Les véhicules intermédiaires : moyen de transport du futur ?
Légers, sobres et plus durables, les véhicules intermédiaires pourraient devenir des alliés précieux de la transition écologique, selon leurs promoteurs. Leur développement fait néanmoins face à certaines dérives qui pose la question de leurs usages.
Il est huit heures du matin. Votre petit-déjeuner avalé, vous sautez dans votre vélo augmenté à quatre roues pour vous rendre au travail. Cette mise en situation vous semble inhabituelle ? Elle pourrait pourtant rendre vos trajets du quotidien plus vertueux.
Plus léger qu’une voiture et plus sophistiqué qu’un vélo, le « véhicule intermédiaire » commence à faire son chemin dans la tête de ceux qui pensent la mobilité de demain. Le terme désigne n’importe quel moyen de transport innovant, situé entre les deux véhicules de référence que sont la voiture et le vélo, avec un poids maximum de 600 kilos.
De la bicyclette améliorée à la mini-voiturette fonctionnant à pédales ou à assistance électrique, les véhicules intermédiaires sont multiples et présentent de nombreux atouts. Parmi eux, celui d’être moins coûteux et plus sobres en énergie que la voiture, tout en étant plus susceptibles de la remplacer sur des longs trajets du quotidien ou comprenant du transport de matériels ou de personnes.
Pourtant si certains modèles se sont largement démocratisés, comme le vélo à assistance électrique ou le vélo cargo, le déploiement de la majorité d’entre eux est pour le moment encore confidentiel.
Pour être vraiment écologique, la question de l’usage
« Depuis les débuts de l’automobile, il y a des tentatives de véhicules hybrides, protégés des intempéries grâce à un toit et qui fonctionnent avec un pédalage par exemple. Mais ils ne sont pas arrivés dans un environnement suffisamment favorable pour se développer. Toute la place a été prise par la voiture », raconte Aurélien Bigo, chercheur associé à la chaire Énergie et prospérité et spécialisé dans la transition énergétique des transports.
Aujourd’hui les volumes de production des véhicules intermédiaires sont encore faibles, rapporte-t-il. Face aux enjeux climatiques, le secteur connaît toutefois une nouvelle dynamique, portée notamment grâce à des programmes publics.
Le plan d’investissement France 2030 qui « doit permettre de rattraper le retard industriel français », selon le gouvernement, consacre ainsi 15 millions d’euros au développement des véhicules intermédiaires via un appel à projets porté par l’Ademe. Une manière de préparer l’interdiction de la vente de voitures neuves à moteur thermique dans l’Union européenne, prévue pour 2035.
Si on veut que les véhicules intermédiaires soient pertinents pour la transition, il faut qu’ils soient développés en remplacement de la voiture là où il y a une forte dépendance, et non en addition.
Pour le scientifique, passé par la SNCF et l’Ademe, les véhicules intermédiaires représentent une réelle opportunité pour rendre les transports quotidiens plus respectueux de l’environnement. À condition de bien penser leur utilisation.
« Si on veut que les véhicules intermédiaires soient pertinents pour la transition, il faut qu’ils soient développés en remplacement de la voiture là où il y a une forte dépendance, et non en addition », argumente-t-il. À l’heure actuelle, neuf automobilistes sur dix circulent seuls dans des véhicules de plus d’une tonne et pour des trajets inférieurs à 15 kilomètres. « Une inefficacité énergivore », estime Aurélien Bigo, qui pourrait être suppléée par des véhicules plus légers.
Pour être vraiment écologiques, les véhicules intermédiaires devraient ainsi être développés en priorité dans les zones rurales ou péri-urbaines, là où les alternatives comme la marche, le vélo ou les transports en commun sont difficilement adoptables.
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les "sans p" OU LA Dérive des voitures sans permis
Mais les lois du commerce ne semblent pas porter pour le moment le développement des véhicules légers dans une telle direction.
Pouvant être conduite sans permis à partir de 14 ans, la voiture électrique Citroën Ami, disponible à la vente à partir de 7 990 euros (hors bonus écologique de 900 euros), connaît par exemple un véritable succès chez les lycéens des classes sociales aisées. Les « sans P », comme les surnomment leurs jeunes utilisateurs, sont devenus un nouvel accessoire de mode de la jeunesse dorée.
« Les constructeurs visent des populations jeunes car cela permet d’habituer à la voiture les adolescents, qui sont des futurs consommateurs », analyse Aurélien Bigo.
Le véhicule de 485 kilos fait partie des véhicules intermédiaires les moins sobres d’un point de vue énergétique et ne fait appel à aucun effort de la part de l’usager, comme cela peut être le cas pour un véhicule à pédale. « Alors que toute la population et notamment les jeunes manquent de mobilité », relève le chercheur.
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Parmi les enjeux liés à son développement au sein de l’ensemble de la population, la question du coût des véhicules intermédiaires est l’un des points saillants.
À l’usage, ils sont moins coûteux que la voiture. Mais leur coût d’achat, s’il est inférieur à celui des voitures neuves, reste peu compétitif face aux véhicules d’occasion. Pour Aurélien Bigo, l’un des enjeux est de réussir à faire passer les véhicules intermédiaires à une échelle de production plus importante pour les rendre plus accessibles. « Un dispositif comme le leasing social qui est mis en place pour la voiture électrique aurait toute sa pertinence pour favoriser chez les ménages dépendants à la voiture une mobilité active et moins coûteuse », met-il également en avant.
Parmi les inconnus, la sécurité et le partage de la voirie
D’une manière générale, le développement des véhicules intermédiaires ne pourra pas se passer d’un soutien des politiques publiques, argumente Aurélien Bigo. Parmi les questions qui restent en suspens, se trouve en outre celle de la sécurité des usagers de véhicules intermédiaires et celle de leur cohabitation avec les voitures classiques et les vélos.
Certains d’entre eux, assistés par exemple jusqu’à 45 kilomètre/heure, sont trop imposants et trop rapides pour circuler sans déranger sur les pistes cyclables, tout en étant particulièrement vulnérables sur les routes.
« La sécurité est un grand questionnement qui mérite un débat avec les acteurs de la mobilité », analyse Aurélien Bigo.
Coût, sécurité, partage de la voirie... Tous ces questionnements font partie des critères intégrés dans les expérimentations mises en place. Dans le cadre de l’appel à projets porté par l’Ademe, intitulé « eXtrême Défi Mobilité », plus d’une quarantaine d’équipes se sont ainsi constituées pour présenter des véhicules ou des composants innovants et faits en France. Parmi eux, des véhicules intermédiaires bientôt démocratisés sur nos routes ? Avant leur déploiement à grande échelle, « il reste énormément d’étapes », estime Aurélien Bigo.
Élisabeth Crépin-Leblond