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Par Carenews INFO - Publié le 1 mars 2023 - 15:31 - Mise à jour le 13 novembre 2023 - 15:21 - Ecrit par : Célia Szymczak
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L’accaparement des terres agricoles menace le développement de l’agroécologie, d’après Terre de Liens et Les Amis de la Terre

Deux rapports publiés par Terre de Liens et Les Amis de la Terre identifient un phénomène préoccupant d’accaparement des terres agricoles avec des conséquences écologiques importantes. Décryptage.

Les rapports alertent sur les conséquences de la spécialisation des cultures. Crédits : iStock.
Les rapports alertent sur les conséquences de la spécialisation des cultures. Crédits : iStock.

 

En marge du Salon International de l’Agriculture, ce mardi 28 février, les associations Terre de Liens et Les Amis de la Terre publient deux rapports relatifs à la propriété agricole. Leurs conclusions sont similaires : des sociétés agricoles s’accaparent des terres agricoles en France, constituent des exploitations de grande taille et menacent la transformation durable des systèmes agricoles et alimentaires. 

 

Qu’est-ce que l’accaparement des terres agricoles ? 
L’accaparement des terres qualifiait initialement des acquisitions de terres en dehors de l’Union européenne à grande échelle par des investisseurs étrangers, comme le rappelle en 2021 le réseau Nyéléni. Dans le contexte européen, le terme caractérise des transactions foncières qui portent sur des surfaces agricoles significatives, avec des conséquences préjudiciables en termes d’emploi, d’écologie ou de durabilité. 

 

 

Qui s’accapare les terres agricoles ? 

Des sociétés agricoles qui ne comptent pas systématiquement d’agriculteur.rice.s parmi leurs associés possèdent une partie des terres agricoles en France. Leur part reste minoritaire - 14 % de la surface agricole utile -, mais a été multipliée par deux au cours des vingt dernières années et pourrait s’accroître. En raison du départ à la retraite annoncé de près du quart des agriculteur.rice.s et de l’âge avancé des propriétaires actuels, treize millions d’hectares devraient changer de propriétaire dans les dix prochaines années. 

 

Quel type de société est concerné ?
Il existe plusieurs types de sociétés agricoles. Les groupements agricoles d’exploitation en commun (GAEC) rassemblent plusieurs associé.e.s eux.elles-même agriculteur.rice.s. Les exploitations agricoles à responsabilité limitée (EARL) autorisent la participation de personnes physiques extérieures jusqu’à 50 % du capital. Selon Terre de Liens, les EARL « restent aujourd’hui majoritairement familiales ». Par contre, les autres sociétés commerciales (sociétés civiles d’exploitation agricole, sociétés anonymes, sociétés à responsabilité limitée) ne requièrent pas forcément la participation des agriculteur.rice.s au capital. Selon une mission parlementaire de 2018 citée par Terre de Liens, ces dernières formes constituent « l'instrument privilégié d'accaparement des terres ». 

 

Qui sont ces investisseurs ? Selon Les Amis de la Terre, de grandes entreprises, à l’instar de Chanel ou Euricom, et des « agri-managers, c’est-à-dire des agriculteurs qui contrôlent plusieurs centaines voire milliers d’hectares, et dont le métier est plus proche du management d’entreprise que du travail de la terre ». 

 

Pourquoi la propriété importe-t-elle ?

Deux conséquences significatives résultent de l’accaparement des terres agricoles par des sociétés financiarisées. D’abord, les priorités des investisseurs peuvent s’éloigner des enjeux de sécurité alimentaire. En effet, Terre de Liens rappelle que « les propriétaires jouent un rôle majeur pour déterminer les usages des terres agricoles ». Si certains d’entre eux « se mobilisent pour (...) soutenir des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement », pour d’autres, « la rentabilité financière préside à l’orientation des usages de la terre ». Les investisseurs poussent alors à la réduction des coûts, au détriment de pratiques agroécologiques. Au-delà, ils peuvent même favoriser d’autres usages, « plus rémunérateurs » que la production agricole, comme la sylviculture. 

Ensuite, l’apport de capitaux extérieurs augmente la puissance d’achat des sociétés. Elles acquièrent donc des surfaces en moyenne 27 % plus importantes que les personnes physiques. Or, la tendance à l'agrandissement des exploitations ne s’inscrit pas dans une logique agroécologique

 

 « Le modèle agro-industriel pousse à l’agrandissement, qui lui-même incite en retour à l’adoption de pratiques agro-industrielles ». 

Rapport Les Amis de la Terre, « La terre aux paysan.ne.s, l’agro-industrie hors-champ ! », 2023

 

Le phénomène s’autonourrit. L’agrandissement des exploitations augmente leur coût et limite ainsi l’accès à la terre de nouveaux.elles agriculteur.rice.s porteur.se.s de projets agroécologiques, dont les capitaux et capacités d’emprunts s’avèrent souvent limités. 

 

Des conséquences écologiques

En effet, des études citées par Les Amis de la Terre montrent que l’agrandissement conduit généralement à une mécanisation accrue, elle-même à l’origine d’une simplification des paysages et des cultures. Comme le rappelle lInstitut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), leur diversification constitue pourtant un levier important de l’agroécologie. Elle contribue à la qualité des sols et des eaux, ainsi qu’à la biodiversité. 

 

Cette dernière se révèle indispensable dans les pratiques agroécologiques. Par exemple, la protection des plantes repose sur l’existence de prédateurs naturels plutôt que sur l’usage d’intrants chimiques. La spécialisation des cultures, à l’inverse, pousse au recours aux pesticides, au détriment de la biodiversité et du climat. D'après Les Amis de la Terre, elle « va souvent de pair » avec l’agrandissement des exploitations. 

 

Les deux associations concluent leurs rapports par des recommandations de politiques publiques destinées à mettre fin à l’accaparement des terres. Ces réalités paraissent encore minoritaires : d’après Terre de Liens, il n’est pas trop tard pour « accélérer drastiquement la transformation de l’agriculture » française et la faire « basculer vers l’agroécologie ». 

 

 

Célia Szymczak 

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