Les entreprises plus généreuses en fin d’année : mythe ou réalité ?
Novembre s’ouvre avec le Mois de l’ESS, décembre se poursuit avec le Mois de la solidarité, et entre les deux s’invite le Giving Tuesday, cette journée mondiale dédiée à la générosité, ou des initiatives nouvelles comme Diftember. Autant de temps forts qui créent un climat propice à l’engagement, aux dons, aux prises de parole… et aux bonnes intentions. Mais derrière cette concentration d’initiatives, une question revient chaque année, côté associations comme côté entreprises : les entreprises sont-elles réellement plus généreuses en fin d’année, ou s’agit-il surtout d’un moment de communication bien huilé ?
Un paradoxe bien réel : l’ESS célébrée… mais sous-financée
Le contexte actuel rend la question encore plus sensible.
Comme le soulignait Benoît Hamon à l’ouverture du Mois de l’ESS 2025 :
« L’édition 2025 du Mois de l’ESS s’ouvre dans un climat contrasté : alors que la France accueille pour la première fois le Forum mondial de l’ESS, l’ESS française voit ses moyens drastiquement réduits. Ce paradoxe souligne combien notre modèle reste à défendre. »
Les chiffres confirment ce déséquilibre : selon un récent rapport de la Cour des comptes, l’ESS ne perçoit que 7 % des aides publiques aux entreprises, alors qu’elle représente 14 % de l’emploi privé en France.
Autrement dit : un poids économique et social majeur, mais un soutien public structurellement limité. Dans ce contexte, les financements privés, et donc les entreprises, deviennent plus que jamais un levier clé pour les associations
Fin d’année : un pic de générosité… bien documenté
Côté dons, la saisonnalité ne fait aucun doute.
Selon France Générosités, plus de 40 % des dons annuels sont réalisés entre octobre et décembre, dont près de la moitié sur le seul mois de décembre.
Cette dynamique concerne aussi les entreprises. Le Giving Tuesday en est un bon révélateur.
En 2024, Microdon (entreprise de l’ESS spécialisée dans les dispositifs de dons solidaires) a observé +127 % d’inscriptions à l’arrondi sur salaire le jour du Giving Tuesday.
De nombreuses entreprises partenaires profitent de cette date pour mettre en lumière le dispositif, mieux le faire connaître en interne et rappeler son impact auprès des associations.
Alors oui, la fin d’année agit comme un déclencheur : elle rend visibles les engagements, facilite la mobilisation interne, et accélère certaines décisions budgétaires.
Mais un élan qui reste fragile
Ce tableau serait incomplet sans un autre constat, plus préoccupant : la générosité des particuliers marque le pas.
Dans un contexte économique, politique et géopolitique instable, plusieurs études récentes du syndicat professionnel France Générosités montrent une baisse ou une stagnation des dons des ménages. Les arbitrages se durcissent, les priorités changent, et les associations voient leurs ressources se fragiliser.
Le secteur appelle d’ailleurs, « à l’heure des discussions budgétaires », à ”ne pas toucher au cadre fiscal de la générosité”, jugé essentiel pour préserver l’équilibre du modèle.
Résultat : les entreprises ne sont pas seulement “plus généreuses” en fin d’année — elles deviennent parfois un pilier de stabilité pour des associations sous tension.
Le vrai enjeu : transformer le pic de générosité en engagement durable
Alors, mythe ou réalité ? La générosité de fin d’année existe bel et bien.
Mais la vraie question est ailleurs, et elle dépasse largement le mois de décembre. Comme le pose très justement l’article de Microdon sur le Giving Tuesday : comment prolonger l’élan d’aujourd’hui au-delà d’une date symbolique ?
Car un don ponctuel, aussi précieux soit-il, ne remplace pas :
- une relation construite dans le temps
- des collaborations alignées avec la stratégie de l’entreprise
- l’implication durable des collaborateurs
- des partenariats lisibles et utiles pour les associations.
Et maintenant ? Une responsabilité partagée
Dans un contexte de recul des financements publics et de fragilisation du tissu associatif, les entreprises ont un rôle clé à jouer. Pas comme des guichets de fin d’année, mais comme des acteurs à part entière de l’écosystème solidaire.
Une campagne de communication nationale sur l’ESS est annoncée pour l’été 2026. Un signal positif. Mais d’ici là, les besoins sont bien réels et immédiats.