Nouveau gouvernement : les dossiers législatifs qui pourraient être remis sur la table
La dissolution de l’Assemblée nationale survenue le 9 juin avait brutalement interrompu les chantiers législatifs en cours. La rédaction passe en revue les dossiers qui pourraient revenir sur le devant de la scène suite à la constitution du nouveau gouvernement.
Lorsqu’Emmanuel Macron décide de dissoudre l’Assemblée nationale le 9 juin, c’est la sidération pour la majorité des Français. L’émotion suscitée par l’application de l’article 12 de la Constitution est grandement partagée par les parlementaires et acteurs à l’initiative de divers travaux législatifs, qui ont alors été suspendus. Avec la constitution d’un nouveau gouvernement, la pause parlementaire prend fin. Carenews fait le point sur cinq dossiers législatifs importants qui pourraient être remis sur l'établi dans les prochaines semaines.
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Commission d’enquête sur les manquements des politiques de protection de l’enfance
Une commission d’enquête dont la finalité est de pointer les responsabilités à l’origine des manquements de l’aide sociale à l’enfance se constitue le 9 avril 2024. Sa présidence revient à Laure Miller, alors députée Renaissance de la Marne et c’est à Isabelle Santiago, députée socialiste du Val-de-Marne que revient la fonction de rapporteure.
Le rôle initial de cette commission d’enquête est d’identifier les défaillances de gestion des politiques de l’aide sociale à l’enfance ayant mené aux dysfonctionnements du dispositif. Une réponse législative, réglementaire et budgétaire devait être l’aboutissement du travail en cours.
Depuis plusieurs années, les professionnels et les associations alertent sur l’accroissement des sous-effectifs et le manque de moyens qui accablent l’aide sociale à l’enfance. Ils dénoncent des situations pouvant mettre en danger les mineurs dont ils ont la charge, alors qu’ils sont déjà fragilisés par un environnement familial dysfonctionnel. Fin 2020, 196 014 enfants bénéficiaient de l’aide sociale à l’enfance (ASE).
Plusieurs drames, dont la mort de Lily survenue le 25 janvier 2024, avaient malencontreusement remis en lumière la précarisation du secteur. La jeune fille de 15 ans s’était donnée la mort alors qu’elle séjournait dans une structure hôtelière de l’ASE située dans la banlieue de Clermont-Ferrand.
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- Commission d’enquête sur les violences sexistes et sexuelles dans le cinéma
La prise de parole de Judith Godrèche sur les violences sexuelles dans le milieu du cinéma avait eu pour réponse politique la création d’une commission d’enquête parlementaire. Une proposition de résolution adoptée le 2 mai 2024 avait posé ses contours en la dédiant aux violences commises dans les secteurs du cinéma, de l’audiovisuel, du spectacle vivant, de la mode et de la publicité.
La commission présidée par Erwan Balanant (parti démocrate, Finistère) et dont Francesca Pasquini (parti écologique-Nupes, Hauts-de-Seine) assurait la fonction de rapporteure, devait établir un constat sur la situation des mineurs et majeurs baignant dans ces milieux.
Il s’agissait d’« identifier les mécanismes et les défaillances qui permettent ces éventuels abus et violences », pour enfin « établir les responsabilités de chaque acteur en la matière » afin d’émettre des recommandations pour que le législateur puisse agir.
- Loi anti fast-fashion
Autre dossier législatif en cours : la loi anti fast-fashion visant à lutter contre la mode dite « éphémère ». La proposition de loi déposée le 13 février par le député Les Républicains Antoine Vermorel cherche à renforcer le malus écologique et à interdire la publicité sur la fast fashion. Pour le moment, le texte n’a été adopté par l’Assemblée nationale qu’en première lecture.
L’idée est d’attribuer un malus de cinq euros aux vêtements issus de marques dont les conditions de production s’apparentent à ceux de la « fast fashion ». Ce mode de production accéléré et dénué de considération sociale et environnementale faisait déjà l’objet d’un malus de quelques centimes prévu par la loi Anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec). Cette nouvelle loi a vocation à élargir et démocratiser ce malus.
L’autre grand versant concerne l’interdiction de la publicité pour ce type de produit. Cette prohibition engloberait bien entendu les entreprises, les enseignes ou marques de mode éphémère mais aussi les influenceurs commerciaux. En cas de non-respect, le texte prévoit des amendes pouvant atteindre 20 000 euros pour les personnes physiques et 100 000 euros pour les personnes morales.
- Projet de loi relatif à l'accompagnement des malades et de la fin de vie
Le sujet brûlant de l’accompagnement des malades et de la fin de vie a fait l’objet d’une Convention citoyenne sur la fin de vie, qui a estimé que le cadre législatif actuel était insuffisant. Afin de répondre à ce constat, un projet de loi a vu le jour.
Présenté par Catherine Vautrin, alors ministre du Travail, de la Santé et de la Solidarité, le texte est adopté en conseil des ministres le 10 avril. Son examen en première lecture par les députés s’est vu suspendu en raison de la dissolution.
Le projet de loi envisage d’apporter des éclairages sur l’aide à mourir en admettant la possibilité de mettre à disposition d’une personne qui le demande une substance létale. Cette personne pourrait procéder à son administration ou demander à une tierce personne de s’y atteler en cas d’incapacité. Parmi les conditions figurent la nécessité d’être atteint d’une « maladie grave et incurable avec un pronostic vital engagé à court ou à moyen terme » et « souffrir d’une affection impossible à soulager ». Et c’est là que le bât blesse car la Commission spéciale de l’Assemblée nationale avait modifié les conditions à remplir pour accéder à cette aide à mourir avant l’examen de la loi le 27 mai. Avoir « un pronostic vital engagé à court ou moyen terme » avait été remplacé par la nécessité d’avoir une affection « en phase avancée ou terminale ». Conséquence : le catalogue des gens éligibles serait bien plus large, ce qui avait provoqué de fortes polémiques.
La notion de « soins palliatifs » est aussi remaniée dans la mesure où la volonté affichée est de l’englober dans l’expression « soins d’accompagnement ». Les rédacteurs de la loi estiment que ces soins couvrent un panel plus large que les soins palliatifs comprenant notamment l’accompagnement psychosocial ou la prise en charge nutritionnelle.
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- Projet de loi d’orientation pour la souveraineté en matière alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture
Transmis au Sénat le 24 avril, le projet de loi d’orientation agricole a pour objectif de définir les grandes lignées de la politique agricole en France pour les dix à quinze années à venir.
Le nombre d’agriculteurs qui ne cessent de diminuer fait partie des défis auxquels souhaite répondre le projet de loi. Le paysage agricole français comptait 1,6 million d’agriculteurs et d’agricultrices en 1970. En 2020, ils étaient à peine 500 000. Pour ce faire, les rédacteurs du projet de loi prévoient la création d’un répertoire unique départemental afin de faciliter le dialogue entre cédants et repreneurs ainsi que le suivi des installations et des transmissions.
Pour faire face à la crise du secteur, l’importance de l’éducation est mise en exergue. Cela passe notamment par la création d’un programme national d’orientation et de découverte des métiers agricoles destiné aux écoliers ainsi que la création d’un « Bachelor Agro » (bac +3) avec l’optique qu’il devienne la référence en matière de formation agricole.
D’autre part, certaines associations écologistes avaient estimé que des mesures ne prenaient pas suffisamment en compte les considérations environnementales. Cela inclut notamment la volonté de simplifier les règles applicables à la gestion des haies ou d’encore faciliter l’approvisionnement en eau en faisant intervenir les départements.
Léanna Voegeli