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Par Observatoire B2V des Mémoires - Publié le 5 décembre 2022 - 08:01 - Mise à jour le 5 décembre 2022 - 12:19
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Notre capacité d’attention « piratée » par les réseaux sociaux

L’attention, un élément central de notre capacité à penser et de notre mémoire, mise à mal par les « nouvelles technologies » : Sylvie Chokron, neuropsychologue, directrice de recherche CNRS à l’Hôpital-Fondation Rothschild à Paris, met en lumière le rôle joué par cette faculté cérébrale et en quoi il est difficile, mais plus que jamais capital de la préserver.

Notre capacité à penser mise à mal par les « nouvelles technologies »
Notre capacité à penser mise à mal par les « nouvelles technologies »

 

  • A-t-on une quantité d’attention limitée pour la journée ? 

En réalité, notre capacité attentionnelle est limitée à chaque instant. Le principe de l’attention est de nous permettre de traiter des tâches de manière séquentielle et non pas en parallèle. Nous avons l’illusion de pouvoir diviser notre attention entre plusieurs tâches, mais cela n’est possible que si l’une d’elles est automatisée, comme marcher par exemple. Si l’on essaie de passer un appel téléphonique important tout en surveillant ses enfants qui font une bêtise, on risque de « bugger » ! L’attention est un processus coûteux et si un adulte ou un enfant a dû rester attentif toute une journée, il sera fatigué le soir. Cette capacité peut toutefois s’entraîner. Ainsi, certains professionnels sont des spécialistes de l’attention, comme les contrôleurs aériens, formés à rester attentifs à un écran même s’il ne se passe rien.

  • Quels liens l'attention entretient-elle avec la perception, la conscience et la mémoire ?

Nous recevons à chaque instant des milliers d’informations de l’environnement et de notre corps à travers nos sens : des bruits de voiture, la température extérieure, la position de notre corps dans l’espace, etc. Il n’est pas possible de faire attention à tous ces signaux en même temps. L’attention est ce qui nous permet de sélectionner l’information la plus pertinente à traiter avec notre conscience sur le moment. C’est aussi la première étape de la mémorisation qui permet d’encoder efficacement une information : si l’on est attentif, on a plus de chances de s’en souvenir.

mémoire et téléphone

 

  • Quels artifices utilisent les réseaux sociaux pour capter notre attention et quel impact sur notre mémoire ?

Aujourd’hui, notre attention est déjà mise à mal par la multiplicité des stimulations, de telle sorte qu’à force d’être interrompus sans arrêt, nous avons perdu l’habitude de faire attention à une chose pendant longtemps. Notre attention est fractionnée en permanence entre de nombreuses sources d’information, ce qui nous conditionne à n’être attentif que très brièvement à une seule chose. Il peut devenir difficile de regarder une série ou dîner au restaurant sans consulter son téléphone en même temps. De plus, les réseaux sociaux sont optimisés grâce à des algorithmes destinés à capter notre attention et à la garder captive en nous stimulant à intervalles réguliers pour ne pas que nous « décrochions ». Cela nous donne l’illusion d’être actif, alors que nous ne faisons que répondre à des sollicitations sans aucune intentionnalité de notre part.

Par exemple, vous recevez un courriel vous disant que tant de personnes ont consulté votre profil sur un réseau professionnel, ce qui vous pousse à consulter le site. Les algorithmes sélectionnent des contenus susceptibles de vous intéresser, comme votre téléphone vous proposant un montage de vos photos sans que vous lui ayez demandé quoi que ce soit. La fréquence à laquelle vous êtes stimulés est calculée. Tik-Tok enchaîne des vidéos très brèves, ce qui vous conditionne pour être attentif pendant des durées de plus en plus courtes. A la fin de la journée, vous n’avez probablement pas mémorisé ce que vous avez regardé, car vous avez perçu passivement des images et des informations qui s’enchaînent rapidement, de telle sorte qu’un contenu efface l’autre. Notre cerveau retient mieux si l’on est dans une démarche active et intentionnelle de chercher une information avant d’y être exposé.

  • Quelles astuces permettent de se protéger des effets délétères des réseaux sociaux ?

Le premier pas pour « reprendre la main », c’est de réaliser que les réseaux sociaux nous privent de notre pouvoir d’intention, mais aussi de la prise de décision et de la capacité d’arrêter : l’algorithme choisit un contenu pour nous, de nous envoyer des publicités, des alertes… En définitive, nous sommes captifs et non décisionnaires, conditionnés pour répondre à un algorithme.

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Ensuite, il est essentiel de reprendre conscience de ce que l’on fait quand on « navigue » sur Internet en se demandant « qu’est-ce que je fais là ? qu’est-ce que je cherche ? », et mesurer le temps qui s’écoule en mettant une minuterie… Le fait d’utiliser le téléphone ou l’ordinateur également pour son travail peut rendre plus floue la notion du temps qui passe sur des usages qui ne sont pas professionnels. Il est d’autant plus utile de se chronométrer ou se limiter à certaines plages de la journée… 

Finalement, n’hésitons pas à nous séparer de notre téléphone pour mieux réaliser ce que l’on se remet à faire quand on ne l’a pas. Laisser simplement son esprit vagabonder dans les transports en commun par exemple… Ces moments où l’on n’occupe pas son esprit permettent de revenir à soi et d’activer son réseau cérébral « par défaut ». Pendant les pauses, le cerveau consolide les informations traitées qui sont pertinentes. Ces temps d’ennui sont précieux aussi pour permettre à sa « mémoire du futur » de fonctionner en élaborant des projets et ainsi, reprendre possession de son « temps de cerveau disponible », et choisir ce à quoi on destine son attention

 

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