Aller au contenu principal
Par Carenews INFO - Publié le 14 juin 2022 - 17:45 - Mise à jour le 15 juin 2022 - 10:13
Recevoir les news Tous les articles de l'acteur

À nouveau accessible, le musée de Cluny honore ses mécènes !

Pas facile pour un musée du Moyen Âge d'attirer les mécènes, la période historique souffrant encore d’une image négative. À Paris, le musée de Cluny a malgré tout réussi à mobiliser les énergies, grâce à la fidélité de quelques riches personnalités, de rares entreprises et de sa société d’Amis.

Le musée de Cluny a rouvert ses portes et affiche ses mécènes au coeur des salles d'exposition. Crédit : Bernard Hasquenoph
Le musée de Cluny a rouvert ses portes et affiche ses mécènes au coeur des salles d'exposition. Crédit : Bernard Hasquenoph

 

« L'aménagement de cette salle du musée de Cluny a bénéficié du soutien de… » Suit un nom de mécène écrit selon la charte graphique de l’institution. Le public remarquera peut-être cette mention inscrite dans plusieurs salles du nouveau parcours de visite du musée national de Moyen Âge, rouvert en mai 2022 après sept ans de travaux. Certains seront agacés par cette pratique du nommage, banale dans les pays anglo-saxons, peu courante en France qui préfère généralement honorer ses donateurs par une plaque collective souvent placée aux accès des musées. Ce qui est aussi le cas ici. Consciente de ces réticences, Séverine Lepape, directrice des lieux depuis 2019, tient à préciser : « C’est évidemment réversible, c’est de la peinture sur le mur et nous avons négocié la durée d’inscription des noms en fonction des montants donnés. »

 

Des donateurs visibles 

 

Crédit : Bernard Hasquenoph

 

L’intérêt ne serait pas qu’honorifique : « Cela a surtout permis de créer un lien avec nos mécènes. Ce sont souvent des collectionneurs, qui ont un regard et un amour pour une période donnée du Moyen Âge ». Ainsi ont-ils choisi leur partie préférée, avec plus ou moins de visibilité. 

Quand en 2011 le ministère de la Culture a initié Cluny 4, grand projet de rénovation de ce musée vieux de plus de 150 ans, ses équipes ont été priées de trouver des fonds complémentaires à la vingtaine de millions d’euros apportée par l’État. Un Cercle des mécènes philanthropes rassemblant les grands donateurs du musée, a été créé, relié à sa directrice. Ils sont cinq. « C'est un cercle assez petit, l’art médiéval n’est pas forcément ce qui attire le plus », reconnaît Séverine Lepape avec regret. C’est vrai que les grandes fortunes d’aujourd’hui préfèrent le 18e siècle, associé au luxe, ou l’art contemporain, plus tendance. « Cela nous a permis tout de même de lever près de deux millions d’euros, ajoute-t-elle. À notre échelle, nous sommes très contents de ce résultat ».

 

Des bienfaiteurs engagés

Ces cinq bienfaiteurs, tous médaillés par la République française, sont investis dans la vie muséale internationale, tels Sir Paul Ruddock, 63 ans, ex-responsable d’un fonds de pension, dont une galerie d’art médiéval porte déjà son nom au British Museum, ou le français Michel David-Weill, 89 ans, fidèle à la prestigieuse lignée de banquiers mécènes dont il est issu.

 

Mais personne n’est peut-être aussi engagé que l’ex-banquier d’affaires français, Christian Giacomotto, 81 ans, bien qu’inconnu du grand public. La liste des ses fonctions bénévoles est si longue qu’elle efface presque sa première vie, du conseil artistique des musées nationaux au haut conseil des musées de France. Preuve de son importance, il vient encore d’être missionné, avec deux autres « personnalités expérimentées du monde des musées et du marché de l’art », par la nouvelle ministre de la Culture, Rima Abdul-Malak, pour éclaircir les conditions de provenance des biens culturels, suite à la mise en examen de l’ancien patron du Louvre dans le cadre d’un trafic d’antiquités égyptiennes.

On trouve aussi le new-yorkais Bernard Selz, 82 ans, gestionnaire de fonds, et son épouse Lisa, bien connus en France pour leur générosité envers les milieux culturels. Pour Cluny 4, le couple s'est engagé à apporter un euro pour deux euros collectés via un appel aux dons auprès des Amis du musée, technique du « matching grant » qu’il affectionne. Leur aura s’est cependant ternie quand, en 2019, la presse américaine révéla qu’ils avaient soutenu substantiellement les mouvements antivax. 

 

Un mécène déchu

Plus gênant pour le musée de Cluny, le dernier de la liste : Christian Herrault, 71 ans. Cet ingénieur des mines de formation a passé 30 ans de sa carrière chez le cimentier Lafarge qu’il a dû quitter en 2015. En effet, il fait partie de ses ex-dirigeants mis en examen pour un soupçon de financement de l’organisation terroriste Daech dans une Syrie en guerre afin de poursuivre les activités du groupe, ce dont aurait été informé l’État français. Au musée de Cluny, il avait permis un mécénat de 200.000 euros de Lafarge pour construire une passerelle de béton. Situation inédite en France, l’entreprise poursuivie pour complicité de crimes contre l’humanité, le ministère de la Culture rendit l’argent en toute discrétion en 2018, comme nous le révélions dans Carenews l’année suivante. 

Créant un vif embarras auprès des Amis du musée dont il était un membre actif, Christian Herrault démissionna du conseil d’administration et quitta l’association. S’il figure toujours sur la short list des bienfaiteurs, c’est comme donateur personnel, ce qui lui vaut le nommage de la salle des arts du combat selon son choix. Concernant son implication dans une affaire d’État, la directrice s’en tient à la présomption d’innocence.

On peut s’étonner qu’aucune entreprise ne fasse partie de ce cercle restreint. « Celles-ci préfèrent accorder leur soutien aux grands musées, pour des questions de communication », déplorait en 2015 l’ancienne directrice dans Les Echos.

 

Un mécénat de la Fondation EDF remarqué

 

Il faut donc saluer la Fondation EDF d’avoir contribué à une meilleure accessibilité du musée aux personnes à mobilité réduite, grâce à un mécénat de compétences qui a mobilisé une vingtaine de jours ses ingénieurs-chercheurs. 

Enfin, le Crédit Agricole (Crédit Agricole Ile-de-France Mécénat et la Fondation du Crédit Agricole-Pays de France) finance la restauration du jardin d’inspiration médiévale jouxtant le musée, créé en 2000, mais mal en point. Après une phase d’étude menée en partenariat avec l’Ecole Nationale Supérieure du Paysage, le musée discute avec la ville et l'État pour la suite du projet. 

Enfin, la société des Amis du musée aux plus de 600 membres s’est évidemment mobilisée pour Cluny 4, apportant 110 000 euros pour les travaux et la muséographie. L’association a financé également une table numérique sur Notre-Dame de Paris (67 800 euros) s’impliquant jusque dans sa réalisation, et a participé à la création du Café des Amis (28 230 euros), logé dans l’ancienne entrée du musée et dans sa jolie cour médiévale. Au mur, parmi quelques tableaux du musée du temps jadis, le portrait de son premier collectionneur, Alexandre Du Sommerard, veille sur les lieux.

 

Bernard Hasquenoph

Fermer

Cliquez pour vous inscrire à nos Newsletters

La quotidienne
L'hebdo entreprise, fondation, partenaire
L'hebdo association
L'hebdo grand public

Fermer