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Par Carenews INFO - Publié le 9 novembre 2023 - 12:04 - Mise à jour le 15 novembre 2023 - 11:43 - Ecrit par : Célia Szymczak
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Location d’objets du quotidien : pourquoi les Français préfèrent-ils encore acheter ?

Des services de location d’objets de la vie courante proposés par des marques classiques et des startups se multiplient. Pourtant, ils ne fournissent pas encore une véritable alternative à la surconsommation. Décryptage.

De plus en plus d'objets sont disponibles à la location plutôt qu'à l'achat. Crédits : iStock.
De plus en plus d'objets sont disponibles à la location plutôt qu'à l'achat. Crédits : iStock.

 

Charlotte, 23 ans, loue des articles de sport et de loisirs cinq ou six fois par an. Dernier en date : une paire de gants qui lui a permis d’essayer la boxe. « Quand je veux me lancer dans une nouvelle activité, je préfère souvent louer du matériel pour être sûre que ça me plaise ! », précise-t-elle. Son objectif : « éviter l’achat inutile qui pourrait traîner dans mes tiroirs et ne servir que deux fois ». 

De plus en plus de marques se lancent dans la location d’objets de la vie courante : des meubles aux robes de soirée, en passant par les jouets. Des pratiques qui relèvent de l’économie de la fonctionnalité, un modèle qui consiste à s’intéresser à l’usage des produits plutôt qu’à leur possession. Une manière de répondre aux préoccupations écologiques croissantes des consommateurs

 

Une motivation plus économique qu’écologique

Pas forcément, répond Dominique Carry, enseignante-chercheure au Cerege Poitiers et spécialiste du comportement des consommateurs. Les personnes qui louent « parce qu’elles sont engagées dans une consommation frugale, sobre et ne veulent pas accéder à la propriété ne sont pas si nombreuses que ça », estime-t-elle. La motivation principale des loueurs est plutôt économique. « Pourquoi achèterait-on une perceuse à 150 euros pour visser deux vis ? », illustre la chercheure. 

Parfois, la location renforce même l’accès à la propriété. Grâce aux dispositifs de location avec option d’achat, ou leasing, un loueur peut acquérir un bien après s’en être servi plusieurs mois. Rien à voir, donc, avec un arrêt des achats. Charlotte, d’ailleurs, a finalement acquis sa propre paire de gants de boxe, après s’être assurée qu’elle aimait cette activité. 

 

Un impact écologique conditionnel 

Parfois, la location crée de nouveaux désirs de consommation. C’est ce que les chercheurs appellent « l’effet rebond » : des personnes louent des objets qu’elles n’auraient pas utilisés si elles avaient dû les acheter. Une « catastrophe d’un point de vue environnemental », selon Yann Lemoine, qui propose un service de location d'équipements du quotidien avec son entreprise Les Biens en Commun. Les articles sont entreposés dans des casiers connectés disposés au rez-de-chaussé de bâtiments. Moyennant un euro par heure, les habitants peuvent réserver sur une application un article, puis l’utiliser librement. L’effet rebond est l’une des préoccupations principales de Yann Lemoine. Parmi les produits qu’il propose, on trouve des vidéoprojecteurs ou des appareils à crêpes. Les loueurs les auraient-ils vraiment achetés sans cette mise à disposition ? 

Et puis un bien dont l’usage est partagé est utilisé plus souvent. Il s’use donc plus vite, ce qui peut nécessiter un remplacement plus fréquent. 

 

Une pratique finalement peu répandue

De toute façon, seules 17 % des personnes interrogées en 2019 par l’association Zéro Waste France et l’Institut national de la consommation répondent qu’elles ont déjà loué un article pour éviter d’effectuer un achat neuf. C’est beaucoup moins que celles qui ont réalisé des achats d’occasion (94 %), renoncé à l’achat (88 %), ou réparé le bien (66 %).

La location d’objets reste donc marginale. Avant de lancer son entreprise, Yann Lemoine a réalisé un test auprès de 500 personnes. En théorie, elles se montraient presque unanimement intéressées : 97 % d’entre-elles déclaraient que si un tel dispositif de location existait, elles l’utiliseraient. Dans les résidences étudiantes, où il est actuellement installé, le taux d’utilisation oscille pour l’instant entre 20 et 25 %.

 

Modèle de consommation de masse 

Mais alors, pourquoi la location ne fonctionne-t-elle pas autant que l’on pourrait l’espérer ? Les consommateurs sont réticents à la location à cause de la sensation de ne pas pouvoir profiter pleinement d’un bien sans le posséder vraiment, constate Dominique Carry. « Tant que nous n’avons pas changé le modèle de consommation de masse, ce qui est un programme politique et un changement complet de paradigme, il ne faut pas s’attendre à ce que les gens renoncent à consommer », ajoute Yann Lemoine. 

Tant que nous n’avons pas changé le modèle de consommation de masse, ce qui est un programme politique et un changement complet de paradigme, il ne faut pas s’attendre à ce que les gens renoncent à consommer.

Yann Lemoine, fondateur de l'entreprise Les Biens en Commun. 

Dans le contexte actuel, il faut donc que les dispositifs de location apportent « les mêmes avantages que la propriété », considère le fondateur des  Biens en Commun. Il en a listé quatre : la disponibilité permanente des objets, la proximité des objets, l’autonomie d’utilisation, et l’assurance que le produit fonctionne bien. 

 

Des réticences persistent 

Quant aux « quelques retours négatifs ou sceptiques » que Yann Lemoine a reçus avant de lancer son service, ils portaient sur « le risque de vol ou de dégradation ». Mais il rassure : « on a dépassé les 2 000 locations, et nous n’avons eu aucun problème de ce type ». Par ailleurs, pour des biens coûteux, une crainte de devoir financer les réparations persiste, explique Dominique Carry. 

Mais la spécialiste constate toutefois que les réserves, quelles qu’elles soient, ont diminué depuis une dizaine d'années. Celles liées à l’hygiène s’amenuisent. Dominique Carry observe aussi un changement générationnel. Les plus jeunes sont selon elle moins réticents à la location, influençant leurs aînés. « Nous nous sommes rendu compte que nous étions moins montrés du doigt lorsque nous louons au lieu d’acheter, que nous pouvions paraître sans avoir », conclut-elle.

 

Célia Szymczak 

 

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