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Par Le Labo de l'ESS - Publié le 10 juin 2020 - 15:05 - Mise à jour le 10 juin 2020 - 15:05
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[Le Saviez-vous?] L’ESS à l’école pour expérimenter le « faire ensemble » et élargir sa vision du monde

Pourquoi éduquer à l’ESS ? Comment les acteurs de l’ESS s’impliquent-ils (en temps normal) pour diffuser les principes de l’ESS ? Comment faire pour que les jeunes se familiarisent aux principes de coopération et de solidarité ? À l’aune des vacances scolaires, il est déjà temps de penser à la rentrée de septembre pour la placer, plus que jamais, sous le signe de l’ESS. La Semaine pour l’ESS à l’école, qui devait initialement se tenir en mars dernier, se tiendra bien du 9 au 14 novembre 2020 : l’occasion de préparer dès maintenant cet événement important !

Trois étudiantes. Copyright : Unsplash
Trois étudiantes. Copyright : Unsplash

Éduquer à l’ESS pour former les citoyen.ne.s de demain

Il n’est pas surprenant de lier l’économie sociale et solidaire à l’éducation puisque dès son origine, « l’ESS a intégré un projet éducatif dans son projet économique [1] » dès le XIXème siècle. S’adressant en premier lieu aux ouvriers qui n’avaient pas la possibilité d’aller à l’école, la création de bibliothèques ouvrières, de journaux ouvriers et d’universités populaires a permis à cette classe ouvrière de s’émanciper tout en apprenant à coopérer. Substitut à l’école dans un premier temps, puis objet de lutte pour une école publique gratuite et obligatoire à l’époque des lois de Jules Ferry, le projet pédagogique de l’ESS se restreint au XXème siècle pour finalement faire disparaitre la notion de coopération des programmes scolaires de l’école de la République.

L’éducation à l’ESS ré-apparait pourtant dans le paysage scolaire ces dernières années grâce à de nombreuses initiatives impulsées conjointement par les acteurs de l’ESS et de l’enseignement pour renouer avec les valeurs fondamentales véhiculées par cette « autre manière d’entreprendre » et les transmettre aux mieux aux jeunes générations.

C’est le cas du dispositif « Mon ESS à l’école » mis en place par L’ESPER en 2016. Il propose aux enseignants et aux élèves de constituer une structure de l’ESS tout au long de l’année pour expérimenter un projet collectif, entrepreneurial et d’intérêt public. Ainsi, en expérimentant les principes de l’ESS (coopération, démocratie, recherche de l’intérêt général, libre-arbitre, lucrativité limité), les élèves apprennent à travailler ensemble et à coopérer. À titre d’exemple, une classe de de 5ème du collège Camille Claudel de Saint-Quay-Portrieux a créé un club zéro-déchet pour réduire l’utilisation du plastique en recyclant des tissus pour en faire des sacs ou éponges lavables. Du nom du club aux projets menés en passant par l’apprentissage de techniques de recyclage (couture, DIY...), ce sont les élèves, encadrés par des professeurs, qui prennent ensemble toutes les décisions.

Classe

 

Ces projets éducatifs sortent les jeunes de la théorie, très présente dans les programmes scolaires. Ils leur permettent d’expérimenter, à leur échelle, le fonctionnement d’une entreprise et d’acquérir des compétences techniques. C’est ce que relate l’expérience de Rosène Charpine, professeure d’histoire-géographie-EMC (Enseignement Moral et Civique), sur l’académie de Grenoble [2], dont les élèves ont monté une micro-entreprise coopérative pour produire « Le petit Henry », journal du collège. Ils sont entièrement responsables de la coopérative qui fonctionne avec les mêmes services qu’une entreprise : direction (élection des dirigeants par leurs pairs), production de contenus (rédaction, reportages, maquette) et fonctions supports (marketing, publicité, comptabilité…).

À l’heure où le modèle présent dans les programmes reste celui de l’économie capitaliste [3], éduquer à l’ESS ouvre la voie à une autre vision de l’économie et permet de faire évoluer les représentations des élèves. En s’imprégnant des valeurs de solidarité, de démocratie ou de coopération, ils découvrent la diversité des modèles et la pluralité des acteurs économiques. Rosène Charpine [4] souligne d’ailleurs que pour la majorité de ses élèves «  une entreprise a pour principal objectif l’enrichissement personnel d’un patron, qui dispose librement des fruits du labeur collectif  » mais qu’après l’expérience de micro-entreprise coopérative, certains «  se sont montrés particulièrement motivés par la dimension sociale, voire solidaire, de certaines formes d’entrepreneuriat. »

Ainsi, parler d’économie sociale en classe et l’expérimenter dès le plus jeune âge permet de faire infuser des valeurs humaines, de coopération et de démocratie. Cela prépare les citoyens de demain à être tournés vers les autres et à mieux appréhender le monde dans sa diversité.

Elèves travaillant en groupe

La coopération des acteurs au cœur de l’éducation à l’ESS

À l’inverse de l’éducation au développement durable imposée aux enseignants par le Ministère de l’éducation, l’éducation à l’ESS est issue de diverses initiatives impulsées par les acteurs de l’ESS [5]. Ainsi, en 2010, 44 organisations de l’économie sociale et solidaire (associations, mutuelles, coopératives et syndicats) se réunissent au sein de l’association L’ESPER (l’Économie Sociale et Solidaire partenaire de l’École de la République) dont l’un des principaux objectifs est d’agir pour l’éducation des jeunes à l’ESS au sein de l’école et de la communauté éducative, sur l’ensemble du territoire français. La diversité des structures faisant partie de L’ESPER (Ligue de l’enseignement, MAÏF, MGEN, Fcpe [6]…), permet à l’association d’être présente sur l’ensemble du territoire pour y développer des actions au plus près des établissements.

La volonté et la coopération de ces acteurs a mené en 2012 à la rédaction du « Manifeste pour l’éducation à l’économie sociale et solidaire ». Il ré-affirme l’importance de l’éducation pour développer l’esprit critique des citoyens et le rôle que peut y jouer l’éducation à l’ESS en apportant une meilleure connaissance des alternatives au modèle économique dominant et un apprentissage des valeurs coopératives.

En 2016 L’ESPER lance, avec l’OCCE et Coop FR, la Semaine de l’ESS à l’école, qui se déroule partout en France au mois de mars et permet aux élèves de découvrir l’ESS grâce à plusieurs centaines d’événements organisés dans les écoles, collèges et lycées. Les acteurs de l’ESS y participent activement en intervenant auprès des scolaires ou en faisant visiter leur entreprise.

Rapidement, les acteurs de l’ESS ont mis en place des coopérations avec les différents acteurs du monde de l’enseignement pour multiplier les projets et assoir leur légitimité. Ainsi, L’ESPER a signé, en 2013 et 2014, deux accords-cadres de coopération avec le Ministère de l’Éducation Nationale et le Ministère délégué à l’Économie Sociale et Solidaire et à la Consommation. Ces accords prouvent que l’ESS a réinvesti le rôle éducatif perdu au cours du XXème siècle. Ils ont été renouvelés en 2018 sous la forme d’une convention de partenariat de L’ESPER avec le Ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse et le Haut-commissariat à l’ESS et à l’innovation sociale.

Deux élèves s'aidant sur un ordinateur

 

En développant des actions au sein des établissements, les acteurs de l’ESS collaborent avec les enseignants et les établissements eux-mêmes. L’ESPER, par exemple, dispose de 30 correspondants locaux qui ont pour mission de faire connaître l’association auprès des établissements scolaires. Des salariés de Chambres Régionales de l’ESS (CRESS) ont également été détachés pour consacrer la moitié de leur temps à la promotion et à l’accompagnement de projets d’éducation à l’ESS. C’est le cas en Bretagne où la CRESS travaille de concert avec L’ESPER pour accompagner les équipes éducatives à promouvoir ce type d’économie auprès de leurs élèves via le dispositif « Mon ESS à l’école ».

Ce dispositif, en plus de permettre à une classe de mener à bien un projet entrepreneurial, collectif et d’utilité sociale, permet aux divers acteurs d’une équipe pédagogique de travailler ensemble pour accompagner les élèves dans leur entreprise. Ainsi, le journal « Le petit Henry » a mobilisé les professeurs d’EMC, de français, d’arts-plastiques, de langues vivantes et le professeur documentaliste. Dans le cas du club zéro-déchet, c’est la professeure de géographie et la documentaliste qui travaillent conjointement pour encadrer les élèves. Enseigner l’économie sociale et solidaire à l’école est donc une opportunité pour le corps enseignant d’apprendre à travailler autrement et en coopération, à faire évoluer son approche pédagogique et ses propres représentations.

Si l’ESS n’est pas encore assez présente dans les programmes scolaires et de manière transversale, la coopération des divers acteurs permet quand même de diffuser ses pratiques. L’éducation à l’ESS s’inscrit de toute façon dans un temps long afin que les jeunes comme les enseignants puissent l’apprivoiser et s’approprier ses valeurs, ses pratiques et ses méthodes, en vue de mieux appréhender le changement.

3- Éduquer à l’ESS pour transformer la société et les territoires

Former aux valeurs et aux pratiques de l’économie sociale et solidaire dès le plus jeune âge, on l’a vu, permet de faire découvrir la diversité des modèles économiques. Ainsi sensibilisés, les jeunes peuvent développer une appétence pour ce secteur lors du choix de leur orientation professionnelle.

Alors que l’ESS est confronté au départ en retraite d’un quart de ses effectifs [7], les jeunes n’ont jamais autant cherché un sens à leur activité professionnelle. En cela, travailler au sein d’une coopérative, d’une mutuelle ou d’une association qui participe à l’intérêt général est une solution. D’autant plus que l’économie sociale et solidaire est un vivier d’emplois puisqu’elle représente 10,5% de l’emploi salarié en France et qu’elle créée chaque année 5 000 entreprises [8]. Développer ce secteur porteur d’une société plus juste, c’est garantir son dynamisme, sa vitalité et ses innovations sociales. C’est pourquoi il est important de faire connaître l’économie sociale et solidaire à tous dès le plus jeune âge.

Éduquer à l’économie sociale et solidaire dès le plus jeune âge est aussi un moyen de faire découvrir aux élèves les acteurs économiques du territoire. Faire intervenir des représentants locaux de structures de l’économie sociale et solidaire au sein des écoles comme c’est le cas dans de nombreux territoires, permet aux élèves d’échanger, de coopérer et de mieux connaître les structures qui agissent localement. Cet ancrage dans la réalité est porteur de sens et le caractère local des projets facilite la compréhension de ces élèves qui demain, seront peut-être amenés à intégrer ou créer une structure de l’économie sociale et solidaire. Ainsi, favoriser l’éducation à l’ESS c’est participer à son développement et avec lui, à celui d’une société plus juste, tournée vers l’humain et plus encline à préserver son environnement.

Deux enfants s'aidant sur un devoir

 

L’économie sociale et solidaire ne sera pas l’économie de demain sans une forte dimension éducative. Il faudra cependant renforcer l’éducation à l’ESS tout au long de la vie (primaire, secondaire et universitaire) en développant des programmes spécifiques et transversaux pour que tout le monde ait accès à cette éducation. À l’heure où nous sommes confrontés à une crise sanitaire sans précédent ainsi qu’à diverses crises sociales, économiques et environnementales, éduquer à l’ESS prend tout son sens et devient un moyen de préparer les futur.e.s dirigeant.e.s à un mode d’entreprendre plus durable et plus humain.

Rédaction : Sophie Bordères, Crédit photos : Unsplash


[1] Demoustier Danièle, Wilson-Courvoisier Scarlett, « l’enseignement initial de l’économie sociale et solidaire : un enjeu stratégique », Revue internationale de l’économie sociale, n°311, 2009, p 60

[2] « Entreprise » et « Solidaire » ?, Cahiers pédagogiques, N°554, juin 2019, p 38

[3] Manifeste de l’économie sociale et solidaire : https://lesper.fr/wp-content/uploads/2012/03/Manifeste-RV1.pdf

[4] « Entreprise » et « Solidaire » ?, Cahiers pédagogiques, N°554, juin 2019, p 38

[5] « L’éducation à l’Économie Sociale et Solidaire à l’École », mémoire de Lucile Marsault, année scolaire 2017-2018

[6] Retrouvez la liste complète des membres ici : https://lesper.fr/les-membres/associations

[7] Conseil National des Chambres Régionales de l’Économie Sociale et Solidaire (CNCRES), « Départs à la retraite des effectifs salariés de l’ESS et stratégies des entreprises pour y faire face », observatoire national de l’ESS/CNCRESS, 2011, p1

[8] Observatoire national de l’ESS - CNCRESS, d’après INSEE Clap 2015

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