Mobil’Sport, ce gymnase itinérant qui déplace le sport vers les populations rurales
Des éducateur·rice·s sportif·ve·s conduisent des camions Mobil’Sport dans les territoires ruraux de 17 départements pour proposer des activités sportives aux populations. La Fédération Nationale du Sport en Milieu Rural porte l'initiative, déclinée localement.
« S’il n’y a pas d’infrastructures et pas d’encadrement sportif pour les populations, si les populations ne veulent pas se déplacer vers le sport, nous allons déplacer le sport vers les populations. » C’est avec cette conviction que Johann Behr lance Mobil’Sport en Ardèche en 2015 pour le comité local de la Fédération Nationale du Sport en Milieu Rural (FNSMR).
Le concept ? Un éducateur ou une éducatrice sportif·ve se rend chaque semaine dans des villages ruraux au volant d’un camion. Il·elle amène dans son coffre des équipements destinés à réaliser des séances de tennis, de football ou encore de gymnastique. Ainsi, les habitant·e·s des villages ruraux peuvent bénéficier d’activités conviviales et adaptées à leurs capacités physiques.
Animer les « déserts sportifs »
En 2015, le Conseil départemental de l’Ardèche s’adresse au comité local de la FNSMR pour comprendre pourquoi « il n’y a pas de pratiques sportives dans les statistiques », raconte Johann Behr. Le comité mène un diagnostic territorial de six mois auprès des habitant·e·s. Conclusion : ils·elles feraient du sport s’ils en avaient la possibilité, mais les 30 à 45 minutes de voiture qui les séparent du club le plus proche les en découragent.
Mobil’sport naît alors. Comme les bibliobus apportent des bibliothèques dans les villages, des camions deviendront des gymnases itinérants. En Ardèche, l'initiative est un succès : Johann Behr met donc en place une stratégie d’essaimage pour la FNSMR. Il accompagne d’autres comités locaux dans le lancement de leur propre dispositif, adapté au territoire.
Stratégie d’essaimage
17 animateur·rice·s roulent aujourd’hui dans les espaces ruraux. Il y en aura sept de plus en 2024, à condition de trouver des financements publics et privés pour pérenniser le dispositif. En effet, les participant·e·s ne paient pas le coût de déplacement du camion pour éviter de faire peser une « double peine » sur les habitant·e·s des zones rurales. Ils·elles s’acquittent de trois à quatre euros par séance, comme si un club existait dans leur village.
Comment les villages d’intervention sont-ils sélectionnés ? « Notre but, c’est de combler un manque » explique Johann Behr. Un village, avec une offre associative et sportive très réduite ou nulle, situé à plus de cinq ou sept kilomètres d’un pôle urbain, sera considéré pertinent. Ces espaces sont des vrais « déserts sportifs », sans pratiques sportives collectives, régulières et encadrées.
Publics variés
Ce sont souvent les mairies qui s’adressent à la FNSMR et font appel aux camions.
« Dans ces villages reculés, vous avez soit des seniors, soit des enfants à l’école », explique Johann Bher. C’est donc à ces deux publics que les activités s’adressent en priorité. La journée, les actif·ve·s travaillent souvent dans des centres-bourgs situés à une trentaine de minutes en voiture.
À la rentrée de 2014, les écoles doivent mettre en place des « temps d’activités périscolaires », destinés à des activités culturelles, sportives ou artistiques. Un casse-tête pour les villages ruraux, Mobil’Sport tombe à pic. « On a complètement oublié que quand vous habitez dans un grand centre urbain, il est facile de trouver une association culturelle ou sportive qui peut proposer une activité pour les jeunes. Dans des villages où il n’y a rien, des parents bénévoles faisaient de la garderie aux enfants », relate Johann Behr.
Depuis l'assouplissement de la réforme en 2017, les camions se rendent toujours dans des écoles, en particulier dans les classes uniques. Celles-ci regroupent des niveaux hétérogènes : des petites sections et des CP, ou tous les niveaux à partir du CE1 et jusqu’au CM2. Comme la pratique sportive « n’est pas forcément » la spécialité de l'instituteur ou de l’institutrice, les éducateur·rice·s leurs apportent leur expertise et du matériel. Ils·elles sont souvent diplômé.e.s d’une licence ou d’un master STAPS généralistes, en activités physiques adaptées (APA).
« Depuis la sortie de l’épidémie de Covid-19, nous avons énormément de demandes de crèches et de relais de petite enfance », souligne aussi Johann Behr. En effet, les activités qui sont destinées aux tou·te·s petit·e·s sont encore plus rares que celles ouvertes aux plus grand·e·s. Mobil’Sport répond à cette problématique.
Avantages multiples
Les éducateur·rice·s observent des bienfaits sociaux pour les participant·e·s. « Contrairement à l’image d’Épinal qu’on peut avoir, dans les villages, tout le monde se connaît, mais tout le monde ne se fréquente pas », observe Johann Behr. Les éducateur·rice·s prévoient donc un échauffement au cours duquel les participants peuvent échanger. « Sur une heure et demie, on a une demi-heure de social », calcule le chargé de mission. Ces moments de convivialité participent beaucoup à la réussite de Mobil’Sport.
Les bienfaits portent aussi sur la santé. En effet, Johann Behr rappelle que l'espérance de vie est plus réduite dans les zones rurales que dans les villes, « alors qu’on a toujours pensé l’inverse : on respire un bon air pur, on est bien, on a moins de stress. Mais nos seniors ne sont pas soignés et ne peuvent pas faire d’activités physiques » déplore-t-il.
Célia Szymczak 
