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Par Social Good Accelerator - Publié le 26 novembre 2025 - 07:35 - Mise à jour le 26 novembre 2025 - 07:39
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Tribune NEC ESS - Intelligence artificielle ou coopérative ? Une troisième voie numérique est possible

Novembre 2025, Mois de l’ESS, intervient dans un contexte de radicalisation du débat public, de montée d’un bloc réactionnaire et d’un net recul environnemental — des dynamiques liées à la bulle spéculative autour de l’IA et aux nouvelles enclosures du numérique. Alors que les pannes des géants du web se multiplient (Clouflare cette semaine), que les algorithmes gèrent nos économies et nos démocraties, l’État se retire des structures œuvrant pour l’intérêt général. Pourtant, l’ESS porte des alternatives concrètes : un numérique fondé sur la coopération, la transparence et l’inclusion, fidèle au modèle social européen, capable d’organiser un mouvement de résistance.

 Photo de Alberto Bigoni sur Unsplash
Photo de Alberto Bigoni sur Unsplash

Résister à la concentration des pouvoirs numériques

La bataille de l'Intelligence artificielle est une bataille de pouvoir : sur les infrastructures, les données, les usages et notre capacité à décider collectivement de l'utilisation du progrès technologique. Comme le souligne Meredith Whittaker (Signal, AI Now Institute), 70 % du cloud mondial est aujourd'hui contrôlé par Amazon, Microsoft et Google, et avec Meta, ces groupes occupent de plus une position hégémonique dans l'espace informationnel. Cette dépendance inédite menace libertés individuelles, souveraineté et démocraties européennes.

Face à cet oligopole, l’ESS numérique rassemble un maillage d’entreprises, associations, coopératives et fondations qui utilisent les nouvelles technologies (logiciels, plateformes, outils collaboratifs, etc.) pour répondre à des enjeux sociaux, environnementaux ou solidaires. Elle propose des modèles alternatifs, fondés sur une gouvernance démocratique impliquant les utilisateurs, une distribution équitable de la valeur, et un ancrage territorial favorisant l’emploi et la résilience économique. Elle démontre au quotidien qu’il est possible de créer des solutions inclusives qui répondent aux besoins de tous les publics. Elle plaide pour un renforcement de la participation active des citoyens et citoyennes, des organisations de la société civile et des corps intermédiaires dans  l’encadrement des services numériques. Elle propose enfin des outils favorisant la souveraineté technologique et des usages frugaux compatibles avec les limites planétaires. 

Résister en démontrant qu’une juste répartition de la valeur est possible

L’ESS numérique s’oppose à la marchandisation des données et à la course à la performance algorithmique. Inspiré par Elinor Oström et des pionniers comme Wikipédia ou Mozilla, ce mouvement utilise des modèles juridiques non lucratifs (coopératives, hébergeurs associatifs, logiciels libres) pour créer des services numériques respectueux de la vie privée, sans collecte centralisée de données.

Dans le domaine de l’IA, elle promeut encore une fois des solutions open source, frugales et collaboratives, transparentes et auditables, permettant de préserver les services d’intérêt général des intérêts économiques. L’enjeu : une technologie émancipatrice, collective et accessible à tous, limitant au maximum son impact carbone.

​​Résister au tout-numérique : réinvestir dans la vitalité associative et l’éducation populaire à l’ère de l’IA

Résister, c’est aussi affirmer que tout ne doit pas et ne peut être automatisé. La dématérialisation qui exclut, les services publics inaccessibles et la fatigue numérique généralisée sont devenus de nouveaux facteurs d'inégalité et de défiance démocratique. À l’heure où les financements publics en matière d'inclusion, de médiation et d’éducation numérique vont baisser drastiquement, il faut au contraire réaffirmer la nécessité d’un investissement massif dans la formation des salarié(e)s et des citoyennes et citoyens de toute génération aux compétences numériques critiques pour permettre à chacun(e) - de comprendre, de maîtriser et choisir d’utiliser (ou pas) les outils numériques.

Enfin, résister, c’est aussi, parfois, choisir de se déconnecter pour réinvestir la vitalité du tissu associatif, essentielle pour faire vivre “IRL” la démocratie et la cohésion sociale. Car sur tous les territoires, l’ESS maintient des lieux de débat, d'expérimentation et de transmission dans des espaces collectifs, (notamment dans les tiers-lieux et fablabs) les associations d’éducation populaire, les lieux de culture citoyenne et de pratique sportive, les mouvements militants. Elle redonne vie à ce qui disparaît sur les plateformes : la convivialité, la lenteur, la transmission, l’attention portée aux autres et le sens du collectif.

Une troisième voie numérique européenne, démocratique, coopérative

Face aux défis que posent l’IA, rappelons-nous les mots précieux de Stéphane Hessel : « Résister, ce n’est pas seulement dire non. C’est créer » et ceux de Bernard Stiegler qui les prolonge « Inventer l’avenir, c’est apprendre à partager la puissance de penser ». Et pour cela, il faut plus que jamais réapprendre à coopérer et refaire société. 

Là où l’algorithme sépare, l’ESS relie. Là où le marché capte, l’ESS partage. Là où la technologie impose, l’ESS consulte et délibère. Dans un monde où l’intelligence artificielle générative standardise au nom du culte de la performance, accroît les fragilités et les inégalités, l’ESS introduit la nuance, la réflexion collective, et l’attention portés à chacun(e). 

En ce mois de l’ESS, nous, organisations de l'économie sociale et solidaire, appelons à une mobilisation générale et à la valorisation de nos modèles numériques. L’avenir de notre démocratie, de notre modèle social et numérique ne se subit pas, il se construit à plusieurs voies/voix, ensemble, sur trois piliers : la coopération, la solidarité et la pluralité. Donnons à l’ESS les moyens de continuer à créer ces alternatives.

 

Signataires (au 25/11/2025) :

  • Fatima Bellaredj, Déléguée de la CG SCOP, Présidente du Labo de l'ESS

  • Charlotte Bougenaux, Co-directrice d'Emmaüs Connect

  • Jeanne Bretécher, fondatrice et directrice de Social Good Accelerator

  • Dorie Bruyas, Présidente de la Mednum, Directrice de Fréquences Ecoles

  • Jérôme Giusti, avocat, co-fondateur du Cabinet Metalaw, Président de Social Good Accelerator

  • Benoît Hamon, Président d'ESS France, directeur de SINGA

  • Amélie Pédrot, administratrice de La Fonda

  • Maud Sarda, Directrice de Label Emmaüs, co-présidente des Licoornes

  • Jérôme Saddier, Président de Crédit coopératif et de CoopFR

  • Stéphanie Séré Annichini, fondatrice et directrice de Kocoya ThinkLab

  • Charlie Tronche, Directeur Communication et partenariats d'Hello Asso

  • et vous ?

 

À propos de Numérique en Commun[s] (NEC) ESS 2025

Pour débattre, agir et découvrir les solutions de l’ESS numérique, rendez-vous lors de la troisième édition de  Numérique en Commun(s) ESS 2025, les 26 et 27 novembre, au Musée social – CEDIAS, à Paris, pour discuter de la thématique : « Intelligence artificielle ou coopérative : construire ensemble une troisième voie numérique ». 

À propos du Social Good Accelerator (SOGA)

Le Social Good Accelerator est à la fois une tête de réseau et un think-and-do tank franco-européen qui œuvre pour l'accompagnement et la valorisation de la transition et des  modèles numériques de l’Économie sociale et solidaire.  L’association rassemble près de 70 membres et partenaires en France et en Europe. Ses actions s’articulent autour de trois piliers : VOICE (plaidoyer, affaires publiques), LEARN (recherche & formation) et CONNECT (animation de réseaux & de communautés). En 2025, elle lance un Observatoire de l’ESS numérique pour mieux connaitre et consolider cet écosystème.

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