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Par Ipama - Publié le 13 août 2025 - 08:50 - Mise à jour le 13 août 2025 - 08:50
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Une Coupe de trop ? Les événements sportifs face aux défis climatiques

Alors que les conséquences du dérèglement climatique n’ont jamais été aussi visibles et les alertes des scientifiques aussi formelles, le secteur de l’événementiel est en pleine injonction contradictoire : frappé de plein fouet, il continue à se développer. Et si les spectateurs, par leur engagement, étaient le chaînon manquant pour enclencher définitivement la prise de conscience et le passage à l’action du secteur ?

Arrivée du marathon féminin des Championnats du monde d’athlétisme de l’IAAF Doha 2019 à Doha, au Qatar, en septembre 2019. MATTHIAS HANGST / GETTY IMAGES VIA AFP
Arrivée du marathon féminin des Championnats du monde d’athlétisme de l’IAAF Doha 2019 à Doha, au Qatar, en septembre 2019. MATTHIAS HANGST / GETTY IMAGES VIA AFP

 

Cet été a été agité à plus d’un titre. Des vagues de chaleur précoces ont bousculé le mois de juin, charriant avec elles des épisodes de sécheresse et d’orages de forte intensité.

Les événements ont été affectés à plus d’un titre : concerts et festivals annulés en raison des alertes météo, conditions d’accueil dégradées des publics, risques sur les artistes et sportifs. Cette exposition aux aléas climatiques (de plus en plus fréquents et intenses) interroge les évolutions du secteur de l’événementiel et des attentes des spectateurs.

En parallèle, le rejet populaire massif et sans précédent de la loi Duplomb jugée néfaste pour l’environnement par 2 millions de personnes qui ont signé la pétition s’y opposant, peut aussi être interprété comme un passage à l’action collective d’une part de la société civile.

Focus : la Coupe du Monde des Clubs, un cas d’école

À peine couronné champion d’Europe à la fin du mois de mai, le Paris Saint-Germain s’est rendu début juin aux États-Unis pour disputer le mondial des clubs aux côtés de 31 autres équipes venues de tous les continents.

D’un côté, la FIFA a défendu ce format inédit  par sa mission d’universalisation du football, brandissant un milliard d’euros de recettes potentielles pour récompenser les équipes participantes, dont 25% redistribués au titre du principe de solidarité. De l’autre, des clubs qui s’engagent malgré des interrogations sociales et environnementales croissantes. 

On retrouve ici une illustration possible de la théorie du découplage :  un événement porteur d’impacts économiques conséquents, mais dont les conséquences écologiques restent inconsidérées.

Au milieu, des fans probablement partagés entre la curiosité et la perplexité face à ce nouveau tournoi réunissant des équipes de niveaux hétérogènes s’ajoutant à une saison déjà très longue.

Les clubs ont été placés dans une situation où leur participation était fortement encouragée politiquement et incitée financièrement. Dans le même temps, les potentielles implications négatives ne semblent pas avoir pesé lourd pour acter la décision d’y prendre part ou non.

La compétition a d’ailleurs été perturbée par :

  • des risques d’orage et ouragans qui ont entraîné des retards et interruptions
  • des températures proches des 40°C pendant certains matchs
  • des matchs disputés à des horaires extrêmes (12h ou 15h) pour maximiser l’audience, au détriment de la santé des joueurs et spectateurs
  • des dispositifs de refroidissement énergivores (stades climatisés, brumisateurs géants)

 

coupe du monde
Un panneau annonce l’interruption du match de Coupe du monde des clubs entre Al-Ahly et Palmeiras en raison de la chaleur, dans le MetLife Stadium (New Jersey), le 19 juin 2025. SETH WENIG / AP dans Le Monde, lemonde.fr

Une prise de conscience ou un déni collectif ? 

Cette compétition a été décrite par plusieurs médias engagés comme  « le tournoi de trop » . Et sur le terrain, des critiques se sont également fait entendre.

Des joueurs et entraîneurs (ainsi que leurs syndicats) ont exprimé des inquiétudes :

  • Sur la surcharge des calendriers, en particulier pour les joueurs de niveau international disputant plus de 60 matchs par saison : en 2024, Rodri alertait sur ce rythme infernal et évoquait une possible grève de footballeurs pour le dénoncer. Quelques jours plus tard, il se blessait gravement… avant de recevoir le Ballon d’Or.
  • Sur les conditions de jeu et leur impact sur la santé des joueurs : certains entraîneurs ont annulé des entraînements pour protéger les joueurs. Le Borussia Dortmund a préféré laisser ses remplaçants dans les vestiaires pendant la première mi-temps plutôt qu’en bord de pelouse où ils auraient été exposés aux chaleurs. L’ajout d’un mois de compétition vient de plus réduire la période de repos estival.
  • Sur les conséquences environnementales : une compétition supplémentaire, ajoutant uniquement pour les équipes 564 877 kilomètres de trajets en avion, sans compter les supporters
  • Sur le modèle d’une industrie financée par des secteurs fossiles et polluants, qu’elle promeut et qui contribue aux dérèglements climatiques et à la détérioration des conditions de pratique, pour poursuivre son développement.

 

Les tribunes, souvent clairsemées, ont également traduit une adhésion populaire défaillante. A un an seulement de la prochaine Coupe du monde des nations (organisée en 2026 conjointement par les Etats-Unis, le Canada, le Mexique), cette compétition a mis sur le devant de la scène des sujets brûlants reflétant des préoccupations sociales et environnementales mais rappelant également la capacité d’action des acteurs.

Et si les publics devenaient acteurs du changement ?

Les événements poursuivent leur marche en avant, toujours plus grands et plus longs.

Le prochain Mondial opposera 48 équipes (1,5 fois le nombre actuel de participants), doublant le nombre de matchs et augmentant significativement sa durée. A l’image du Mondial Qatari en 2022 et des prochains Grands événements sportifs internationaux, les différents publics de l’événement ne vont plus pouvoir contourner des questionnements devenus centraux :

  • Est-ce que je souhaite m’associer à cet événement ?
  • Est-ce que je souhaite y participer ?
  • Le cautionner par ma présence, mon financement direct ou indirect ?
  • Y adosser mon image ?

 

Le boycott, sempiternel serpent de mer, risque d’agiter beaucoup de débats mais aussi des réflexions individuelles et collectives. Tous les acteurs vont être amenés à se positionner sur leur participation aux prochains événements, mais aussi sur les conséquences politiques, sociales et environnementales de leur décision.

Les acteurs du jeu (fédérations, sélectionneurs, entraîneurs, joueurs, syndicats) seront les premiers concernés et les plus exposés aux différents risques évoqués. Leur positionnement éventuel sera scruté mais risque de demeurer marginal.

La participation à ces événements, et son corollaire le renoncement, revêtent des enjeux extrêmement forts.

Les spectateurs et supporters, eux aussi, pourront se positionner et agir. Si le renoncement individuel demeure isolé, son impact sera réduit, mais si la dynamique collective devient massive, elle pourra initier des changements de pratiques. La très forte mobilisation autour de la pétition contre la loi Duplomb (plus de 2 millions de signataires) l’illustre. Elle pourrait amener à débattre une nouvelle fois d’une loi et pourquoi pas conduire à en modifier le contenu.

Le 13 juillet, un choix symbolique s’est imposé : TF1 a préféré diffuser la finale du Mondial des clubs (Chelsea - Paris), sous-licenciant le match décisif de l’Euro féminin (France - Pays-Bas) à France Télévisions.

Les spectateurs eux aussi ont choisi. Il serait intéressant de creuser les critères qui leur ont permis de trancher : enjeux sportifs, soutien au sport féminin, supporter un club ou l’autre, attrait pour l’une des deux compétitions… l’audimat s’est divisé mais pourrait demain se retrouver autour d’enjeux communs tels que la préservation de l’environnement et la dénonciation d’aberrations sociales et écologiques.

Se mobiliser pour rendre les événements plus soutenables

Il est plus que jamais urgent de poursuivre le travail de fond et de sensibiliser tous les publics sur les enjeux contemporains, notamment climatiques. Il semble indispensable de :

  • identifier et de former des ambassadeurs engagés,
  • créer des espaces d’expression sécurisés pour les voix et les discours divergents,
  • protéger les lanceurs d’alerte de demain.

 

Dialoguer avec tous les acteurs et les fédérer autour d’enjeux d’intérêt général doit être une priorité pour rendre les événements plus soutenables et pouvoir envisager leur tenue dans un monde contraint et soumis à des limites planétaires et systémiques désormais connues.


Article rédigé par Franck d’Agostini, directeur de projet chez Ipama

 

 

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