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Par Carenews INFO - Publié le 27 août 2025 - 15:33 - Mise à jour le 27 août 2025 - 16:15 - Ecrit par : Célia Szymczak
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Financement des associations : « on risque de se retrouver avec des féminicides à la hausse »

Dans une enquête présentée le 27 août, la Fondation des femmes alerte sur la situation financière des associations accompagnant des femmes victimes de violence. Celles-ci se voient contraintes de réduire l’ampleur de leur action.

L'enquête de la Fondation des femmes s'intitule « Ne leur fermons pas la porte ». Crédit: Fondation des femmes.
L'enquête de la Fondation des femmes s'intitule « Ne leur fermons pas la porte ». Crédit: Fondation des femmes.

 

« On vit un recul inédit dans la lutte contre les violences faites aux femmes », constate Laura Slimani, directrice du pôle projet à la Fondation des femmes, le 27 août. La fondation a mené au début de l’été une enquête auprès de 148 associations féministes, dont une grande majorité (122) accompagnent directement des femmes victimes de violences et vulnérables. Le constat est préoccupant : 71 % des associations répondantes considèrent que leur situation financière s’est dégradée par rapport à 2024. 70 % des associations accompagnatrices se déclarent inquiètes ou très inquiètes pour l’avenir. 

Les conséquences sont très concrètes : des suppressions de places d’hébergement d’urgence (28 % des associations répondantes déclarent réduire leur capacité d’accueil), des fermetures de permanences (pour 30 % des associations accompagnatrices), une réduction de la masse salariale envisagée ou déjà entamée (pour 50 % des structures répondantes), ce qui peut conduire à des licenciements de juristes, de psychologues ou de personnes spécialisées dans l’insertion professionnelle.  

 

Toutes les activités concernées 

 

En particulier, 72 % des associations rurales et 75 % des associations en outre-mer, les territoires les plus touchés par les féminicides mais les moins couverts par les dispositifs d’aide d’après la fondation, ont dû fermer des permanences ou des centres

Dans le même temps, les besoins sont massifs. « Les demandes des femmes qui s’adressent à nos associations explosent. Elles sont incitées à parler, à révéler les violences qu’elles subissent », témoigne Clémence Pajot, la directrice de la Fédération nationale des centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF). « Nous sommes face à des femmes qui sont parfois en très grand danger », s’inquiète-t-elle. 

Les activités d’accompagnement ne sont pas les seules affectées. Celles qui portent sur la prévention et la sensibilisation ont aussi été réduites par 51 % des associations. Cela « ne peut que nous inquiéter », pointe Laura Slimani, en faisant référence à la montée de mouvements masculinistes. 

 

Les demandes des femmes qui s’adressent à nos associations explosent. Elles sont incitées à parler, à révéler les violences qu’elles subissent »

Clémence Pajot, directrice de la Fédération nationale des centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF).

 

Des associations déjà fragilisées  

 

Première explication de cette situation : des baisses ou des non-renouvellements de subventions, pour la moitié des associations (52 %). « Les coupes budgétaires viennent de toutes parts », affirme Laura Slimani. 38 % des associations disent en connaître de la part des Conseils départementaux, 31 % des communes et 26 % du ministère des Droits des femmes.  

Ces associations sont souvent de petite taille, donc moins en mesure de faire face à ces évolutions : 68 % d’entre elles ont un budget inférieur à 500 000 euros, « bien en deçà de la moyenne des associations du champ social » d’après la fondation. Elles ont connu une augmentation de leurs charges, non compensée par les subventions.  À cela s’ajoute l’obligation de présenter des budgets à l’équilibre, au risque de voir leurs subventions diminuer en cas d’excédent. Résultat : « il très difficile de constituer des fonds propres » pour assurer leur stabilité. Près de la moitié (44 %) ne dispose que de trois mois de trésorerie

 


À lire aussi : Associations : face aux difficultés, des risques de liquidation ? 


 

Des « choix politiques » 

 

Autre motif de fragilisation : les retards dans le versement des subventions. À ce jour, 14 des 98 CIDFF ne les ont pas reçues, illustre Clémence Pajot. Cette situation a pour conséquence une « forme de stress permanent » et un « épuisement des équipes », contraintes de trouver des solutions pour s’acquitter de leurs charges ou confrontées à l’incertitude de recevoir des subventions, déplore Laura Slimani. La directrice du pôle projet de la fondation parle même d’une « forme de maltraitance institutionnelle des associations ». Pourtant, « l’État se repose très majoritairement sur nos associations pour mettre en œuvre sa politique publique de lutte contre les violences », déclare Clémence Pajot. 

Le retard et les baisses de subventions ne sont pas seulement liés au vote tardif du budget pour 2025, selon Clémence Pajot et Laura Slimani. Elles relèvent aussi de « choix politiques ». « Des fonds (...) sont réorientés », note la directrice de la Fédération nationale des CIDFF. « Pour certains départements, c’est aussi une aubaine politique d’utiliser cette période de disette budgétaire », dénonce la responsable de la Fondation des femmes. Dans la Drôme par exemple, le conseil départemental a voté la fermeture de sept centres de santé sexuelle et a diminué sa subvention au Planning familial local de 20 %. 

 

Pour certains départements, c’est aussi une aubaine politique d’utiliser cette période de disette budgétaire »

Laura Slimani, directrice du pôle projets de la Fondation des femmes

 

Des répercussions concrètes sur la protection 

 

À ce jour, les associations accompagnatrices répondantes estiment leur perte nette de financements à 6,7 millions d’euros, ce qui les conduira à soutenir 6 258 femmes et enfants de moins que l’année dernière. « Dans la mesure où seule une petite partie des associations spécialisées sur l’accompagnement des femmes ont répondu, le chiffre réel est forcément bien supérieur », peut-on lire dans l’enquête de la fondation. Cette somme correspond aussi à la suppression de 150 places de juristes, de 319 places d’hébergement spécialisé ou de 2 575 processus de reconstruction psychologique post-trauma

« Le nombre de féminicides conjugaux a baissé ces quatre ou cinq dernières années. Nous attribuons cette baisse à une mobilisation financière et institutionnelle beaucoup plus forte », souligne Laura Slimani. Cette action faisait notamment suite au Grenelle des violences conjugales de 2019. Mais si les moyens diminuent, « on risque de se retrouver avec des féminicides qui repartent à la hausse », prévient-elle. « Ce sont des vies qu’on va probablement ne pas sauver ». 

Un « loi intégrale » pour faire évoluer la situation ?

Dans ce contexte compliqué, la Fondation des femmes lance une campagne d’appel aux dons à destination du grand public. Les fonds seront redistribués aux associations pour les « soulager », même s’ils seront quoi qu’il arrive insuffisants par rapport aux financements publics, selon Anne-Cécile Mailfert, la présidente de la Fondation des femmes.

À plus long terme, la fondation promeut avec 130 organisations une « loi cadre intégrale contre les violences sexuelles ». L’idée est de déployer une « politique publique globale et ambitieuse pilotée au plus haut niveau, impliquant de manière coordonnée l’ensemble des ministères concernés ». Pour cela, la coalition d’ONG a formulé 140 propositions et publié une pétition signée à ce jour par plus de 100 000 personnes. Elle estime les besoins en investissement de l’État à 2,6 milliards d’euros par an.

 

Célia Szymczak 

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