Interview : Greenlobby, le lobby des entrepreneurs à impact
Fondé en 2020, Greenlobby accompagne les acteurs de l’impact pour faire entendre leur voix dans la fabrication des politiques publiques. Il se veut comme un David face au Goliath que forment les industriels et les grandes entreprises. Interview de son cofondateur Hugo Cartalas.
- Quelle est l’activité de Greenlobby ?
Greenlobby est un cabinet de lobbying dédié aux acteurs de la transition écologique et sociale. Tout d’abord, nous aidons les acteurs porteurs de solutions pour la transition écologique et sociale à créer le bon narratif, à bien se positionner en ayant conscience de leur impact. Puis nous les aidons à créer du collectif, à trouver des alliés pour pouvoir créer un rapport de force. Ensuite, nous les aidons à porter des messages auprès des politiques. Nous allons jusqu’à la rédaction d’amendements, de textes de loi prêts à l’emploi.
Notre particularité est que nous accompagnons des acteurs ambitieux mais ayant peu de moyens financiers. Il a donc fallu adapter les méthodes du lobbying : nous essayons de faire mieux avec moins.
- Vous proposez des tarifs moins élevés qu’un cabinet de lobbying classique ?
Un de nos principes est la solidarité : il y a des prix différents selon le type de structure. Nous accompagnons certains acteurs associatifs ou des petites start-ups avec de très beaux projets de manière quasiment pro bono. En revanche, des plus gros clients avec davantage de fonds payent plus cher.
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- Quelle est la place des lobbys dans la vie politique française ?
Historiquement, le lobbying s’est fondé de manière très opaque. Aujourd’hui, il y a la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. C’est un début, mais ce n’est pas suffisant car ce n’est que du déclaratif sans réellement de contrôle. De notre côté, nous déclarons tout ce que nous faisons. Ce qui n’est pas le cas des grands cabinets et des entreprises qui ont plutôt tendance à sous-estimer leurs budgets.
L’Association française des entreprises privées (Afep), un lobby qui représente 117 grandes entreprises françaises, emploie 30 personnes et dispose d’un budget de 20 à 30 millions d’euros par an. À tout cela s’ajoute ce que fait chaque multinationale de son côté : cela représente plusieurs millions d’euros par entreprise. Au total, il s'agit de sommes faramineuses.
- Face à eux, comment les structures à impact qui n’ont pas les mêmes moyens peuvent-elles agir ?
Nous sommes plus malins. Nous mettons en place une stratégie de création d’alliances car ce n’est que comme cela que l’on va créer du rapport de force. Nous rassemblons des entreprises de toutes tailles autour du projet pour tenter de montrer que notre solution est viable et qu’elle va permettre de créer de la richesse et des emplois sur les territoires.
Par la suite, nous montrons que des associations implantées sur les territoires soutiennent la proposition. Nous expliquons également que la solution est déjà mise en œuvre sur le terrain à travers des expérimentations locales. Enfin, si cela ne suffit pas, il est possible de faire appel au soutien des citoyens pour tenter de convaincre les politiques.
- Arrivez-vous à convaincre les politiques de la même manière quel que soit leur positionnement sur l’échiquier politique ?
Une même proposition que nous portons peut s’inscrire dans des visions différentes et ainsi coller aux différents projets des partis politiques.
Prenons l’exemple du réemploi.
Pour des personnalités politiques de la gauche, nous allons invoquer l’impact écologique positif et la capacité à créer des emplois locaux permettant ainsi l’insertion. Pour quelqu’un de plus à droite, nous allons argumenter sur le fait que les entreprises du réemploi sont les futurs fleurons de l’économie française et que cela créera des emplois locaux non délocalisables.
- Avez-vous des alliés au sein du Parlement avec lesquels vous travaillez particulièrement ?
Nous avons nos alliés naturels qui sont les députés allant de la gauche du groupe présidentiel jusqu’à la gauche de l’hémicycle. Ce sont des alliés naturels car nous portons un projet de société plus ou moins similaire. En revanche, nous savons que pour gagner et faire avancer nos sujets, il faut aller convaincre la droite. C'est pour cela que depuis notre création nous travaillons aussi avec les élus ou gouvernement de droite, pour faire valoir l'intérêt de la France à s'engager dans la transition écologique et sociale et obtenir leur soutien
- Pouvez-vous nous donner des exemples de réussites politiques que vous avez obtenues ?
Nous accompagnons depuis deux ans une entreprise qui propose aux entreprises la location de vélos de fonction.
Dans le projet de loi de finances, il y a un mécanisme de réduction d’impôt pour les entreprises qui mettent une flotte de vélos à disposition de leurs salariés. Nous nous sommes impliqués car ce mécanisme pouvait être remis en cause en raison de sa période de validité de trois ans qui arrivait à sa fin. Nous nous sommes donc mobilisés pour prouver que la réduction d’impôt a eu un impact positif important et qu’il faut donc le faire perdurer.
Nous avons donc aidé l’entreprise à constituer une association avec dix autres structures du secteur : est née la Fédération des acteurs du vélo en entreprise (Fave). Elle a permis de porter un message collectif et ainsi de toucher davantage les politiques. L’amendement a finalement été adopté. Depuis, la Fave est reconnue par les pouvoirs publics et régulièrement consultée.
- Chez Greenlobby, vous défendez l’idée d’un lobbyiste commis d’office. De quoi s’agit-il ?
L’objectif de cette proposition est d’avoir une représentation de tous les intérêts dans la construction de la politique publique et notamment ceux des acteurs de l’intérêt général, qui sont moins représentés car ils ont moins de moyens financiers.
Le système que nous proposons est le même que celui des avocats commis d’office. On pourrait déléguer un certain nombre de dossiers aux cabinets enregistrés au registre de transparence. Ce nombre varierait en fonction du chiffre d’affaires et du nombre d’employés des structures. Dans ce système, s’il y a un conflit d’intérêt, le dossier est transféré à un autre cabinet qui bénéficie en contrepartie d’une redevance. Cette redevance est payée par le cabinet chargé en premier lieu de s’occuper du dossier.
Propos recueillis par Théo Nepipvoda