Les influenceurs engagés, nouveaux porte-voix des associations ?

L'influenceuse Alix DMX est la Bernadette Chirac 2.0. Comme l’ancienne première dame avec l’opération des Pièces jaunes, l’influenceuse au plus de deux millions d’abonnés sur Instagram a mis sa célébrité au profit de bonnes causes à plusieurs reprises.

En 2020, alors que l’épidémie du Covid paralyse la France, l'ancienne candidate de téléréalité, notamment des Marseillais, contacte le Secours populaire français dans l’optique de participer à l’effort collectif. La branche parisienne de l’association lui propose de venir en tant que bénévole lors d’opérations, notamment de réalisation de colis, et de partager ces missions sur ses réseaux sous forme de vidéos.

Un live avec le Secours populaire

Pour promouvoir l’association, Alix DMX a également organisé un live sur Instagram en avril 2020 durant lequel elle interviewe un bénévole et salarié du Secours populaire. Le but : faire connaître l’association auprès d’un public particulièrement jeune. Il n’y a qu’à voir les questions posées : peut-on devenir bénévole si l’on a moins de 18 ans ? Comment faire un don par SMS ?

Le ton employé durant le live peut en dérouter certains tant il est propre aux codes de l’influence. L'enchaînement sans transition sur l’annonce d’un jeu concours pour gagner des bons d’achat pour des vêtements surprend également. Mais au-delà de la forme, ce genre d’opération peut reconnecter les associations avec la jeunesse, parfois difficile à toucher.

Se faire connaître auprès des jeunes

Au Secours populaire, on se réjouit de ce genre d'opérations :

Les donateurs sont en général des séniors, nous avons donc un intérêt à être connus dans les tranches d'âge les plus jeunes. Pour les dons, mais également pour notre visibilité », indique Malika Tabti, secrétaire générale du Secours populaire.

Depuis, l’association a multiplié ce type d'opérations. « Dès que l’on répond à une situation d’urgence, nous créons des kits de communication que nous envoyons aux influenceurs », détaille Malika Tabti. Le Secours populaire n’est pas le seul : la SPA, Amnesty International, entre autres, ont déjà fait porter leurs causes par des influenceurs.

Que ce soit par un appel à l’action des influenceurs, une co-création de contenus ou une immersion dans la réalité, les associations disposent d’un canal privilégié pour toucher de nouvelles cibles. Et elles ont toutes en tête le fameux Z Event, événement qui a marqué un tournant dans ce lien entre influenceurs et monde associatif. 

Lancé en 2019, il réunit chaque année des streamers se filmant le temps d’un week-end dans le but d’inciter au don pour une association. En 2021, plus de 10 millions d’euros ont été récoltés pour Action contre la faim. La couverture médiatique est ici relativement importante pour un événement concernant des streamers.

Une campagne contre les violences faites aux femmes

L’agence Influence4you accompagne entre autres, depuis sa création il y a 10 ans, des associations dans la réalisation de campagnes d’influence. Elle a d’ailleurs réalisé un livre blanc à ce sujet. 

Fin 2021, l’agence a réalisé une campagne pour ONU Femmes. L’association souhaitait mettre en vente un bracelet réalisé par une créatrice dans le but de récolter des fonds qui serviront à prendre en charge des victimes de violence dans un centre spécialisé. 29 influenceurs ont alors été mobilisés, bénévolement, et ont posté des vidéos pour promouvoir le bracelet. Cette campagne a finalement permis de toucher plus de 5 millions de personnes sur tous les réseaux sociaux.

Stéphane Bouillet, fondateur d’Influence4you, est persuadé de l’intérêt pour une marque de faire appel à des influenceurs. « Les réseaux sociaux sont engageants par nature, c’est un avantage. Si les influenceurs vous parlent d’une association, vous allez pouvoir réagir », estime-t-il. L’effet boule de neige est donc permis.

Des messages personnifiés

Autre avantage des influenceurs, la personnification du message qui permet de toucher le cœur des spectateurs. « L’influenceur est quelqu’un de très proche de sa communauté contrairement à la publicité classique qui est plus froide. Il est donc redoutable, car les réseaux sociaux donnent un sentiment de proximité », analyse Stéphane Bouillet.

Fanny Benedetti, directrice exécutive d’ONU Femmes, a donc collaboré avec Influence4You pour promouvoir la vente de bracelets. Elle estime que « ces influenceuses et influenceurs s’emparent du message que l’on souhaite porter en adoptant les codes du public. Cela facilite la transmission du message. »

Le Secours Populaire a bien compris ce besoin de proximité. En 2021, l’association a fait témoigner deux personnalités influentes sur les réseaux sociaux à propos de leurs histoires personnelles : Jhon Rachid et Shera avec respectivement plus de 780 000 et d’1,5 million d’abonnés sur Instagram. Chacun d’eux a été bénéficiaire du Secours populaire étant enfants . Jhon Rachid raconte qu’il a pu partir chaque été en vacances, dans de ravissants endroits, grâce au Secours populaire. « C’est le plus beau souvenir de mon enfance », estime le comique dans cette vidéo à la réalisation léchée.

Des risques pour l’image d’une association

Existe-t-il des risques d’image pour les associations ? Pour Stéphane Bouillet, il est nécessaire de bien choisir ses relais : « Cela serait compliqué d’avoir un discours sur la pauvreté de la part d’un influenceur expatrié à Dubaï. » Exit donc les Nabilla ou consorts vantant les mérites des cryptomonnaies. Bonjour les influenceurs spécialisés sur ces questions comme Léa Camilleri identifiée à la cause environnementale ou Romy à la cause des animaux.

ONU Femmes tient également, de son côté, à choisir « des personnes connues pour leurs engagements et leur légitimité à porter leur cause », explique Fanny Benedetti. Et cela que ce soit pour l’opération du bracelet ou celle, plus ancienne, dont le but était de faire inscrire le féminicide dans la loi. À l’époque, des influenceuses avaient arrêté de publier pendant 24 heures sur leurs comptes Instagram en laissant un écran noir sur leurs comptes. Le message : nous faisons plus attention à la disparition d’un influenceur qu’à une femme qui meurt sous les coups de son conjoint.

La plupart des influenceurs réalisent ce type d’action bénévolement. Un avantage pour les associations dont le budget est souvent extrêmement limité. Une gratuité qui devrait durer : « les influenceurs sont des êtres humains et ils ont besoin de montrer cette part d’humanité », explique Stéphane Bouisset. « Ils ont besoin de montrer qu’ils peuvent aussi changer le monde en bien. »

Théo Nepipvoda