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Par Mazars - Publié le 12 octobre 2021 - 17:41 - Mise à jour le 26 janvier 2023 - 18:33
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La Corporate Sustainability Reporting Directive : vers une transition responsable et proactive

Attendue avec beaucoup d’impatience par certains, avec circonspection voire inquiétude par d’autres, la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) adoptée par la Commission européenne le 21 avril dernier reçoit un accueil largement positif de la part de nombreuses parties prenantes. A juste titre.

Pièce clé de l’ambitieux dispositif législatif et réglementaire européen qu’elle vient consolider, cette nouvelle directive pose enfin le cadre nécessaire à la pleine intégration des dimensions Environnementales, Sociales et de Gouvernance (ESG) dans la performance globale et long terme des entreprises. Au-delà du reporting en lui-même, qui est un moyen de communication essentiel mais insuffisant, elle permet surtout de baliser le chemin vers une transition responsable et proactive pour l’ensemble des acteurs économiques européens.

De la NFRD à la CSRD : plus qu’une révolution, une évolution structurante

Si la CSRD introduit des changements importants, elle confirme et consolide aussi le socle existant :

  • en consacrant le principe de la double matérialité, centrale dans la politique de développement durable de l’Europe ;
  • en rappelant le principe que l’information non-financière doit servir les besoins de toutes les parties prenantes, dont les investisseurs – mais pas seulement ;
  • en confirmant et complétant l’approche ESG d’une part et les dimensions couvertes par l’information obligatoire (insistant notamment sur les dimensions stratégie et modèle d’affaires, et gouvernance).

Évolution plutôt que révolution, donc. Mais une évolution structurante, car elle introduit des changements fondamentaux, nécessaires pour assurer que l’information non-financière soit non seulement de qualité équivalente à la très normalisée information financière, mais également aussi facilement accessible et utilisable.

Parmi les principaux changements, il faut retenir :

  1. Un périmètre d’application beaucoup plus large et inclusif : toutes les grandes entreprises définies par deux des trois critères total bilan et/ou chiffre d’affaires et/ou un seuil moyen d’employés abaissé de 500 à 250, ainsi que toutes les entreprises cotées sur un marché européen (y compris les PME, sauf les micro-entreprises) seront désormais soumises à obligation de reporting durable, soit environ 49 000 entreprises, contre seulement 12 000 aujourd’hui ; les PME non cotées sont par ailleurs vivement encouragées à publier des rapports durables de manière volontaire, en appliquant des normes proportionnées spécifiquement définies pour les PME (cotées ou pas) ;
  2. L’application obligatoire de normes européennes de reporting durable, qui couvriront les dimensions génériques, sectorielles et propres à chaque entreprise, déterminées sur la base d’une analyse de double matérialité, à partir de 2024 pour les plus grandes entreprises, 2027 pour les PME, y compris cotées ;
  3. Un format digital imposé et commun à tous facilitant le partage et l’exploitation de l’information publiée, qui devra alimenter le futur point d’accès électronique unique européen (European Single Access Point - ESAP), lequel centralisera à la fois l’information financière et durable des entreprises européennes ;
  4. L’obligation de faire auditer les rapports durables dans tous les pays européens, par le commissaire aux comptes ou un tiers indépendant ; en assurance limitée dans un premier temps, avant un passage en assurance raisonnable – comme pour les états financiers – à moyen terme.

Une pièce maîtresse du dispositif législatif et réglementaire européen, au service des objectifs de développement durable de l’Union européenne

En posant les fondations d’un langage « durable » commun, la CSRD vient consolider l’arsenal législatif et réglementaire récemment mis en place par l’Europe, avec notamment les règlements Taxonomie et Sustainable Finance Disclosure (SFDR). Destinés à favoriser les investissements – et leur transparence – dans des activités et projets alignés avec les ambitions de l’Union européenne en matière de développement durable, ces textes ambitieux sont la démonstration pratique de la double matérialité : il ne saurait y avoir de performance financière durable sans performance environnementale et sociale et sans la prise en compte, aujourd’hui, des contraintes qui y sont liées. Les mots de la Commissaire européenne Mairead McGuinness lors de la conférence de haut niveau du 6 mai dernier sur la CSRD résument bien cette montée en puissance du non-financier et son intrication avec le financier :

 

La durabilité n’est plus à la marge, elle est centrale : au cœur de la politique de l’Union européenne.

Mais le succès de ces textes, et au-delà, de cette politique européenne ambitieuse, repose néanmoins sur une condition fondamentale, rarement remplie aujourd’hui : pour qu’elle soit exploitable, notamment par les investisseurs, l’information fournie par les acteurs économiques sur leur performance durable doit être cohérente, pertinente, comparable et fiable. Au même titre que l’information sur leur performance financière. Il était donc grand temps de remédier à cette faiblesse de l’actuelle NFRD.

En soumettant désormais l’information sur la performance durable des entreprises à des exigences comparables à celles appliquées à l’information financière, en imposant que les futures normes de reporting durable européennes prennent en compte les critères et informations spécifiquement prescrits par la taxonomie et la SFDR, le langage commun créé par la CSRD contribuera à renforcer la cohérence et l’alignement du dispositif européen, et donc son efficacité ! Ce faisant, elle ambitionne aussi de simplifier la tâche des préparateurs en clarifiant leurs obligations et donc incidemment, les attentes légitimes et raisonnables des nombreuses parties prenantes en matière d’information à fournir. Il ne s’agit pas nécessairement de donner plus d’information, mais bien de donner une meilleure information ! 

Un accueil positif, mais non dépourvu de réserves

Le texte est très ambitieux. Trop ? Parmi les réserves exprimées, l’expression de craintes légitimes :

  • Un calendrier de mise en œuvre trop agressif ? Si tout le monde s’accorde à dire qu’il y a urgence à clarifier les attentes et les règles du jeu, l’objectif d’une première application dès 2024, sur l’exercice 2023 parait à beaucoup peu réaliste. Le texte doit encore être approuvé par le Conseil et le Parlement européens, et les premières normes adoptées d’ici 2022. Ce qui ne laisserait, au mieux, qu’une année aux préparateurs pour se mettre en ordre de marche. Oui, c’est vrai, le calendrier est très ambitieux. Il reste néanmoins faisable, à condition que l’Europe s’en donne les moyens. Comme l’a justement fait remarquer une paneliste de la conférence du 6 mai : « Nous ne pouvons pas dire à la prochaine génération que nous n’avons pas agi parce que nous n’arrivions pas à nous mettre d’accord sur une liste d’indicateurs ». Le risque est de ne pas agir, bien plus que de vouloir agir (trop) vite.
  • Un coût et une tâche disproportionnés pour les PME ? Malgré l’annonce de l’adoption de normes de reporting spécifiques aux PME et proportionnées à leur situation, ainsi que d’un délai de mise en œuvre allongé de 3 ans pour les PME, ces dernières redoutent que l’exercice se révèle écrasant. Oui, c’est vrai, pour beaucoup de PME, l’effort sera non négligeable et il est difficile de définir aujourd’hui ce que sera le bon équilibre. Pour autant, les PME sont, comme les grandes entreprises, exposées aux risques et opportunités de la nécessaire transition vers une économie plus juste et plus durable et il est essentiel qu’elles s’engagent dans cette voie au plus vite. En structurant l’approche et en insistant sur les aspects résilience, impacts, risques, opportunités et leur intégration dans une stratégie de transition, la CSRD donne aussi les moyens aux entreprises, PME comprises, de prendre conscience de leur position par rapport à une nécessaire trajectoire de transition et d’agir proactivement pour leur propre développement… durable. Bien au-delà du seul exercice de conformité.
  • Un casse-tête pour les entreprises internationales ? si elle est largement plébiscitée, l’approche européenne n’est reste pas moins différente, sous certains aspects, d’autres approches internationales qui vont probablement continuer à s’imposer aux entreprises opérant en dehors des frontière européennes. Faisant craindre à ces dernières la multiplication d’obligations de reporting, complexe et coûteuse à gérer. Oui, c’est vrai, les normes européennes seront différentes des référentiels les plus utilisés aujourd’hui (tels que le GRI, le SASB ou encore le TCFD par exemple). Temporairement : la CSRD prévoit que les normes européennes s’inspirent des normes internationales existantes et les intègrent autant que possible, dans la mesure où elles sont alignées avec les objectifs et critères européens. L’objectif à terme est donc la convergence. Par ailleurs, les normes européennes seront plutôt plus exigeantes que les normes internationales (qui n’intègrent qu’une des deux dimensions de la double matérialité). Si des efforts de clarification et d’équivalence seront nécessaires, il y a tout de même lieu de penser que les informations potentiellement requises par des référentiels internationaux seront déjà incluses dans les exigences européennes. Il s’agirait donc plus de détourer que d’ajouter de l’information. 

Des zones d’incertitude qui n’empêchent pas les acteurs économiques de se préparer dès maintenant

De nombreux éléments restent donc à confirmer avant la première mise en œuvre de la CSRD, début 2024. A commencer par le mode d’emploi, c’est-à-dire les normes de reporting elles-mêmes ! Pour autant, l’heure n’est pas à l’attente et l’inaction. La CSRD elle-même donne d’importantes indications sur le but recherché : au-delà du reporting lui-même, il s’agit pour l’entreprise de s’interroger sur sa situation présente au regard des enjeux environnementaux et sociétaux et de la transition collective qu’ils appellent ; de prendre conscience des atouts et des risques d’une telle position ; de définir le rôle à jouer dans cette transition et la valeur ainsi créée pour l’entreprise elle-même et pour ses parties prenantes ; et de s’engager résolument dans cette voie.

Pour les entreprises déjà engagées et qui publient déjà ce genre d’information, il s’agit de continuer à aiguiser l’analyse et à identifier les éventuels points d’amélioration par rapport aux exigences déjà exprimées par la CSRD. Pour les autres, il est grand temps d’engager la réflexion et de se nourrir de l’expérience de précurseurs, pour définir un autre avenir, plus pérenne. Les futures normes de reporting européennes arriveront alors bien à temps pour raconter cette transition, dans cette langue commune tant attendue.

Article rédigé par Maud Gaudry, Global Co-Head of Sustainability - Paris, Mazars

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