RENTREE 2025 : L’HEURE DE VERITE !
Au moment où nous fêtons le 10ème anniversaire de l’Agenda 2030, l’heure des choix n’a jamais été aussi décisive. Comment croire à notre capacité collective de rebond là où les Cassandre nous annoncent non seulement la fin d’un monde, mais plus encore la fin du monde ?

L’actualité nationale et internationale de la rentrée 2025 a parfaitement incarné l’heure des choix. La succession d’événements sur le plan économique, politique et sociétal a été à la hauteur des questions stratégiques que nous devons non seulement nous poser, mais surtout arbitrer. Il faut choisir, et « choisir… c’est renoncer ! » comme le disait André GIDE. Sommes-nous aujourd’hui prêts à nous adapter pour sauver notre avenir en « Commun(s) » ?
Remettre l’actualité dans un contexte historique
Pour analyser cette rentrée, il est utile de mettre l’actualité au regard du 10ème anniversaire des Objectifs de Développement Durable. Ils ont été signés le 25 septembre 2015 par les 193 Nations Unies ; autrement dit, par les représentants légitimes de l’ensemble des Peuples qui constituent l’Humanité. A ce titre, toute personne croyant à la force de la Démocratie[1] ne peut qu’être à l’écoute de la première – et unique à ce jour – « feuille de route » systémique pour tous les acteurs, dans tous les domaines, sur tous les Territoires. Dans leur sagesse, les Etats alors unis avaient pris le soin d’objectiver la cible par des indicateurs précis, mais aussi de projeter sur quinze ans une démarche de transformation universelle pour faire face à nos défis.
Déjà à l’époque, une controverse éclatait : cette feuille de route n’était-elle qu’un « fourre-tout » institutionnel, destiné à satisfaire a minima tous les pays, ou était-ce enfin une nouvelle philosophie de l’action politique pour faire face en « Commun(s) » à l’ampleur du changement systémique que nous devons collectivement conduire au risque de ne plus maitriser l’Avenir de l’Humanité ? Il n’est pas inutile de rappeler que 14 ans auparavant le Président de la République Française s’était alerté dans un discours devenu célèbre : « Notre Maison brule, et nous regardons ailleurs ». A « mi-chemin » d’un cycle de renouvellement complet de modèles[2], il était pertinent de se fixer 15 ans pour ceux qui croyaient à la transformation possible de notre modèle. Pour les autres, ils n’ont vu qu’un nouvel outil normatif dont ils ne savaient pas bien comment le situer dans l’amoncellement des textes et des normes. C’est bien connu : « Lorsque le Sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt ». Je me souviens notamment dès l’automne 2015 avoir dû expliquer à certaines experts – souvent sans y parvenir – qu’il n’y avait pas de comparaison possible entre une décision politique légitimement fixée par les représentants de l’ensemble des Nations et le cadre normatif – très utile par ailleurs – de l’ISO 26000 qui se mettait alors en place. Si le second peut incarner l’un des cadres possibles pour suivre les évolutions, le premier représente légitimement le Cap commun. Il ne saurait y avoir de confusion… et pourtant !
Confondre le Politique et le technique, l’Esprit et la loi, n’est-ce pas justement le mal de notre Société d’aujourd’hui qui explique bien de nos maux. Non, toute chose n’est pas égale par ailleurs ! Oui, certaines légitimités priment au risque de ne plus être en capacité de garantir le Contrat Social de l’intérêt général qui, au-delà même de son système de gouvernance – la Démocratie – se doit d’être le Cap en « Commun(s) » pour assurer l’équilibre de la « Maison »[3].
Sans doute notre erreur collective depuis plusieurs décennies est de nous être concentrés sur les modèles de gouvernance plus que sur l’effet réel de nos actions. Nous nous sommes ainsi progressivement enfermés dans une forme de métavers organisationnel où l’analyse du mode de gouvernance, du processus de production et du système d’information est devenue plus importante que la réalité de terrain des actions qu’ils sont censés encadrer. L’outil est devenu plus important que l’objet. C’est ainsi que la règle, la finance et le numérique ont eu pour effet d’affaiblir respectivement la Justice, l’Economie et les Liens communs qu’ils étaient pourtant censés servir. Sans le comprendre alors, l’optimisation de nos outils a progressivement réduit notre capacité à Agir ensemble. N’est-ce pas l’intuition des Pays du Sud en 2015 qui ont imposé l’ajout en une nuit d’un 17ème Objectif de Développement Durable : « Comment allons-nous faire ensemble ce qu’il est impossible d’imaginer pour chacun d’entre nous ? ».
Dans ces conditions, en ce 10ème anniversaire des Objectifs de Développement Durable, il est plus que jamais nécessaire de revenir à la question fondamentale : comment (ré)inventer de nouveaux équilibres non pas « hors sol », loin des réalités de terrain, mais au contraire au plus près du « 1er kilomètre » des besoins, des ressources et des envies d’engagement. Pour garantir une transition juste et durable, il nous faut en effet non seulement sécuriser la préservation des ressources et la cohérence des actions de chacun, mais aussi nous assurer de la cohésion et de la juste place de tous.
Pour y contribuer, nous devons commencer par déconstruire nos imaginaires individuels et collectifs, et (re)partir de la réalité de terrain que nous vivons au quotidien. Nous nous apercevrons alors que nous devons intégrer dans nos réflexions et nos trajectoires d’actions la dimension territoriale dont nous avions sous-estimé la valeur transformatrice. En plus de la diversité des profils d’acteurs et des domaines d’actions, nous devons aussi appréhender la pluralité de nos territoires d’ancrage[4]. Ce sont à la fois les lieux d’incarnation de « l’intérêt général à portée de main », les « paillasses » d’expérimentation de nouveaux modèles, et les espaces de dialogue où il est possible de dépasser « l’entre soi » pour prendre le risque de « l’entre tous ». Comment croire encore que la réalité vécue en France est la même à Paris, Lyon, Bressuire, Langres, Limoux, Saint Benoît de la Réunion ou Papeete… pour ne prendre que quelques Territoires de notre richesse nationale ? Comment ne pas voir dans la capacité d’innovation territoriale une espérance face à la crainte croissante d’une incapacité collective à conduire le changement vers un Avenir en « Commun(s) » ?
Cette rentrée 2025 nous donne par son actualité l’occasion de nous requestionner à partir de faits concrets. Ils illustrent l’urgence de choisir les trajectoires d’action dans lesquelles nous voulons nous engager.
Relire notre chemin, le relier à nos défis communs pour identifier ce qu’il nous faut (ré)inventer
Dans ce contexte, l’approche empirique du RAMEAU se révèle utile. Elle se fonde sur la méthode dite des 3 R – Relire, Relier et Réinventer. Passons ainsi en revue les trois dimensions d’activation de l’intérêt général qui ont été définies en 2015 dans le rapport « Intérêt général : nouveaux enjeux, nouvelles alliances, nouvelle gouvernance ». Ce dernier proposait alors d’être un « mode opératoire » de l’Agenda 2030 qui venait tout juste d’être voté.
Notre « équilibre de la Maison » en question !
Commençons par l’analyse de notre système de Gestion. Au sens premier du terme, « Economie » signifie « équilibre de la Maison ». Nous sommes bien au cœur d’un questionnement stratégique : comment garantir un équilibre durable et inclusif ?
L’actualité de ce mois de septembre 2025 nous a donné une parfaite illustration du choix de « l’économie » dont nous parlons. En une journée, le 10 septembre dernier, le cours de bourse d’Oracle a gagné une valorisation de 300 Md€, soit 10% du PIB Français qui se situe un peu au-dessous de 3.000 Md€. Son fondateur est devenu « l’espace d’un instant » l’homme le plus riche du monde ayant ainsi gagné virtuellement 100 Md€ dans la journée, soit un peu plus de deux fois les « fameux » 44 Md€ d’économie que cherchait alors désespérément le Premier Ministre français. Dès lors une question se pose : est-ce cela l’Economie ?
Souvenons-nous en 2015, les enseignements du colloque au Conseil économique, social et environnemental « Alliances & innovations » sous la présidence de Jean-Paul DELEVOYE, à l’occasion de la publication du référentiel « Modèle d’investisseur sociétal ». Deux ans après les Assises de l’entrepreneuriat où la dimension de l’Entreprise Responsable avait été décryptée, les conditions d’une (ré)conciliation entre l’économie et l’intérêt général avaient été partagées. Les guides pratiques du MEDEF « Construire ensemble… » les partenariats (2014), l’engagement des salariés (2016) et l’engagement territorial des entreprises (2016) en ont décliné les pratiques et les exemples inspirants. La plateforme « Coopérer efficacement », conjointement réalisée avec l’Orse, est régulièrement actualisée pour rendre compte des avancées de l’engagement des acteurs économiques au service de nos défis communs.
Que voulons-nous promouvoir ? Une économie désincarnée, hors sol, qui est prédatrice ou celle de la réalité de la plus grande majorité de nos entreprises françaises qui créent de la valeur pérenne, et qui apprennent chaque jour - en lien avec leur(s) territoire(s) d’implantation - comment concrètement inventer des trajectoires durables et inclusives ?
Pour le 10ème anniversaire de l’Agenda 2030, le journaliste Patrick LONCHAMPT a invité l’Orse, le Réseau alliances et l’Observatoire des partenariats à faire un « état des lieux » des tendances et des fragilités économiques dans son podcast « Tendances & fragilités économiques : créons de la valeur en Commun(s) ». Saurons-nous en écouter les arguments ?
Notre capacité d’innovation en Actions !
Poursuivons ensuite notre analyse par notre capacité d’actions pour répondre concrètement à nos défis communs. La réponse aux besoins ne peut plus s’imaginer « hors sol », elle doit intégrer la dimension territoriale pour permettre l’agilité et la frugalité nécessaires : pour régénérer nos modèles, saurons-nous (re)donner leur juste place aux Territoires ?
L’actualité du mois de septembre nous en a donné une triste illustration avec la radicalisation des positions géopolitiques mondiales. Dès 2021, la CIA nous avait prévenu dans son rapport « Le monde en 2040 ». Comme l’avait remarqué le journaliste Piotr SMOLAR dans sa préface de la traduction française, pour la première fois tous les scenarios prospectifs étaient fondés sur une stratégie d’alliance… mais pas avec les mêmes objectifs ! « Pari de la confiance » ou radicalisation des positions, tel était le choix binaire auquel les gouvernants étaient réduits en raison de la complexification des situations. La confiance entre gouvernants et gouvernés était déjà sérieusement ébranlée. Comment affronter l’ampleur des crises ? Rois fainéants, vendeurs de larmes, pompiers pyromanes ou leaders engagés, tous les modèles possibles ont été au premier plan de l’actualité en septembre. En ce 10ème anniversaire de l’Agenda 2030, faut-il renoncer à y croire au deux-tiers du chemin, ou est-il encore temps de réussir la transformation du monde qui n’attend pas le bon vouloir des décideurs pour se poursuivre ?
Souvenons-nous en 2015, lors de la 1ère Rencontre des pionniers des alliances en Territoire, le 8 janvier 2015 - au lendemain même d’un profond bouleversement national - la conclusion d’une journée lourde de sens avait été que les Territoires étaient les meilleurs remparts à la barbarie. Quelques mois plus tard, Akim OURAL remettait son rapport au Gouvernement « L'innovation au pouvoir : pour une action publique réinventée au service des territoires ». Il illustrait une capacité d’actions, d’agilité et de créativité trop souvent « sous les radars ». L’année suivante, Claude ALPHANDERY exprimait lors de la 2ème Rencontre des pionniers des alliances en Territoire : « Il me semble que les territoires sont le maquis d’aujourd’hui ». Afin d’organiser la « résistance » contre l’immobilisme, c’est ainsi que la fonction de « catalyseur territorial » s’est co-construite pour faciliter la connaissance, l’interconnaissance et l’expérimentation entre profils d’acteurs qui grâce à leurs différences peuvent inventer ensemble ce qu’aucun ne pourrait faire émerger seul. Cette 3ème ingénierie territoriale a progressivement été (re)connue dans sa fonction transformatrice.
Ainsi l’actualité du mois nous a aussi donné une parfaite illustration de la capacité à articuler le cap et le cadre communs des ODD avec les pratiques territoriales. Les 1ères Rencontres Nationales de la Coopération Territoriale, organisées par le Comité 21 et le CGDD, le 50ème webinaire mensuel de la plateforme « Trajectoires socio-économiques », coanimée par le Fonds ODD 17 et le RNMA, et le 5ème séminaire de recherche sur la co-construction du bien commun, coorganisé par l’Institut pour la Recherche de la Caisse des Dépôts et Le RAMEAU ont été des occasions de valoriser la diversité des pratiques qu’elles soient respectivement celles des réseaux nationaux, des acteurs locaux et des acteurs académiques. N’est-ce pas là l’émergence de nouveaux dialogues ?
Alors, radicalisation des positions ou nouvelles alliances au cœur des Territoires ? En ce début de campagne pour les municipales 2026, il faudra choisir car n’oublions pas, la démocratie ne se mesure pas à son sommet, mais à sa base. En ce sens, les élections municipales seront plus structurantes pour l’Avenir de notre Nation que celles de 2027. Ecoutons à ce titre ce que les élues locales ont à nous dire[5].
Qui sont les « Ministres » d’aujourd’hui ?
Finissons par la question de notre vision partagée. Comme pour « l’Economie » qui signifie « équilibre de la Maison », il est utile de rappeler que « Ministre » signifie « serviteur ». Dès lors la question est : « serviteur de qui » et « serviteur de quoi » ?
Là encore l’actualité du mois de septembre nous a donné de quoi nous interroger sur la crédibilité de nos institutions. Ses trois principaux piliers ont été à nouveau profondément secoués :
- L’Assemblée nationale d’abord. Elle se doit d’incarner la volonté du Peuple. Que les élus nationaux le veillent ou non, les Français ont choisi une tripartition. Les modèles binaires connus ne peuvent plus s’appliquer. Les tentatives de chacune des parties à revendiquer la victoire aux dernières élection éloignent jour après jour - et il est à craindre de plus en plus durablement - les Français d’une confiance dans celles et ceux qui sont censés les représenter… et qui ne représentent plus qu’eux-mêmes. Les plus anciens d’entre nous se souviendront qu’au moment du Bébête Show des années 1990 personne n’aurait cru possible que la réalité deviendrait plus cruelle encore que la fiction… et pourtant nous la vivons aujourd’hui tous les jours. Quand nos représentants accepteront-ils de comprendre que ce n’est pas ce que veulent leurs électeurs qu’il est important de respecter, mais ce que veut dans sa globalité l’ensemble de la Nation réunie ? C’est cela la Démocratie : l’exercice du pouvoir ! Alors oui, il faut du courage politique pour affronter des situations inédites, mais n’est-ce pas là le sens du Service de l’intérêt général auquel s’engage toute femme et tout homme politique ?
- Le Gouvernement ensuite. En raison d’une incapacité à prendre le recul nécessaire pour diriger la Nation, nous assistons à un « Gouvernement par intérim » permanent. Les Serviteurs de la Nation en sont réduits à des discours sans effet, et à une succession d’actualités qui ne fixe aucune ligne directrice. Quelle que soit la valeur des femmes et des hommes qui en acceptent la charge, l’incapacité institutionnelle à fixer un cap, se limitant à une vision purement budgétaire de la France, est une impasse tout autant politique que stratégique… car durant ce temps, les crises s’aggravent et les chances d’y répondre avec efficacité se réduisent. La France se doit d’avoir un pilotage d’un modèle socio-économique cohérent avec sa situation, et non plus limité à un débat budgétaire. Les PLF et PLF-SS donnent à croire que le 31 décembre tous les compteurs sont remis à zéro. Le Gouvernement de la France devrait avoir une capacité d’anticiper et de piloter le long terme, plutôt que comme seul horizon une motion de censure ou une dissolution… Dans ces conditions, qui peut sérieusement garantir la pérennité de notre modèle à la française, pourtant sans doute l’un des plus innovants du monde ?
- La Présidence de la République enfin. Comment ne pas être sensible aux événements actuels où les valeurs semblent s’éloigner des conditions d’exercice du pouvoir ? Dans la Vème République, la figure tutélaire est « l’arbitre » entre le Parlement et le Gouvernement. Avant la réforme du quinquennat, il était clair qu’une fois élu(e) le (la) Président(e) de la République Française se devait d’être au-dessus des parties pour favoriser et incarner l’unité de la Nation. La fonction n’était symboliquement pas celle de « l’exécutif » porté par le Premier Ministre, ni celle du « choix d’orientation politique » porté par les Assemblées[6]. La réforme quinquennale a fait croire que la fonction devait être à la fois celle de chef de parti, de chef de gouvernement et de chef de la Nation. Cette confusion des genres, loin de la séparation des pouvoirs de Montesquieu, n’est-elle pas aussi à l’origine d’une crise de confiance institutionnelle ?
Les institutions sont en crise, et les autres légitimités ne sont que parcellaires, alors faut-il désespérer ?
Souvenons-nous en 2015, le rapport « Intérêt général : nouveaux enjeux, nouvelles alliances, nouvelles gouvernance » avait décrypté la complexité des équations à résoudre. Il les avait mises en regard de l’histoire de France pour permettre de prendre de la hauteur. Il avait insisté sur la valeur du temps, ou plutôt des temps qui ont ensuite étaient qualifiés[7], pour sécuriser à la fois la performance, l’innovation et la confiance de la Nation. L’année suivante, 33 auteurs avaient exprimé leurs convictions sur les conditions d’un changement systémique dans le livre « Bien commun : vers la fin des arrogances ! ». Une décennie plus tard, ce rapport et ce livre n’ont pas pris une ride. Les prédictions annoncées se sont toutes révélées vraies indiquant ainsi qu’il est toujours possible – même dans les mutations les plus complexes – d’identifier les piliers sur lesquels fonder la traversée, afin de pouvoir garder le Cap dans le passage de la tempête.
Qui peut prétendre savoir ou pouvoir faire mieux que nos Député(e)s, nos Ministre(s) et notre Président de la République ? Après ce tableau, il serait trop simple de leur renvoyer la responsabilité sans se questionner soi-même sur sa propre responsabilité. Le choix entre des rois fainéants, des vendeurs de larmes, des pompiers pyromanes ou des leaders engagés n’est que le fruit qu’une Nation s’est choisie pour l’incarner. Il serait donc trop simple de se contenter de constater l’apparente impasse dans laquelle nous nous trouvons, sans être soi-même au clair sur sa place et sa contribution possible à l’intérêt général pour faire bouger les lignes, et apporter sa pierre à l’édifice commun.
Connais-toi toi-même disait Socrate !
« Comment se situer dans un monde en mutation ? », telle est la question que chacun de nous se doit de se poser. Telle est aussi le sens de l’étude publiée l’an dernier par l’Observatoire des partenariats à l’issue des travaux d’analyse des impacts du « faire alliance » en France, à l’échelle de ses régions métropolitaines. Cette étude décrypte les enjeux et les pratiques de 10 profils d’acteur, de 16 domaines d’action et de 5 échelons territoriaux. Elle peut nous aider à nous repérer dans un monde dont il faut bien avouer qu’il est de plus en plus complexe à appréhender dans sa globalité.
Depuis bientôt vingt ans, Le RAMEAU mène des travaux de recherche empirique sur la co-construction du bien commun. Les alliances d’intérêt général transcendent les différences dans une forme de « coopétition » féconde. Comment viennent-elles répondre à l’accélération de nos défis ? Face à l’accroissement des fragilités et à la raréfaction des ressources pour y répondre, comment (ré)inventer nos modèles ? Nous sommes tous impactés … chacun est donc concerné par les choix qu’il doit faire et les changement de modèle à adopter.
Le RAMEAU en a lui-même fait l’amère expérience au premier semestre 2025. Avec une robustesse de son modèle socio-économiques avéré (19 ans de résultats entre 1 et 3% par an, sans aucun déficit), notre laboratoire de recherche se croyait à l’abri d’un retournement de situation tel qu’il en existe de plus en plus au sein des acteurs d’intérêt général. C’était sans compter que l’atypicité de son modèle se retournerait contre lui. Alors qu’il a investi 11,1 M€ sur dix ans pour mettre à disposition des territoires, des institutions et des acteurs académiques l’ensemble de ses savoirs et savoir-faire, comment imaginer une seule seconde qu’un prêt de 70 K€ lui serait refusé par un opérateur spécialisé, l’obligeant dès lors à licencier l’ensemble de ses salariés, et à inventer en 3 mois un nouveau modèle de gestion ?
Faut-il s’en scandaliser comme le fit légitimement la Vice-présidente du Conseil d’orientation du RAMEAU, Bettina LAVILLE, lors de l’Assemblée Générale du laboratoire de recherche[8] ? Sans aucun doute car il faut toujours s’alarmer contre l’incompétence, l’irresponsabilité et l’injustice. Mais, tout comme pour nos institutions, il serait trop simple de se contenter de constater les limites des dispositifs de soutien qui sont eux-mêmes dans des équations souvent complexes, voire inextricables. Force est de constater que les organismes d’intérêt général n’engendrent pas le respect de la part de ceux qui devraient en être les garants[9].
Sans aller jusqu’à excuser l’inexcusable, il est pour le moins nécessaire de le comprendre et de le dépasser. C’est l’exercice qui a été fait cet été pour donner une nouvelle impulsion au RAMEAU, aujourd’hui 100% bénévole. La trajectoire 2025-2027 est maintenant claire. Elle s’inscrit dans le Projet stratégique 2022-2027 « Yposchesi 2050 » en gardant le cap et en ajustant la trajectoire. Pour la comprendre, il convient de rappeler le sens de la recherche empirique, d’en éclairer la méthode et de retracer les étapes qui justifient aujourd’hui que Le RAMEAU publie son 7ème référentiel « Impacts & Trajectoires en Commun(s) ».
Le sens de la recherche empirique, c’est de faire de tout changement une opportunité de transformation positive, en s’inspirant des pratiques pionnières qui ont démontré leur efficacité et leur capacité à faire émerger de nouveaux modèles durables et inclusifs.
Le cheminement de recherche empirique du RAMEAU est très largement inspiré du chemin du médicament pour lequel il faut une décennie entre la « preuve de concept » thérapeutique et « l’autorisation de la mise sur le marché » du médicament (AMM). C’est ainsi que Le RAMEAU prépare minutieusement la diffusion de ses MEDOC (Méthodes, Exemples, Données, Outils et Compétences) pour un traitement de choc de notre conduite du changement du pilotage de l’intérêt général.
Avant diffusion, notre laboratoire de recherche empirique prend préalablement soin d’une triple légitimation institutionnelle, praticienne et académique depuis trois ans. Son cycle de recherche est donc de 7 ans d’expérimentations, suivis de 3 ans de pédagogie des résultats obtenus en croisant les regards des acteurs locaux (avec le triple regard des collectivités, entreprises et associations), des principales institutions et des acteurs académiques.
C’est en ce sens qu’a été initié en septembre 2024 le cheminement vers la publication d’un référentiel de pilotage en « Commun(s) » des impacts et de trajectoires socio-économiques durables et inclusives. Cette démarche s’inscrit dans les principes du livre « Commun(s) » : discours de la méthode vers le Pari de la confiance publié en 2023 pour proposer une méthode de conduite du changement systémique adaptée à l’ampleur des transformation. Ce Cap en « Commun(s) » a été traduit dans le cadre de la Chartre d’engagement réciproque du faire alliance[10], signée la même année avec les représentants du Gouvernement et des Territoires. Ce chemin apprenant est partagé avec les acteurs académiques depuis 2018, en partenariat avec l’Institut pour la Recherche de la Caisse des Dépôts. Les résultats ont été présentés ce 25 septembre 2025 pour fêter le 10ème anniversaire des Objectifs de Développement Durable, et celui de la nouvelle philosophie politique de l’Action incarnée par le 17ème Objectif[11].
A l’issu de ce cheminement, dont les étapes sont rappelées ci-après pour permettre à chacun de s’en saisir, pourquoi plus que jamais choisir le « Pari de la confiance » ?
Trois raisons de croire dans un Avenir en « Commun(s) »
Deux décennies de recherche empirique, et une décennie de pédagogie sur les enjeux et les pratiques d’alliance qui incarnent l’ODD 17 en pratique, permettent de livrer trois « bonnes nouvelles » aux « praticiens » des Territoires, aux institutions et aux acteurs académiques. Ils proposent des réponses concrètes à 3 questions structurantes :
- Comment agir dès aujourd’hui ? les plateformes de savoirs & savoir-faire capitalisés, le maillage des 350 « catalyseurs territoriaux » et la robustesse des données de l’Observatoire des partenariats sont trois leviers concrets pour définir sa trajectoire,
- Comment explorer demain ? Les dynamiques à l’œuvre avec la Fondation des Territoires sur de nouveaux espaces de dialogue, la Fondation pour la Co-construction du bien commun sur de nouveaux équilibres économiques, et le Fonds ODD 17 sur de nouvelles formes de financement de l’ingénierie de proximité sont inspirantes.
- Comment retracer le cheminement en Commun(s) ? Les trois Récits des Transitions – AVEC les institutions, AVEC les pionniers, et AVEC les acteurs académiques – illustrent la valeur du temps long pour créer de la valeur durable.
Alors, au deux tiers du chemin vers 2030, comment ne pas croire qu’il est encore possible de réaliser les Objectifs de Développement Durable ? Mieux encore, comment ne pas (re)connaitre qu’une bonne partie du chemin est déjà réalisée, mais que nous ne savons pas encore la manière la plus pertinente de l’évaluer, d’en rendre compte et de la valoriser ? Au travers de la rédaction du référentiel « Impacts & Trajectoires en Commun(s) », c’est l’engagement de répondre à ces questions que prend aujourd’hui Le RAMEAU.
N'ayons pas peur car ensemble, nous pouvons créer de la valeur en Commun(s) !
Charles-Benoît HEIDSIECK, Président-Fondateur du RAMEAU
Un mode opératoire pour Agir dès aujourd’hui !
7 étapes pour partager la connaissance et de la valeur des travaux réalisés :
- Septembre 2024 : mise en partage de la méthode « Impacts & trajectoires » pour apprendre à articuler les trajectoires de performance, d’innovation et de confiance telles qu’elles avaient été qualifiées, mesurées et illustrées dans l’étude d’impact 2018-2022 du faire alliance en France[12]. L’objectif est de se donner un an pour expérimenter cette nouvelle méthode afin de pouvoir en produire le mode opératoire définitif.
- Octobre 2024 : diffusion de deux publications pour partager les conclusions des trois programmes de recherche menés en parallèle : « Vers de nouveaux équilibres socio-économiques » pour éclairer les impacts de performance, « Chef de projet innovation territoriale » pour éclairer les impacts d’innovation, et « Jeunes & Territoires 2050 » pour éclairer les impacts de confiance. Ainsi :
- Côté recherche : le 4ème cahier de recherche avec l’Institut pour la Recherche de la Caisse des Dépôts « ODD 17 : quelles trajectoires territoriales ? » valorise la capacité des acteurs locaux à faire émerger ensemble des Projets de Territoire résilients, innovants et frugaux.
- Côté praticien : l’étude « Savoir se situer dans un monde en mutation » permet à chacun de décrypter l’écosystème dans lequel il se situe.
- Février 2025 : la publication du rapport conclusif « Vers de nouveaux modèles socio-économiques » permet aux différents profils d’acteurs de mieux se comprendre, à la fois au sein d’un même écosystème, mais aussi entre écosystèmes de gestion différents. Issu d’un travail triennal de valorisation de la diversité des modèles socio-économiques, et de l’illustration des spécificités des modèles d’intérêt général, ce rapport invite à mieux jouer les synergies entre les modèles publics, paritaires, économiques et d’intérêt général privé. Il est le point de départ d’un travail de qualification des enjeux et des impacts spécifiques à chacun de ces 4 modèles complémentaires. Il est aussi une invitation à suivre le cycle des webinaires mensuels « Impacts & Trajectoires » sur la plateforme Trajectoires socio-économiques. Cette dernière a été lancée en 2023 par la Ministre de la Jeunesse et de la Vie Associative, en présence des Président de l’ADEME et de la Fondation des Territoires et de la Directrice Générale de GRDF afin de marquer l’urgence de nouvelles alliances au service de l’intérêt général. Ces derniers ont scellé cette ambition au travers de la Charte d’engagement réciproque du faire alliance qu’ils ont signée à cette occasion. Cette dernière sera ensuite signée quelques semaines plus tard au Salon des maires par la Présidente de l’ANPP-Territoires de Projet, représentant les Territoires ruraux.
- Mars 2025 : après la diffusion de la lettre ouverte aux élus locaux « Mettre l’Agenda 2030 au cœur des municipales 2026 », la publication du kit pratique « Réussir ensemble la territorialisation des transitions » partage les fruits du travail avec 81 écosystèmes territoriaux, représentatifs de la diversité des réalités locales métropolitaines et ultramarines, dans le cadre du programme éponyme.
- Juin 2025 : à l’occasion des Rencontres « L’IA au service des Territoires » de l’association des élus locaux et des agents des territoires ruraux ANPP-Territoires de Projet, la mise en ligne de la boussole « Agir ensemble en Territoire » invite à mieux articuler puissance numérique et ingénierie de proximité telle qu’elle est définie dans la note stratégique « Numérique & Territoires ».
- Juillet 2025 : la mise en ligne du kit pratique « Social Impact Manager » est un hommage rendu à l’Hackathon du programme pédagogique européen éponyme, à la 11ème Rencontre des pionniers des alliances en Territoire qui en incarne la diversité locale, à l’étude « Qualification des besoins au « 1er kilomètre » et de la maturité des coopérations territoriales » du Fonds ODD 17, ainsi qu’à la conférence « Investir dans les innovations d’intérêt général : de leur émergence à leur déploiement » co-organisée avec l’AGIRC-ARRCO.
- Septembre 2025 : mise en valeur des Actifs en « Commun(s) » à l’occasion des 1ères Rencontres Nationales de la Coopération Territoriale, et mise en partage des fondements du nouveau référentiel « Impacts & Trajectoires en Commun(s) » à l’occasion du séminaire de recherche « Créer de la valeur en Commun(s) : quelles pratiques des acteurs académiques ? »
[1] Churchill disait : « La démocratie est la pire forme de gouvernement, sauf toutes les autres qui ont été essayées de temps en temps ».
[2] Un cycle nécessite 4 « saisons » d’innovation de 7 ans, soit 28 ans. Cf. chapitre « Les preuves et l’épreuve du temps » dans le livre « L’alchimie du bien commun » de la Fondation pour la Co-construction du bien commun (Editions Le RAMEAU, septembre 2018
[3] Rapport « Intérêt général : nouveaux enjeux, nouvelles alliances, nouvelle gouvernance » (H. ALLIER & CB. HEIDSIECK, novembre 2015)
[4] Cahier de recherche « ODD 17 : Economie(s) & Territoire(s) » (Institut pour la Recherche de la CDC et Le RAMEAU, décembre 2023)
[5] Interview « 3 questions à… » Cécile DUBLANCHE, le 25 septembre 2025 sur une étude auprès des élues locales
[6] Rappelons que le Sénat qui incarne les Territoires, c’est-à-dire le vivre ensemble, est aussi légitime que l’Assemblée Nationale qui incarne le Peuple, c’est-à-dire les droits et devoirs de chacun de nous, et que nous disposons d’une 3ème Assemblée délibérative et participative : le CESE, lieu du dialogue en confiance
[7] Livre « Commun(s) » : discours sur la méthode vers le Pari de la confiance (Editions Le RAMEAU, octobre 2023)
[8] Message de Bettina LAVILLE aux membres, aux salariés et à la Gouvernance du RAMEAU, 24 juin 2025
[9] Avis du CESE « Renforcer le financement associatif : une urgence démocratique », mai 2024
[10] Cette Charte d’engagement réciproque du faire alliance est issue et déclinée de celle réalisée par la Fondation des Territoires en 2021
[11] Programme du séminaire de recherche « Créer de la valeur en Commun(s) : quelles pratiques des acteurs académiques ? »
[12] Trois cahiers de recherche en décryptent les enjeux et les pratiques : respectivement « ODD 17 : les impacts du faire alliance en France », « ODD 17 : les leviers d’un changement systémique » et « ODD 17 : Economie(s) & Territoire(s) ».