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Par Carenews INFO - Publié le 16 avril 2024 - 12:23 - Mise à jour le 25 avril 2024 - 15:03 - Ecrit par : Elisabeth Crépin-Leblond
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Les associations vent debout contre le Pacte européen sur la migration et l’asile

Système de filtrage, procédure accélérée, compensation financière… Après trois années de procédure législative, les députés européens ont adopté mercredi 10 avril les dix textes constitutifs du Pacte sur la migration et l’asile. Les dispositions, qui durcissent les contrôles lors de l’arrivée dans l’Union européenne et n’imposent pas de système de relocalisation des demandeurs d'asile, indignent les associations d'aide aux réfugiés.

Les eurodéputés ont validé le Pacte sur la migration et l'asile. Crédits : iStock
Les eurodéputés ont validé le Pacte sur la migration et l'asile. Crédits : iStock

 

Le Parlement européen a adopté mercredi 10 avril le Pacte sur la migration et l’asile. La réforme de la politique migratoire européenne, fruit d’un processus législatif débuté il y a plus de trois ans, affiche pour objectifs d’uniformiser les conditions d’asile dans l’Union européenne (UE), de « rendre le système plus efficace et plus résistants aux pressions migratoires » et de renforcer la solidarité entre les États membres. 

En décembre, le Parlement et les Vingt-sept étaient parvenus à un accord de principe sur le sujet, entériné ce mercredi par les députés sous la forme de dix textes constituant ce Pacte sur la migration et l’asile. Des dispositions mal accueillies par les associations d’aide aux migrants, qui dénoncent une « réforme indigne et contre-productive ».

Dans un communiqué publié le matin du vote, La Cimade accompagnée de plus de 160 organisations, dont Amnesty International, Oxfam, Human Rights Watch et de nombreuses associations d’aide aux réfugiés, appellaient les députés européens à rejeter le pacte « en raison des conséquences dévastatrices sur le droit à la protection internationale dans l’Union européenne ainsi que des risques de profilage racial, de détention de facto et de refoulements que pourrait engendrer sa mise en œuvre ».

L’association Utopia 56 dénonce de son côté « un texte qui viendra nourrir une haine et une violence déjà bien installée ». 

 

La mise en place d’un système de filtrage et d’une « surveillance de masse » décriés

Les associations protestent notamment contre le renforcement des contrôles aux frontières via un système de « filtrage », obligatoire et préalable à l’entrée d’un migrant dans l’UE et contre la procédure accélérée prévue par le texte pour examiner les demandes d’asile à proximité des frontières extérieures.  

Le filtrage introduit par le pacte consiste à déterminer, dans un délai réduit de 5 jours, si le requérant doit faire l’objet d’une procédure de retour, par exemple si une précédente demande d’asile a déjà été refusée.

La vérification comprend une identification, des contrôles de santé et de sécurité, et le relevé des empreintes digitales pour alimenter la base de données Eurodac, qui s’applique aux enfants dès l’âge de 6 ans. Elle s’applique aussi bien aux demandeurs d’asile qu’aux personnes secourues en mer ou interpellées après avoir franchi illégalement les frontières extérieures de l’UE.

À ce moment, les États membres pourront prendre en compte la notion de « pays tiers sûr » pour y renvoyer un demandeur d'asile, mais devront mettre en place un mécanisme indépendant pour vérifier le respect du principe de non-refoulement (du demandeur d’asile vers un pays où il risque probablement d’être persécuté) et des règles nationales en matière de rétention.

« Le Pacte représente un pas supplémentaire vers la surveillance de masse des migrants et des personnes racisées », alertent la Cimade et les 160 organisations en faisant référence aux technologies de surveillance déployées durant la procédure. L’élargissement de « pays tiers sûr » accroît le risque de refoulement, assurent également les organisations qui mettent en avant « une diminution des garanties de protection » et une augmentation du « risque de violations des droits humains ». 

 

Les détentions des migrants aux frontières dénoncées

Une fois le filtrage passé, le pacte prévoit également une procédure accélérée à la frontière qui permet d’identifier les migrants dont la demande est recevable mais jugée peu susceptible « a priori » d’obtenir une protection internationale. Elle concerne les ressortissants de pays pour lesquels le taux de reconnaissance du statut de réfugié s’élève à moins de 20 % dans l’UE, ainsi que les personnes « considérées comme des dangers pour la sécurité nationale ou l’ordre public ». La procédure peut s’appliquer aux familles accompagnées de leurs enfants ainsi qu’aux mineurs non accompagnés s’ils sont considérés comme une « menace pour la sécurité ». 

Le délai de la procédure accélérée ne pourra pas dépasser douze semaines pour l’examen de la demande à laquelle peuvent s'ajouter douze semaines pour la procédure de renvoi, soit un total de six mois.

Durant cette période, la procédure d’examen à la frontière implique des détentions ou des restrictions de liberté, ce qui indigne les associations. La mise en place de centres de rétention proches des frontières extérieures de l’Union européenne et dans les aéroports est prévue, avec un minimum de 30 000 places et pouvant accueillir à terme jusqu’à 120 000 migrants par an. Pour les installer, les États membres pourront recevoir un soutien financier de l’UE ainsi qu’un appui de l’Agence européenne pour l’asile et de Frontex. 

La situation est décriée par l'ONG Oxfam, qui dénonce un « accord portant sur plus de détentions, notamment d'enfants et de familles, dans des centres de type carcéral ».

La Cimade et les 160 organisations signalent quant à elles « la détention de facto aux frontières sans aucune exemption pour des familles avec enfants de tous âges, des procédures accélérés inférieures aux normes pour évaluer les demandes d’asile plutôt que des évaluations complètes et équitables, et l’accent mis sur les procédures de retour avec des garanties réduites ». 

« L’expérience a montré que le confinement d’un grand nombre de personnes dans les zones frontalières entraîne une surpopulation chronique et des conditions inhumaines, comme on l’a vu dans les îles de la mer Égée », ajoutent-elles.

 

Une solidarité jugée inopérante

Enfin, les associations dénoncent un texte qui ne permet pas réellement de soutenir les États membres qui reçoivent un grand nombre d’arrivées aux frontières extérieures, ni d’uniformiser le traitement des demandes d’asile.

Soutenir « les États membres les plus touchés » par la crise migratoire et rendre les États plus solidaires les uns des autres est pourtant l’un des objectifs affichés du Pacte sur la migration et l’asile.

Jusqu’à présent la politique migratoire européenne était en effet fondée sur le règlement Dublin III, qui prévoit que les réfugiés déposent leur demande d’asile dans le premier pays de l’Union européenne qu’ils atteignent, ce qui a pour conséquence de faire peser les demandes d’asile sur les pays du sud de l’Europe où arrivent en majorité les migrants originaires du Proche-Orient, d’Asie ou d’Afrique. 

Pour soulager les pays du sud de l’Europe, le Pacte sur la migration et l’asile instaure un mécanisme de solidarité obligatoire en vertu duquel les États membres doivent contribuer à la charge des pays d’entrée par le biais de relocalisations de demandeurs d’asile ou en apportant un soutien financier. En pratique, les pays membres refusant les relocalisations devront s’acquitter d’une compensation de 20 000 euros pour chaque demandeur d’asile. 

Avec ce dispositif, le Conseil de l’Union européenne prévoit environ 30 000 relocalisations par an de demandeurs d’asile. Un chiffre plutôt faible comparé aux 490 000 demandes d’asile acceptées dans l’UE en 2023.

C’est pourquoi pour les associations, ce dispositif est insuffisant. « Le principe du premier pays d’entrée est maintenu, il n’y aura pas de relocalisation obligatoire des personnes sauvées – une initiative qui aurait pu apporter des solutions humaines et durables grâce à la répartition proportionnelle des demandeur·euse·s d’asile dans toute l’Europe », déplorent la Cimade et les organisations.

« Les États membres sans frontières extérieures de l’UE peuvent éviter le partage des responsabilités en finançant la fortification des frontières dans les États membres frontaliers ou en finançant des projets douteux dans des pays non membres de l’UE », dénoncent-elles.

« Rien qu’en Méditerranée, plus de 2 500 personnes ont été déclarées mortes ou disparues l’année dernière. Le pacte n’aborde pas cette question, mais au contraire continue à renforcer la forteresse Europe », appuie également la Cimade.

 Les textes européen devront être formellement validés par le Conseil de l'UE, avant d'entrer en vigueur courant 2026.

 

Elisabeth Crépin-Leblond

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