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Par Carenews INFO - Publié le 6 novembre 2025 - 15:02 - Mise à jour le 6 novembre 2025 - 18:40 - Ecrit par : Elisabeth Crépin-Leblond
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Mer de liens, une structure pour accompagner de nouveaux marins-pêcheurs vers des pratiques durables

L’association Pleine mer a créée Mer de liens, une société dont l’objectif est d’accompagner l’installation de nouveaux marins-pêcheurs désireux de se tourner vers des pratiques de pêche durable. Pour répondre aux difficultés rencontrées dans la transition écologique et sociale du secteur, la société prévoit de faire appel à l’investissement citoyen.

En dix ans, la pêche française a perdu 26 % de ses membres, a calculé Margot Le Fur. Crédit : iStock / oceane2508
En dix ans, la pêche française a perdu 26 % de ses membres, a calculé Margot Le Fur. Crédit : iStock / oceane2508

 

Face aux pratiques intensives qui déstabilisent nos océans et soulèvent de nombreux problèmes sociaux, comment permettre de s’installer à de jeunes pêcheurs désireux de mettre en place des pratiques durables ?  

C’est le défi, que s’est lancé l’association Pleine mer, militant pour une transition durable du secteur de la pêche, en créant la structure Mer de liens. Elle est inspirée de la foncière agricole Terre de liens, dont l’objectif est de lutter contre l’accaparement des terres agricoles et de soutenir l’installation d’exploitants en agroécologie.  

  

Répondre à la concentration des quotas de pêche 

  

Dans le secteur de la pêche, un des freins majeurs à l’installation réside dans la répartition des quotas. Ces « taux autorisés de capture » sont établis au niveau européen avant d'être redistribués entre les marins-pêcheurs à l'échelle nationale. « Le problème est qu’en France, la répartition des quotas est basée sur l’antériorité de capture, c’est-à-dire que plus un bateau a pêché une espèce auparavant, plus il obtiendra de quotas »explique Margot Le Fur, chargé de projet au sein de Pleine mer.  

Répartis sans critères environnementaux, les quotas sont ensuite revendus avec les bateaux, faisant grimper artificiellement le coût de certains bâtiments déjà anciens et rendant plus difficile une nouvelle installation. « Ce mécanisme engendre de la spéculation qui n’était pas prévue normalement. Les vieux bateaux sont rachetés par de grosses entreprises industrielles qui transfèrent ensuite les quotas. Nous nous retrouvons dans une situation où la pêche industrielle a les moyens d’accaparer les droits de pêche », dénonce Margot Le Fur.  

 


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Pourtant, l’article 17 du règlement de la politique commune des pêches (PCP) de l’Union européenne impose dans la répartition nationale des quotas l’utilisation de critères objectifs et transparents, « y compris les critères à caractère environnemental, social et économique ». Pour Pleine mer et d’autres acteurs, cette obligation n’est pas respectée au niveau français. En 2023, avec l’association Bloom, les Ligneurs de la pointe de Bretagne, la Plateforme de la petite pêche et un pêcheur adhérant à l’Organisation des pêcheurs normands, l’association a saisi la justice pour demander l’annulation de l’arrêté répartissant les quotas de pêche et exiger davantage de transparence. Une demande rejetée en septembre 2025 par le tribunal administratif de Paris, qui a estimé que la répartition des quotas de pêche accordés à la France « ne doit pas nécessairement intégrer un critère environnemental ». 

La situation est cependant d’autant plus préoccupante que la pêche française connaît un déclin de ses effectifs, au détriment de la petite pêche. Alors que la France représente le cinquième marché mondial du poisson, avec plus 33 kilos consommés par an et par habitant en 2021 selon FranceAgriMer, la profession a perdu 26 % de ses membres en dix ans, estime Margot Le Fur d’après les chiffres de l’établissement nationale des produits de l’agriculture et de la mer. En 25 ans, un tiers des bateaux de moins de 12 mètres français ont également disparu. 

  

Investissement citoyen et fonctionnement  

  

Pour lutter contre ces mécanismes, Mer de liens mise sur l'investissement citoyen. Son objectif est d’acquérir des bateaux ainsi que leurs quotas grâce à des levée de fonds participatives et afin de permettre à des « pêcheur-artisans » de créer leur activité.  

Concrètement, la structure, dont les statuts sont en cours de validation, prendra la forme d’une société en commandite par actions. Elle prévoit de créer une société avec chaque marin-pêcheur en cours d’installation, selon le principe de fonctionnement un bateau = une société. « L’idée est que Mer de liens ne vendra jamais 100 % de ses parts d’une société pour ne pas remettre le bateau et ses quotas sur le marché de la spéculation », met en avant Margot Le Fur.  

« Un tel système n’a jamais été mis en place dans le secteur de la pêche. Cela a demandé un accompagnement juridique important pour être sûr que la philosophie du projet soit toujours respectée par les sociétés de pêche », partage-t-elle. Des clauses visant à empêcher la vente des parts à des entreprises de pêche industrielles ainsi que des critères d’évaluation sociaux, économiques et environnementaux seront par exemple prévues. « Ce sont des garanties nécessaires aussi pour les citoyens vis-à-vis du projet porté », appuie-t-elle. À la fin de l’année 2026, à la suite de sa première clôture de compte, Mer de liens prévoit également de demander l’agrément entreprise solidaire d’utilité sociale (Esus). 

 

Le but est de favoriser des méthodes de pêche qui ont le moins d’impact environnemental sur la ressource et la biodiversité et qui maximise les impacts sociaux et économiques positifs ». Margot Le Fur.

  

Des bateaux polyvalents 

  

Concernant la durabilité des pratiques soutenues, celle-ci sera entendue « au sens large », explique Margot Le Fur. « Le but est de favoriser des méthodes de pêche qui ont le moins d’impact environnemental sur la ressource et la biodiversité et qui maximise les impacts sociaux et économiques positifs ». Par exemple, un bateau qui revient quotidiennement ou tous les deux jours au port contribue à la vie économique d’un territoire et génère davantage d’emplois par rapport à la quantité de poissons pêchés, met-elle en avant. 

Un cahier des charges de la pêche durable sera également élaboré dans les prochains mois, tandis qu’un comité, composé de marins pêcheurs et de scientifiques et de « toutes personnes qui nous paraîtront nécessaires », sera également chargé de rendre un avis sur les projets candidats. 

 


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« Notre enjeu global est d’installer des bateaux les plus polyvalents possiblespar exemple avec des petits filets et des casiers. Cela permet au marin-pêcheur de s’adapter et de diversifier les ressources ciblées », détaille Margot Le Fur. Tout en excluant « les navires-usines », aucun critère de limitation de la taille des bateaux ne sera en revanche fixé, à la fois pour permettre le développement d’une pêche durable au large, « un des grands enjeux », mais aussi pour favoriser l’installation de femmes marins-pêcheurs. « Si un bateau un peu plus grand permet d’installer des toilettes à bord, nous n’allons pas nous en empêcher », met en avant la chargée de projet.  

  

Une première installation en 2026 

  

La structure fraîchement créée s’apprête à lancer sa première levée de fonds citoyenne. Elle espère acquérir son premier navire durant l’hiver 2026. « L’objectif est de collecter 500 000 € dans un premier temps puis de monter à 1 million d’ici à juin 2026 », présente Margot Le Fur. Avec cette dernière somme, deux ou trois bateaux pourront être acquis au cours de l’année.  

Pour l’instant, « l’intérêt de la profession est certain. L’idée d’accompagner des jeunes à s’installer leur parle beaucoup », témoigne-t-elle. La jeune société compte aujourd’hui deux salariés, dont un responsable transmission et entreprise de pêche, dont le rôle est de repérer les pêcheurs qui souhaitent s’installer et de faire connaître le projet.  

Pour la suite, « ce n’est pas la quantité qui comptera mais plutôt la qualité », affirme Margot Le Fur. Dans un secteur où les questions environnementales suscitent de vifs débats, « nous savons que nous avons intérêt à réussir la première installation. Nous sommes regardés par les marins-pêcheurs », reconnaît-elle.   

 

Élisabeth Crépin-Leblond 

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