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Par Carenews INFO - Publié le 24 mai 2023 - 10:00 - Mise à jour le 4 juin 2023 - 17:01 - Ecrit par : Théo Nepipvoda
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Les entreprises à mission ont-elles du mal à transformer l’économie ?

Quatre ans après la promulgation de la loi PACTE, la France compte plus de 1 000 entreprises à mission. Mais cette qualité va-t-elle réellement transformer l’économie française ? Décryptage.

Crédit : iStock.
Crédit : iStock.

 

Olivia Grégoire, à l’époque députée portant le projet de loi PACTE, l’avait voulu comme une « petite révolution dans le capitalisme ». Le développement des sociétés à mission devait entériner le passage de l’économie française à l’ère du capitalisme responsable. 

Aujourd'hui, quatre ans après la promulgation de la loi PACTE qui a introduit la qualité de société à mission, 1 086 entreprises ont franchi le pas selon le décompte de l’Observatoire des sociétés à mission. Cela représente 0,7 % du tissu entrepreneurial français, hors micro entreprises.

Un décompte encore bien loin de la prévision établie par l’Observatoire des Sociétés à Mission pour 2025 : 10 000 sociétés au total devraient avoir opéré ce changement.

Qu’est-ce que la société à mission ?
Il s’agit d’une qualité qui est donnée à une entreprise qui affirme publiquement une raison d’être et des objectifs sociaux ou environnementaux qu’elle se donne pour mission de poursuivre dans le cadre de son activité. C’est une entreprise qui s’est donnée une mission extra-financière. 

 

Des chiffres encourageants

Une goutte d’eau ? Pour Vivien Pertusot, fondateur du cabinet La Machine à sens qui accompagne les entreprises dans ce cheminement, ce chiffre peut paraître à première vue dérisoire. Mais il peut être analysé sous un autre regard: « Si on compare à d’autres dispositifs plus ou moins similaires, c’est plutôt encourageant », tempère-t-il. Il compare notamment les sociétés à mission au dispositif italien Societa Benefit, peu ou prou similaire, qui a attiré 1 000 entreprises… Mais depuis 2015. Il compare également le mouvement au label B Corp. Arrivé en France en 2014, il vient à peine de dépasser le cap des 300 structures labellisées.

 

Le nouveau visage des entreprises à mission

Le mouvement en est encore à ses débuts. Mais, il connaît dernièrement un emballement certain avec un quasi-doublement du nombre d’entreprises entre septembre 2021 et 2022. Fait majeur, certaines grandes entreprises ont progressivement rejoint l’aventure :  La Poste en juin 2021, KPMG en mai 2022 et Korian en avril 2023.

Pour Sophie Vannier, présidente de la Ruche, un réseau qui accompagne les personnes souhaitant entreprendre, les entreprises de ce mouvement ont changé de visage :

Cela a démarré tout doucement avec des acteurs déjà très engagés, comme le Slip Français ou Birdeo. Nous sommes désormais dans un second temps avec des grandes entreprises qui ont préféré les sociétés à mission plutôt que de se contraindre, par exemple, avec l’agrément  ESUS », considère-t-elle

D’ailleurs, sur les 287 grandes entreprises que compte la France, 14 sont des sociétés à mission, soit 5 %. Elles sont donc désormais relativement bien présentes dans le mouvement après, il faut le dire, un démarrage diesel : « Certaines de ces entreprises ont voulu attendre pour voir l’évolution de ce dispositif, avoir les premiers retours d’expériences », considère Vivien Pertusot. Il faut s’attendre selon lui à voir davantages de grandes entreprises non cotées devenir sociétés à mission.

Le mouvement a également dépassé les frontières de la région parisienne : 57 % des structures sont désormais non-franciliennes contre 43 % en 2020.

 

Les entreprises sont-elles transformées en profondeur ?

Mais encore faut-il que cette qualité change réellement les entreprises de l’intérieur. Pour Caroline Renoux, fondatrice du cabinet de recrutement Birdeo, désormais société à mission, elle a un réel effet transformateur : « Je trouve que quand la transformation de l’entreprise est faite sérieusement, c’est très structurant. La raison d'être est une boussole qui permet de s'interroger en permanence sur le bon équilibre entre financier et objectifs extra-financiers. »

Mais toutes les entreprises ne se prêtent pas forcément correctement au jeu. KPMG vient de publier ce 23 mai une étude au sujet des sociétés à mission. 25 % des entreprises ont défini une raison d’être sans pour autant la relier directement à son cœur d’activité. La mission doit pourtant selon KPMG « traduire sa contribution sociétale à travers son activité. »

Pour Vivien Pertusot, cela vient d’une confusion qui a pourtant pignon sur rue. « Beaucoup d'entreprises estiment que la société à mission est l'étage ultime de la RSE. Or, il ne s’agit pas de la continuité d’une politique RSE. La mission doit être reliée à l’activité de l’entreprise, faire bouger le business, ce qui n’est pas toujours le cas de la RSE. » 

Selon lui, du chemin reste à faire puisqu’une majorité d'entreprises n’a pas encore saisi le côté profond de l’entreprise à mission.

Pour être société à mission, l’entreprise doit se doter d’objectifs sociaux ou environnementaux. Selon la même étude publiée par KPMG, seulement une sur deux a fixé une trajectoire au-delà du court terme pour au moins un de leurs objectifs opérationnels. Un pouvoir transformateur à relativiser.

 

Une mission prise à la légère

Vivien Pertusot constate également que certaines entreprises prennent cette évolution vers la société à mission trop à la légère : 

Comme c’est très simple de le devenir, certains ne réfléchissent pas à la profondeur de ce changement. Il y a donc une impréparation du jour d’après. Des entreprises deviennent sociétés à mission, mais une fois qu’elles le sont, le quotidien revient au galop et cela ne change pas grand-chose dans son activité. »

Mais cette facilité d’obtention présente également des avantages : « Cela permet aussi d’intégrer des entreprises qui n’y seraient jamais aller sans ce statut », juge Sophie Vannier. 

En effet, il n’y a pas de contrôle à priori pour devenir entreprise à mission, pas de conditions à remplir. La vérification est effectuée par un tiers-indépendant au bout de 18 mois pour les entreprises de plus de 50 salariés et 24 pour celles de moins de 50 salariés.

 

Une autorité « gendarme » pour légitimer ?

Mais cette obligation réglementaire est encore trop peu respectée. Selon l’étude de KPMG, 56 % des rapports étudiés ne comportent pas l’avis de l’organisme tiers indépendant chargé de la vérification. Pour l’instant, aucune autorité ne vérifie si une entreprise s’est faite auditer ou non. Pour le créateur de La Machine à sens, une autorité de contrôle devrait être créée pour faire respecter cette obligation.

 

Théo Nepipvoda

 

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