[Vidéo] La Cop1ne, un restaurant solidaire à Paris : « C’est hyper abordable, on n'a jamais vu ça ! »
Porté par Cop1 solidarités étudiantes, le restaurant La Cop1ne cible tous les publics, mais propose sa formule à partir de trois euros aux étudiants. Le tout avec une attention à l’origine et à la qualité des produits. Pour cela, l’association s’appuie notamment sur le bénévolat d’étudiants, de façon flexible. Reportage.

De délicieux parfums et quelques rires s’échappent de la cuisine ouverte, de la musique résonne, une jeune femme nettoie les tables entourées de chaises colorées.
Nadia, la cuisinière, goûte la préparation de Camille et Maxime, qui lui demandent s’il faut rajouter un peu de crème, puis annonce à Laurine qu’il faut nettoyer la paillasse.
À peu de choses près, on croirait se trouver dans un restaurant classique, juste avant le début du service. Mais ces cuisiniers, à l’exception de Nadia, ne sont pas professionnels : il s’agit d’étudiants bénévoles. Nous sommes à La Cop1ne, un restaurant solidaire situé à Paris, porté par Cop1 Solidarités étudiantes, une association d’aide alimentaire pour les étudiants.
Des prix solidaires sans critère de bourse
Ici, ces derniers paient leur formule entrée-plat ou plat-dessert trois euros. Les autres clients s’acquittent de dix euros pour le même menu.
« C’est hyper abordable, on n'a jamais vu ça ! », s’exclame Maëlle, étudiante en art de 20 ans, attablée avec son amie Lou devant une pinte de bière à la cerise et le plat du jour, des penne à la sauce tomate et aux poivrons avec des légumes grillés et du fromage râpé.
Il y a un côté familial, rassurant. On a l’impression d’être chez notre tante ou chez notre grand-mère, en plus de manger sain »
Lou, étudiante en art
« En tant qu’étudiantes, nous n’avons pas forcément les moyens », constate-t-elle. La Cop1ne propose ces tarifs à tous les étudiants, sans critères de ressource. Pas besoin d’être boursier, par exemple : trois bénéficiaires sur quatre de l’aide alimentaire distribuée par Cop1 ne le sont pas.
Le repas est peu coûteux, mais pas seulement. « Il y a un côté familial, rassurant », assure Lou. « On a l’impression d’être chez notre tante ou chez notre grand-mère, en plus de manger sain », se réjouit-elle. « Quand on commence à habiter seule, on a tendance à faire toujours les mêmes types de repas, sans beaucoup de légumes, on n'a pas beaucoup de temps », regrette Maëlle, réjouie de l’équilibre du plat.
Un menu végétarien
Au menu ce soir-là, les penne, donc, mais aussi une soupe aux lentilles corail et patate douce parfumée au curry madras, ainsi qu’une panna cotta accompagnée d’une crème aux pommes caramélisées.
Le menu est différent à chaque service et l’offre est intégralement végétarienne. Plusieurs raisons expliquent ce choix, détaille Benjamin Flohic, le fondateur de Cop1 Solidarités étudiantes présent ce soir-là. D’abord, il y a un « engagement écologique », l’élevage de viande ayant un impact climatique majeur. Mais aussi la volonté de rendre le menu accessible à autant de personnes que possible, peu importe leur régime alimentaire.
Si nous faisions de la viande ou du poisson, la qualité serait médiocre »
Benjamin Flohic, fondateur de Cop1 Solidarités étudiantes
Bien sûr, le fait de ne pas acheter de viande ou de poisson permet par ailleurs au restaurant de faire des économies pour acheter des produits qualitatifs. « Si nous faisions de la viande ou du poisson, la qualité serait médiocre », note Benjamin Flohic. « Avec ce gain-là, nous achetons des fruits et des légumes de super qualité : tous sont biologiques et franciliens. C’est fondamental », explique le jeune homme.
Du bénévolat souple pour les étudiants
Pour tenir sa promesse d’un menu à partir de trois euros, La Cop1ne bénéficie de l’aide de la ville de Paris, propriétaire de l’espace, à qui elle paie un loyer solidaire. Elle s’appuie surtout sur la participation de nombreux bénévoles. « Cela explique qu’on soit capable de proposer ces menus à trois euros. En payant trois ou quatre salariés de plus, ça ne fonctionnerait plus », indique Benjamin Flohic.
Ils sont quatre ce soir en cuisine, très souriants, mais attentifs aux consignes de Nadia, la cuisinière salariée, qui alterne les services avec une collègue. Elles sont accompagnées de deux autres salariés, des aides-service, principalement pour faire la vaisselle. Delya, 21 ans, en service civique à l’association Cop1 et ancienne bénévole, accueille les clients et leur sert les boissons ce soir-là.
En tout, le groupe Whatsapp dédié à l’organisation du bénévolat de La Cop1ne compte 400 inscrits. Il faut au moins deux ou trois bénévoles par soir : une personne à l’accueil et au bar, les autres en cuisine. Leur engagement est totalement libre, comme le revendique Cop1 dans toutes ses activités : il est possible de venir deux fois par semaine comme une fois tous les six mois. Malgré cela, depuis l’ouverture, il n’y a eu que « deux ou trois services compliqués », assure le fondateur de l’association, qui voit dans cette manière souple de fonctionner une façon de mobiliser davantage d’étudiants.
Une conversation « facile » à engager
Laurine, par exemple, est très heureuse de venir une fois par semaine environ depuis un mois. L’étudiante en master de sociologie de 21 ans appelle les clients au moment où leur assiette est prête, après avoir ajouté un peu d’herbes fraiches sur la soupe ou assemblé la panna cotta. Elle leur tend leur plat avec un grand sourire. Pour elle, le bénévolat est un moyen de se sentir « utile », mais permet aussi de cuisiner, un passe-temps qu’elle apprécie fortement. C’est par ailleurs une manière de faire des rencontres : « je passe du temps avec les bénévoles ou les clients », raconte-t-elle.
Nous voulons que ce lieu soit un lieu de vie et pas exclusivement autour de l’alimentation »
Benjamin Flohic
Le restaurant et sa convivialité contribuent à la lutte contre la solitude et l’isolement étudiants. Des jeux de société en libre-service sont empilés sur une table, contre le mur. Des événements sont aussi organisés de manière fréquente : ateliers de lecture, jeux de société, ou encore vide-dressing solidaire. « Nous voulons que ce lieu soit un lieu de vie et pas exclusivement autour de l’alimentation », affirme Benjamin Flohic.
« Je viens assez régulièrement, deux fois par semaine », décrit par exemple Eve, étudiante de 21 ans en licence d’information-communication, venue seule. « C’est abordable, mais je viens aussi pour l’ambiance. On peut rencontrer de nouvelles personnes aux ateliers ou en mangeant, la conversation est assez facile », sourit-elle.
Un lieu ouvert à toutes les générations
Comme le restaurant est ouvert à tous et pas seulement aux étudiants, des relations peuvent se nouer avec d’autres clients, de tous les âges. L’objectif est bien sûr financier, puisque la tarification différenciée est à la base du modèle économique. Mais il s’agit également de favoriser les rencontres et la mixité, d’aider les étudiants en difficulté différemment.
En effet, au fil des distributions alimentaires, Cop1 solidarités étudiantes a constaté que certains étudiants dans le besoin n’osent pas ou ne souhaitent pas avoir recours à l’aide alimentaire. L’ouverture des portes du restaurant à un public varié permet d’aider ces personnes d'une manière alternative.
Résultat, plusieurs générations s’attablent à La Cop1ne. Ce soir, Colette, 62 ans, est venue dîner avec son amie Muriel. « Nous avons déjà goûté la soupe, elle est absolument incroyable, excellente. Les portions sont très généreuses ! » salue-t-elle. « Quand ils m’ont montré les prix, j’ai été étonnée et me suis demandé si j’avais le droit de venir », rit la retraitée. Elle reviendra, notamment avec ses deux petits-fils, étudiants. Et elle paiera pour eux la formule à dix euros, afin de soutenir ce projet solidaire. Encore faut-il qu’elle trouve de la place : le restaurant de 100 couverts affiche de plus en plus fréquemment complet.
Célia Szymczak