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Interview d'Eric Birlouez, ingénieur agronome et sociologue de l’alimentation

« Certains de nos concitoyens ont (re)pris conscience du rôle stratégique des agriculteurs. Ces derniers, à l’instar d’autres catégories d’« invisibles », ont montré qu’ils étaient sur le pont pour approvisionner la population en produits alimentaires. » selon Eric Birlouez, ingénieur agronome et sociologue de l’alimentation

Quels sont les impacts de la crise Covid 19 sur la fracture alimentaire ?

Avant la crise, on comptait déjà 5 millions de bénéficiaires des structures d’aide alimentaire. Dès le début, ces dernières ont dû faire face à un afflux de nouvelles demandes. Beaucoup de personnes ont vu leur revenu brutalement disparaître suite à la perte de leur emploi précaire ou de leurs « petits boulots ». Pour les familles, la fermeture des cantines scolaires qui offraient aux enfants un repas à bas prix a entraîné une explosion des dépenses alimentaires. Des étudiants ont perdu l’emploi qui leur était indispensable et, de surcroît, ne pouvaient plus accéder au resto U. L’obligation de restreindre ses déplacements a aussi conduit les personnes démunies à s’approvisionner dans des magasins de proximité, sensiblement plus chers.

Des aspects positifs malgré tout ?

Des solidarités et des partenariats se sont créés ou renforcés. Les associations se sont rapidement réorganisées pour gérer en même temps l’afflux des demandes, le manque de denrées, les règles sanitaires à respecter et la réduction du nombre de leurs bénévoles, principalement des seniors devant se protéger du virus. Des particuliers, des entreprises, des restaurateurs, des agriculteurs… ont fait des dons financiers, ont offert des produits ou des repas. Des collectivités ont distribué des bons alimentaires tandis que des enseignants de quartiers défavorisés mettaient en place des cagnottes internet pour que leurs élèves n’ayant plus accès à la cantine puissent manger.

Par ailleurs, certains de nos concitoyens ont (re)pris conscience du rôle stratégique des agriculteurs. Ces derniers, à l’instar d’autres catégories d’« invisibles », ont montré qu’ils étaient sur le pont pour approvisionner la population en produits alimentaires. Autres prises de conscience : celles de la valeur de la nourriture, de l’intérêt du local et de la souveraineté alimentaire, du fonctionnement du « système alimentaire »…

Des pistes pour l’avenir ?

Dans la situation actuelle, et dans la perspective d’une crise économique violente, l’aide alimentaire est une nécessité absolue. Mais elle demeure une « assistance » qui stigmatise et maintient dans une situation de dépendance : la honte de ne pouvoir nourrir sa famille et d’avoir à demander de quoi manger est une réalité. Comment permettre à chacun d’accéder, de façon digne et autonome, à une alimentation suffisante, variée et de qualité ? Ce droit humain universel, ce bien commun, ne peut être laissé aux lois du marché. Pour garantir l’accès de tous à ce droit fondamental, des propositions comme la « couverture alimentaire universelle »[1] ou la « sécurité sociale de l’alimentation » sont émises. Cette dernière consisterait à verser à tout citoyen une allocation mensuelle dédiée à l’alimentation, avec des critères permettant d’orienter celle-ci en termes qualitatifs. Son financement reposerait sur des cotisations, comme dans la « sécu » où les foyers aisés contribuent davantage mais où tous, riches comme pauvres, accèdent gratuitement aux soins de santé indispensables.

[1] Cf la tribune du député Guillaume Garot dans le journal Le Monde du 6 mai 2020.

 

Eric Birlouez, Ingénieur agronome et sociologue de l’alimentation

Retrouvez l’interview d’Eric Birlouez pour AgroParisTech en cliquant ICI

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