Crise énergétique : des « projets citoyens » pour se réapproprier l’énergie renouvelable
Photovoltaïque, éolien, méthanisation... Des citoyens et collectivités se réunissent pour porter et financer des projets locaux d’énergie renouvelables. Même si elles restent marginales, ces réalisations présentent de nombreux avantages. Une réponse à la crise énergétique actuelle ? Réponses.
Un village reculé dans l’Ain, quelques militants antinucléaires visionnaires et plusieurs panneaux solaires. Nous sommes en 1992, et à l’époque l’énergie photovoltaïque n’a pas bonne presse. Pourtant, l’association locale Phébus décide d’installer une centrale solaire, Phébus 1, sur le toit de la maison d’un des militants. Elle est raccordée au réseau EDF, et cela alors qu’aucun cadre légal n’autorise une telle pratique. Grâce au financement d'actionnaires citoyens, cette installation va marquer un tournant en devenant le premier projet citoyen d’énergie.
Redonner la maîtrise des décisions et bénéfices
30 ans après, ce modèle a fait du chemin et gagné en légitimité. L’association Energie Partagée, qui soutient ces projets locaux citoyens, en recense 285 sur tout le territoire pour une production de 1 000 gigawattheure. Mais de quoi parle-t-on ? « Il s’agit d’un projet d’énergie renouvelable qui ouvre son financement et pilotage aux acteurs locaux et citoyens pour être bénéfique au territoire », définit Marc Mossalgue, responsable de la communication d’Energie Partagée. Ainsi, quelle que soit la structuration du projet, coopérative ou SAS, les acteurs du territoire sont impliqués pour reprendre la maîtrise des décisions et des bénéfices.
Même si la loi de 2015 pour la transition énergétique reconnaît ce type de projets et les facilite, ils restent des cas relativement exceptionnels dans les territoires. Aujourd’hui, ils représentent moins d’1 % de la production nationale d’énergie renouvelable. Mais ce n’est qu’un début puisque en 2021, le gouvernement s’est fixé un objectif de 1 000 nouveaux projets citoyens à l’horizon 2028.
Quels sont les projets sur le territoire ?
Divers projets existent sur le territoire, comme EnerCit’IF qui installe des panneaux solaires à Paris, ou le projet de méthanisation Mathé-Blois-Nord sur la commune de Fossé ou encore Cowatt.
Basée à Nantes, Cowatt est une société d’énergie citoyenne dont l’objectif est d’installer des panneaux solaires. Elle réunit des particuliers, des entreprises et des collectivités. Même si elle n’est pas une coopérative, elle fonctionne avec le principe un actionnaire = une voix.
« Cowatt s’appuie sur des communautés locales, collectif d’une dizaine de personnes, qui va agir à l’échelle de la communauté », explique Joakim Duval qui anime le réseau des porteurs de projets Cowatt. Concrètement, des citoyens forment des communautés locales, repèrent des toitures potentiellement utilisables. Cowatt s’occupe alors du soutien du projet et de son financement par les habitants du territoire. Les habitants deviennent des associés de Cowatt.
15 projets accompagnés par Cowatt
Parmi les quinze projets accompagnés par Cowatt, le dernier en date est celui de Mauges-sur-Loire. Des citoyens montent, fin 2018, Energie Citoyenne Loire et Mauges (Éclem). Ils rentrent en contact avec une association d’insertion, Alise, qui va leur proposer de couvrir plus de 400 mètres carrés de toitures de panneaux solaires. Montant collecté : 31 200 euros. La mise en production est effectuée en octobre 2021.
Au total, les 16 centrales solaires en exploitation de Cowatt permettent de subvenir aux besoins de 740 personnes dans la région des Pays de la Loire.
Des projets aux nombreux avantages
Outre le fait de produire de l’énergie décarbonée, ces projets citoyens ont de nombreux avantages. « Ils génèrent des revenus deux à trois fois supérieurs pour le territoire par rapport à un projet classique », appuie Marc Mossalgue. Notamment par les retours sur investissement pour les citoyens ou collectivités actionnaires et l’appel à des prestataires locaux impliqués dans le projet.
Autre avantage, « les citoyens sont davantage informés et sensibilisés à la transition énergétique puisqu’elle apparaît comme proche d’eux. Cela permet de comprendre ce que signifie de produire de l’énergie ». Enfin, de tels projets peuvent permettre une plus grande acceptabilité des installations solaires ou éoliennes alors que de nombreux projets en la matière sont contestés par les populations locales.
La crise énergétique comme levier ?
La crise énergétique actuelle provoquée par la guerre en Ukraine, même si elle n’a pas d’effet mesurable pour l’instant, pourrait représenter un tremplin pour ces projets citoyens :
C’est la validation de notre thèse, c'est-à-dire qu'il faut se réapproprier l’énergie pour maîtriser ses risques et son approvisionnement », exprime Marc Mossalgue.
Théo Nepipvoda