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Par Novapec - Publié le 15 décembre 2025 - 17:21 - Mise à jour le 15 décembre 2025 - 17:36
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Pourquoi l’innovation sociale passe désormais par les territoires et leurs TPE-PME

Recrutements difficiles, travailleurs qualifiés en perte de sens ou en reconversion, recomposition du tissu économique… les transformations du travail redessinent les besoins sociaux. Les territoires deviennent les lieux privilégiés de l’expérimentation et de la coopération. Et l’innovation sociale se réinvente non seulement avec les acteurs publics et les associations, mais aussi avec les TPE-PME.

Crédit : Mary-Lou Mauricio
Crédit : Mary-Lou Mauricio

 

Pendant longtemps, le concept d’« innovation sociale » renvoyait à un périmètre assez restreint, porté par de grandes associations capables de concevoir des réponses nouvelles là où ni le marché ni les politiques publiques ne suffisaient. Services inédits, organisations collectives, gouvernances hybrides : ces initiatives, souvent impulsées par des citoyens et des citoyennes ou des acteurs de terrain, reposaient sur l’expérimentation, la coopération et la créativité collective, avec l’ambition de transformer durablement des situations plutôt que de les réparer ponctuellement.

Mais depuis quelques années, la notion elle-même s’est élargie et transformée, et nombre d’acteurs publics, économiques ou associatifs en reprennent aujourd’hui les méthodes. D’autant que les fragilités sociales d’aujourd’hui ne concernent plus uniquement les personnes éloignées de l’emploi, les publics déjà précaires ou les situations d’urgence. Des catégories jusque-là perçues comme « stables » ou « intermédiaires » sont touchées : jeunes diplômés, salariés qualifiés en reconversion, cadres en perte de sens, travailleurs indépendants exposés à l’irrégularité des revenus, seniors poussés hors du marché du travail ou petites entreprises fragilisées par les transitions.

 

Pourquoi les territoires s’imposent comme échelle d’action

 

Ces vulnérabilités moins visibles, moins catégorisables, ont des effets territoriaux considérables. Elles influencent la capacité d’un bassin d’emploi à attirer et retenir ses talents, minent la vitalité économique locale et accentuent la fracture entre territoires dynamiques et territoires sous tension. Dans certaines villes moyennes ou zones rurales, elles se combinent à la baisse des services publics, à la difficulté d’accès à la mobilité ou à l’affaiblissement des liens sociaux.

Le territoire est devenu un espace incontournable pour comprendre ces évolutions. Les difficultés vécues par un jeune diplômé à Dunkerque ne ressemblent pas à celles d’une cadre en reconversion à Gap ou d’un micro-entrepreneur en Ariège. Les trajectoires professionnelles se jouent aujourd’hui au croisement de dynamiques très localisées : largeur du tissu économique, existence ou non d’écosystèmes de formation, présence de réseaux d’entreprises, offre de mobilité, solidarités locales.

Agir à l’échelle territoriale permet de croiser ces dimensions : le social, l’économique, l’emploi, la formation, la vie locale, les projets citoyens. L’innovation sociale devient une fonction transversale, qui ne vit plus « à côté » de l’économie mais en dialogue constant avec elle.

 

Novapec : au cœur de cette mutation

 

Dans ce paysage, la création en 2023 de Novapec – un programme de cofinancement lancé par l’Apec (Association pour l’emploi des cadres) – illustre ce changement de paradigme. Contrairement à une lecture rapide qui en ferait un dispositif d’insertion professionnelle, Novapec soutient l’innovation sociale territoriale liée aux transformations du travail. Comme l’Apec, il vise les jeunes diplômés, les cadres et les TPE-PME, et finance des projets expérimentaux ou en changement d’échelle.

Les projets soutenus en 2024 illustrent bien la diversité des enjeux liés aux transformations du monde du travail. Parmi les initiatives retenues figurent des actions de reconversion professionnelle, d’accompagnement post burn-out, ainsi que des projets autour de l’entrepreneuriat lorsqu’ils visent à créer des emplois cadres sur le territoire, de l’inclusion numérique ou encore de la montée en compétences dans les TPE-PME. Avec 273 projets déposés en 2025, 39 sélectionnés, 4 millions d’euros engagés et 15 000 bénéficiaires, Novapec apparaît comme un observatoire privilégié des dynamiques sociales qui traversent le monde du travail.

Sur le terrain, les équipes régionales de l’Apec, qui accompagnent les projets, constatent que des espaces inédits de coopération se sont ouverts, en particulier avec le tissu associatif local, comme l’explique Florence Heitz, déléguée régionale Grand Est : « Jouer le rôle de financeur, c’est nouveau pour l’Apec. Mais ces appels à projets nous ont apporté une meilleure connaissance du bassin associatif sur le territoire et la possibilité de créer des ponts avec des associations qu’on ne connaissait pas forcément et qui peuvent être des relais pour les cadres que nous accompagnons. »

 

Autisme, ruralité : deux terrains d’innovation sociale

 

Deux projets soutenus par l’Apec en 2024–2025 illustrent ces nouvelles connexions. Le premier, Tremplin vers l’autonomie, porté par la Maison de l’autisme de Mulhouse, accompagne des cadres autistes très diplômés – Bac+3 à Bac+5 – mais confrontés à des obstacles majeurs d’insertion. Le dispositif prévoit un accompagnement individualisé, du parrainage assuré par des salariés d’entreprises locales et des actions de sensibilisation à l’autisme au sein des TPE-PME du territoire. Autant d’initiatives qui visent à créer un environnement professionnel plus inclusif et à rapprocher ces publics d’un marché du travail qui leur reste souvent fermé.

Le second projet, Boostes Ton Job, se déploie dans un bassin d’emploi rural situé entre Chaumont, Saint-Dizier et Vitry-le-François, un territoire éloigné des métropoles, où le marché de l’emploi est restreint et où l’Apec est physiquement moins présente. Le programme crée des liens entre entreprises, acteurs publics et structures locales pour construire des parcours de retour à l’emploi en proximité : visites d’entreprises, mise en réseau, appui à la reconversion. « Ce qui nous a intéressés sur ces deux projets, c’est qu’ils font le lien entre l’accompagnement de nos clients et les entreprises du territoire, notamment les TPE-PME. »

 

Les TPE-PME, nouveaux acteurs du social local

 

Si l’innovation sociale devient territoriale, c’est aussi parce que les petites et moyennes entreprises jouent un rôle croissant dans la réponse aux besoins sociaux. Les TPE-PME représentent la majorité de l’économie réelle, de l’activité productive et des emplois qualifiés. Elles sont également les premières à souffrir des pénuries de main-d’œuvre, de l’évolution rapide des compétences, de la transformation numérique ou des nouveaux impératifs écologiques.

Selon le Baromètre 2024 du mécénat d’entreprise (Admical–Ifop), 97 % des entreprises mécènes sont des TPE-PME, mais elles ne pèsent qu’environ 33 % du budget total du mécénat déclaré. Le rapport souligne par ailleurs que seules 9 % des entreprises françaises déclarent des dons à l’administration fiscale. Ce décalage révèle une réalité structurante : si les petites entreprises forment l’ossature du mécénat en nombre, leur engagement financier reste modeste. Autrement dit, le potentiel d’engagement dans l’innovation sociale est immense.

Ce manque d’implication ne s’explique pas par un manque d’intérêt, mais par l’absence de passerelles. C’est précisément ce que des programmes comme Novapec cherchent à résoudre : permettre aux entreprises locales de s’impliquer autrement, non pas en tant que simples financeurs mais comme partenaires de projets qui font sens sur leur territoire. En participant aux diagnostics, à la co-construction des dispositifs ou à l’expérimentation des solutions, elles deviennent des acteurs sociaux à part entière.

 

Vers un soutien local plus stratégique

 

L’un des apports majeurs de cette évolution tient à l’émergence d’un soutien local plus stratégique. Quand les associations travaillent avec des entreprises ancrées dans les territoires, les projets gagnent en pertinence et en durabilité. Le mécénat local cesse d’être une contribution symbolique pour devenir un levier de transformation territoriale.

Cette forme de mécénat est hybride, mêlant financement, partage de compétences, mise en réseau et participation à la gouvernance. Elle repose sur une conviction partagée : la vitalité sociale d’un territoire dépend étroitement de la vitalité de son économie. L’entreprise n’est plus un acteur périphérique, mais un partenaire de l’innovation sociale.

 

Une innovation sociale portée par les alliances locales

 

L’innovation sociale change de nature. Elle devient anticipatrice plutôt que réparatrice. Elle s’intéresse autant aux transitions qu’aux situations de rupture. Elle s’appuie sur des alliances locales plutôt que sur des dispositifs uniformes. En devenant territoriale, elle s’aligne sur les réalités contemporaines : une société en transformation rapide, où les réponses doivent se construire au plus près des personnes et des organisations concernées.

Ce mouvement n’est pas une tendance passagère. C’est une mutation de fond. Et les programmes comme Novapec – véritables laboratoires de coopération territoriale – en révèlent déjà les lignes de force. Ils montrent qu’une innovation sociale efficace ne se décrète pas depuis le national : elle s’invente, se construit et se stabilise d’abord dans les territoires, au croisement du social et de l’économie locale.

 

 

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