[Tribune] Coopérer et vivre ensemble ne se décrète pas, cela s’apprend dès le plus jeune âge
Bertrand Souquet, Président de l'ESPER, s'exprime dans le cadre de la Semaine de l'Economie Sociale et Solidaire à l'Ecole.
Crises financière, économique, sociale, alimentaire, migratoire, sécuritaire, écologique et maintenant, crise sanitaire. À grand renfort de communication médiatique, nous sommes passés d’une crise à l’ autre, sans reconsidérer un système économique qui, depuis des années, s’est donné comme priorité la remise en cause de l’État, en affaiblissant les services publics, la protection sociale, ainsi que l’ensemble des structures favorisant les solidarités. Cette ultime crise, particulièrement éprouvante pour l’ensemble de nos citoyens, a agi comme un révélateur. Elle a mis en lumière les dérives de notre société : la dégradation de notre système de santé et la nécessité de reconsidérer l’échelle des salaires pour certains métiers, souvent déconsidérés mais apparus comme clairement indispensables au bon fonctionnement de notre pays. Les enjeux sont désormais clairement identifiés ; ils sont économiques, mais surtout environnementaux, sociaux, juridiques et démocratiques.
Il est temps de favoriser l’émergence d’un nouveau modèle de société basé sur de nouvelles coopérations prenant en compte les aspirations des citoyens en quête de sens. Un modèle de société plus éthique, plus responsable et pas seulement dans la recherche d’une rentabilité à court terme. Un modèle de société qui favorise l’utilité sociale et non plus une surconsommation destructrice de notre environnement.
Fortes d’une histoire de plus d’un siècle, les entreprises de l’ESS ont montré leur utilité durant cette période. Chaque jour, elles font la démonstration qu’elles sont plus que jamais porteuses de solutions pour faire évoluer de façon significative notre modèle de société. Tout en combinant performance économique, utilité sociale et souci environnemental, elles concourent au maintien du lien social par leur ancrage dans les territoires. Grâce à leurs organisations, elles développent une activité socialement responsable avec l’humain en son cœur, une lucrativité limitée conjuguée à une volonté démocratique affirmée. Par ailleurs, l’agilité des entreprises de l’ESS leur permet d’être source d’innovation sociale au plus près des besoins de nos concitoyens.
Coopérer, vivre ensemble ne se décrète pas ; cela s’apprend dès le plus jeune âge. Aussi, l’éducation à l’ESS est indispensable pour faire connaître et reconnaître ce mode d’entreprendre. C’est l’ambition de l’association L’ESPER, L’Économie Sociale Partenaire de l’École de la République.
Pas moins de 44 organisations partenaires de l’École de la République ont fait le choix de travailler ensemble pour concourir à la reconnaissance de l’ESS grâce à une convention signée avec le Ministère de l’Éducation Nationale ainsi que le Ministère de la Transition Écologique. Cette convention permet le déploiement sur l’ensemble du territoire deux dispositifs : « La Semaine de l’ESS à l’École » ainsi que « Mon ESS à l’école » que nous reconduisons pour la 5ème année consécutive. Cette cinquième année voit une augmentation significative du nombre de projets. D’une vingtaine de projets il y a cinq ans, nous avons atteint la centaine cette année.
Si le premier dispositif met en lumière l’ESS, pendant une semaine durant le mois de mars de chaque année, le second permet aux élèves de vivre l’ESS à travers des projets de création de structures de l’ESS. Ces projets constituent une éducation à la gestion d’une entreprise mais aussi une éducation à la citoyenneté, à la démocratie. Les élèves apprennent à décider ensemble, à construire ensemble, à partager ensemble des projets, des idées, des solutions.
70 % des 18-30 ans placent « le sens » au cœur du choix du métier [1]. Avec la crise que nous traversons, beaucoup comptent s’engager. Nous devons les accompagner, leur montrer qu’il existe des initiatives et des alternatives pour transformer la société à partir de l’école. Ainsi, il s’agira de favoriser l’orientation des élèves grâce à des stages au sein des structures de l’ESS, la découverte des métiers de l’ESS, la connaissance d’emplois non délocalisables à proximité de leurs lieux de vie. C’est aussi un enjeu pour les structures de l’ESS qui devront assurer le renouvellement de leurs salariés dans les années à venir. Cette réflexion doit nous pousser à envisager un effort de formation au-delà des plus jeunes. En effet, il apparaît important de structurer un continuum de formation tout au long de la vie.
Tout cela ne fera pas sans l’école, il faudra renforcer nos liens avec le Ministère de l’Éducation Nationale afin de proposer des formations en direction des enseignants, développer des outils pédagogiques, permettre des parcours de formation au sein des structures de l’ESS.
Plus encore, grâce à « Mon ESS à l’école », nous assurons la promotion des structures complémentaires de l’école auprès des enseignants. Toutes les structures (la Ligue de l’enseignement, la Fédération APAJH, l’ALEFPA, l’OCCE, MGEN, CASDEN, MAIF, les CEMEA….) concourent, dans leur grande diversité, à la construction du citoyen de demain capable de réfléchir, d’opérer des choix et de maîtriser les itinéraires de sa vie.
Les entreprises de l’ESS ont une fonction sociale notamment en direction de la jeunesse. Elles sont un enjeu majeur pour les générations futures comme cela elles le sont pour la société dans son ensemble. Dès lors, il s’agira de faire œuvre commune et de se fédérer, au-delà de ce que nous sommes, pour porter un projet ambitieux pour le monde de demain.
Bertrand Souquet, Président de L’ESPER
[1] Enquête #MoiJeune publiée en novembre 2017 aux éditions Fayard