renforcé par l’arrêté d'avril 2023, vise à protéger l’audition du public et à prévenir les nuisances via des études d'impact sonores (EINS).
Cependant, ce cadre rigide pose parfois problème pour les festivals en plein air, où les conditions météo et la topographie rendent son application difficile. Des structures comme Ekhoscènes alertent sur un risque d’atteinte à leur pérennité, appelant à un moratoire pour imaginer une réglementation plus adaptée.

Du son et des actes avec Marsatac
Face à la complexité du décret, le festival Marsatac s’allie à Agi-Son depuis 2022 pour expérimenter des solutions à dimension nationale :
- Objectif : Construire des méthodes pour maîtriser les émergences sonores, tout en préservant la qualité artistique.
- Méthode : Approche itérative, testée chaque édition du festival pour ajuster techniques et configurations sonores.
- Partenaires : Le projet fédère tout l'écosystème : experts acousticiens, fournisseurs, équipes techniques, institutions.
- Impact : Les bilans et recommandations alimentent la filière, faisant de Marsatac un véritable laboratoire au service de tous.
Les bonnes pratiques pour un événement sonore et responsable
Face à ce contexte complexe, comment agir ?
- Anticiper et diagnostiquer
L'ouvrage L'organisation d'événements engagés et responsables recommande d'identifier les nuisances prévues à toutes les phases du projet. La réalisation d'une EINS est une étape importante et conseillée.
- Dialoguer et concerter
Instaurer un canal de communication pour que les riverains puissent alerter en cas de gêne.
- Innover et prévenir
- Techniques : orientation des systèmes de sonorisation, choix des équipements, calage précis de la diffusion
- Médiation : partenaires comme Bruitparif proposent des outils et chartes de bon voisinage.
- Mesurer pour s'améliorer
Des capteurs permanents, à l’image du Stade de France, permettent d'objectiver la situation, de rassurer les riverains et d'ajuster les réglages en temps réel.
En conclusion
La maîtrise du son ne se limite plus à une exigence technique : c'est un acte de management responsable et un enjeu de RSE majeur. Elle demande de l'anticipation, du dialogue et de l’innovation. Loin d'être une contrainte, elle est une opportunité de renforcer les liens avec son territoire, de prendre soin de ses publics et de ses équipes, et de faire de l'événementiel un levier positif au service du respect de l’environnement.
Article rédigé par Xavier Parenteau, co-fondateur d’Ipama
Pour aller plus loin…
Les acteurs de la prévention et de la gestion sonore :
- Agi-Son : L'association de référence pour la gestion sonore dans le spectacle vivant. Leur site est une mine d'informations sur la réglementation, les risques auditifs et les outils de prévention (campagnes, guides, etc.).
- Le Centre d'Information sur le Bruit (CidB) : Un organisme expert qui propose des guides et des fiches pratiques pour comprendre et appliquer la réglementation sur les "sons amplifiés".
Exemple de démarche intégrée :
- Le Guide de Prévention des Eurockéennes de Belfort : Un exemple concret et très complet de la manière dont un grand festival, en partenariat avec l'Agence Régionale de Santé (ARS), structure son offre globale de prévention des risques (risques auditifs, conduites addictives, etc.). Un guide méthodologique inspirant à consulter.
Les outils réglementaires et techniques :
- Bruitparif : L'observatoire du bruit en Île-de-France est un partenaire technique précieux. Il propose des méthodologies de mesure, accompagne les acteurs dans la mise en place de chartes de bon voisinage et offre une expertise technique pour objectiver les situations.
- Légifrance : Pour consulter directement les textes officiels qui encadrent la gestion sonore.
- Décret n° 2017-1244 du 7 août 2017 relatif à la prévention des risques liés aux bruits et aux sons amplifiés.