Aller au contenu principal
Par Carenews INFO - Publié le 12 septembre 2025 - 10:46 - Mise à jour le 12 septembre 2025 - 11:01 - Ecrit par : Elisabeth Crépin-Leblond
Recevoir les news Tous les articles de l'acteur

« Il n’y aura pas de justice climatique sans justice sociale et économique » (Olivier Morzelle, président d’ATD Quart Monde France)

Olivier Morzelle est président depuis juin 2025 de l’association ATD Quart Monde France, dédiée à la lutte contre la misère et l’extrême pauvreté. Pour être justes, les politiques publiques liées à la transition écologique doivent prendre en compte les conditions de vie des plus pauvres et leur offrir un terrain d’expression, met-il en avant.

Olivier Morzelle appelle à une réflexion commune entre les personnes en situation de pauvreté et les collectifs écologistes, lors dun rassemblement prévu en juillet 2026. Crédit : image libre de droit- ATD Quart Monde
Olivier Morzelle appelle à une réflexion commune entre les personnes en situation de pauvreté et les collectifs écologistes, lors dun rassemblement prévu en juillet 2026. Crédit : image libre de droit- ATD Quart Monde

 

  • Carenews : ATD Quart Monde est une association créée en 1957, dans le but d’éradiquer l’extrême pauvreté et l’exclusion. Comment exerce-t-elle sa mission aujourd’hui ?  

  

Olivier Morzelle : Nous nous basons sur la conviction que la pauvreté est une atteinte aux droits humains, qui vole toutes les étapes de la vie, qu’elle constitue un gâchis pour la société qui se prive de paroles, d’expériences et de ressources précieuses. Nous nous présentons donc aujourd’hui comme une association de défense des droits humains.  

Notre action est fondée sur l’idée que ce sont les personnes les plus pauvres elles-mêmes qui peuvent ouvrir le chemin pour sortir de la grande pauvreté, si la société leur en donne réellement les moyens. Pour cela, leur parole doit être prise en compte à égalité avec la parole des chercheurs et des professionnels de terrain. Nous essayons de combattre les préjugés et de comprendre ensemble les mécanismes de la grande pauvreté, et de proposer des pistes pour que les politiques publiques soient plus adaptées. 

De plus, nous menons des actions sur le terrain pour être aux côtés des personnes concernées, dans la confiance et dans la durée. Par exemple, nous organisons des événements comme le Festival des savoirs et des arts. Ces derniers permettent à chaque personne d’apporter ce qu’elle sait faire, dans le but de retrouver confiance en elles et de ne pas être dans une relation de dépendance. 

 


À lire également : Un collectif d'associations attaque l’État en justice pour non-respect du droit au logement et à l’hébergement d’urgence


 

Enfin, nous menons des actions politiques de réflexion autour des grandes thématiques sur lesquelles les plus pauvres doivent être entendus, comme le logement, la santé, la famille et la jeunesse. Nous réfléchissons avec des membres du mouvement mais aussi avec des acteurs extérieurs pour améliorer l’accès aux droits fondamentaux. Cela nous a amenés à participer à plusieurs propositions ces dernières décennies, comme celles ayant conduit à la création du revenu minimum d’insertion (RMI) en 1988, à la couverture maladie universelle (CMU) en 1999 et au droit au logement opposable (Dalo) en 2007. 

  

  • Comment définissez-vous le quart monde ?    

 

Dans toutes les catégories de la population, que ce soient par exemple les jeunes, les personnes en fin de droit au chômage ou les personnes immigrées, il y a une fraction de personnes qui sont exclues depuis des générations. Ils sont pauvres parce que leurs parents étaient pauvres et que la société n’a pas donné à leurs familles l’éducation, l’emploi et l’enrichissement culturel suffisant. Ce modèle se reproduit donc de génération en génération.  

  

Lors de votre prise de fonction en tant que président d’ATD Quart Monde France, vous avez évoqué la question de la transition écologique, à laquelle les personnes en situation de pauvreté sont empêchées de prendre part, selon vous. Pourquoi considérez-vous cette question importante dans la lutte contre la pauvreté ? 

  

Il n’y aura pas de justice climatique sans justice sociale et économique. Par exemple, dans le domaine du logement, il n’y aura pas de justice climatique si ceux qui n’ont pas de moyens doivent continuer à s’entasser dans des passoires thermiques.  

L’expression « urgence climatique » est fréquemment utilisée. Face à cette urgence, il faut prendre en compte les conditions de vie de tous et de toutes, en particulier des personnes en situation de pauvreté. Il faut leur permettre d’exprimer leurs perceptions, de les croiser et d’en tirer des priorités d’action. Cela demande donc du temps et des moyens. Si nous répondons à l’urgence climatique dans l’urgence, le risque est d’oublier les plus pauvres sur le bord du chemin.  

Ce sont eux qui sont le plus touchés par le changement climatique, mais aussi ceux qui en sont les moins responsables. Toute la société devrait s’inspirer de leur expérience et de leurs pratiques. 

  

  • Certaines mesures à visée environnementales renforcent parfois le sentiment d’exclusion, comme l’a par exemple montré le débat sur les zones à faibles émissions. Comment pensez-vous l’articulation entre les deux impératifs de lutte, contre la pauvreté et contre le changement climatique ? 

  

Nous militons pour que toute orientation politique soit réfléchie à l’aune des 10 % les plus pauvres. Cela implique aussi de lutter contre certaines idées fausses, comme celle selon laquelle les plus pauvres ne se sentiraient pas concernés par la lutte pour la protection de l’environnement. En réalité, il y a une conscience environnementale tout aussi développée parmi les populations les plus pauvres. Il faut accepter de prendre le temps pour identifier les initiatives porteuses, notamment dans les quartiers touchés par la pauvreté.  

Le cœur de notre activité est l’éradication de la grande pauvreté et de l’exclusion qu’elle entraîne. Nous militons donc pour que les personnes en situation de grande pauvreté puissent s’en sortir, pour qu’elles puissent s’alimenter correctement, qu’elles aient le droit de se déplacer. Cela implique par exemple des politiques de développement de transports en commun accessibles, avec des tarifs très adaptés en fonction des situations, et qui permettent effectivement à tout un chacun de pouvoir se déplacer. 

Nous avons réalisé un croisement des savoirs et des pratiques, avec des chercheurs de l’Ademe et des militants du Quart Monde. Cette expérience a mis en exergue que la notion d’écologie était certes partagée dans les faits, mais n’évoquait pas les mêmes imaginaires. Il y a un fossé à résorber, avec des politiques publiques qui ne répondent pas forcément aux besoins des plus pauvres. Cet écart existe notamment parce que ces politiques ne sont pas portées par les personnes en situation de pauvreté. 

  

  • Vous avez également évoqué la nécessité, en prévision des prochaines échéances électorales, de faire alliance avec d’autres collectifs, notamment « des mouvements de jeunes sur la justice climatique ». Comment envisagez-vous ces alliances ? 

  

C’est à construire. Aujourd’hui, chacun a ses angles d’attaque propres. Il faut essayer de trouver des points communs et de construire ensemble un avenir désirable pour toutes et tous.  

Nous avons besoin de ces mouvements de jeunes qui apportent un certain enthousiasme, une énergie et des idées. Nous voulons faire alliance avec eux pour échanger, mais aussi pour leur faire prendre conscience que la construction d’un monde plus juste nécessite l’écoute des personnes les plus pauvres.  

Dans cette optique, nous organisons, du 11 au 14 juillet 2026, un grand rassemblement afin de se réunir, d’échanger et de se fixer des objectifs et des plans d’action communs. L’idée est de faire émerger une société du bien vivre ensemble. 

 

Propos recueillis par Élisabeth Crépin-Leblond

Fermer

Cliquez pour vous inscrire à nos Newsletters

La quotidienne
L'hebdo entreprise, fondation, partenaire
L'hebdo association
L'hebdo grand public

Fermer