Patrick Baudouin, Elisabeth Borne, le Défenseur des droits… de nombreuses réactions associatives et institutionnelles déferlent sur la LDH
Première ministre, institutions indépendantes nationales, associations et président de la LDH : les propos tenus le 5 avril par le ministre de l’Intérieur ont suscité de nombreuses réactions. Retour sur les débats.
Les propos de Gérald Darmanin au sujet de la Ligue des droits de l’homme (LDH) lors d’une audition au Sénat le 5 avril dernier ont entraîné de nombreuses réactions. Le ministre de l’Intérieur a estimé que le montant des subventions accordées par l’État à l’association « mérite d’être regardé dans le cadre des actions qu’ils ont pu mener. » Retour sur plusieurs jours de débats.
Elisabeth Borne renchérit
Lors de la séance de questions d’actualité des sénateurs au gouvernement du 12 avril, l’élue communiste Éliane Assassi a interrogé la Première ministre et lui a demandé « d'affirmer, sans ambiguïté, qu'aucune menace ne pèse » sur la LDH.
Élisabeth Borne a d’abord reconnu que la LDH « joue son rôle en observant, en critiquant et en exigeant des réponses des acteurs publics. » « Lorsque l'État est mis en cause, nous écoutons et nous le prenons en compte. Je souhaite, comme tous les membres du gouvernement, que les associations de soutien aux droits de l'homme poursuivent leur action de vigie, d'ailleurs largement financée par l'État et les collectivités », a-t-elle ajouté, en estimant qu’il « n'est donc pas question de baisser par principe la subvention de telle ou telle association. »
Elle a toutefois exprimé une « incompréhension » vis-à-vis de « certaines de ses prises de position », mentionnant des « ambiguïtés face à l’islamisme radical » dans lesquelles la LDH se serait « confortée depuis quelques mois. ». Elle a aussi regretté que l’association ait « attaqué un arrêté interdisant le transport d’armes par destination à Sainte-Soline. » Enfin, elle a estimé que « Cette incompréhension est partagée par de nombreux acteurs associatifs » citant le président de la Licra qui « a dénoncé les défaillances et les dérives de la Ligue des droits de l’homme. »
La Licra et la CNCDH en contradiction
En effet, Mario Stasi, président de l’association de lutte contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), a regretté dans une lettre adressée au président de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) le 11 avril « une dérive supplémentaire » de la LDH dans son action à Sainte-Soline . Selon lui, elle a laissé croire « à une accusation mensongère en parlant d’ « entraves » par les forces de l’ordre à l’intervention des secours auprès des manifestants. »
Mario Stasi répondait à une autre lettre, adressée cette fois-ci à la Première ministre par la CNCDH le 7 avril. Son président Jean-Marie Burguburu y défend la LDH. Il regrette une « tendance devenue systématique dans la rhétorique du ministre de l’Intérieur à dénigrer les défenseurs des droits humains et les organisations de la société civile » et lui demande de « bien vouloir clarifier la position de votre gouvernement au regard de l’action des associations de défense des droits humains. »
Des associations soutiennent la LDH
D’autres associations ont soutenu la LDH. Emmaüs France exprime dans un tweet « tout son soutien » à l’association. La Fondation Danielle Mitterrand, Oxfam, SOS Racisme, Alternatiba, Amnesty International France ou Greenpeace France, entre autres, ont fait de même. Une tribune, publiée le 11 avril dans le journal l’Humanité et signée par 21 000 personnes, défend l’association et ses subventions. Parmi celles-ci, des élus, mais aussi la présidente d’honneur du WWF France Isabelle Autissier, l’historien Pascal Blanchard, la présidente de France terre d’asile Najat Vallaud-Belkacem, la directrice exécutive de l’ONG Reclaim Finance Lucie Pinson ou les leaders syndicaux de la CFDT et la CGT Laurent Berger et Sophie Binet.
Le Défenseur des droits dénonce la remise en cause de la LDH
Enfin, le Défenseur des droits a réagi le 14 avril dans un communiqué. L’institution déplore un « mouvement de remise en cause de la liberté d’association », « hautement problématique dans un État démocratique » et « une stigmatisation inquiétante de la Ligue des droits de l’homme. » À ce sujet, elle reconnaît la « légitimité des recours formés par la Ligue des droits de l’homme dans le cadre des manifestations à Sainte-Soline ».
Patrick Baudoin répond aux accusations
Dans un entretien accordé au quotidien Le Monde publié le 14 avril, le président de la LDH Patrick Baudouin s’est déclaré « blessé et révolté ». Il a aussi exprimé une « honte pour notre pays, qui glisse progressivement vers les régimes illibéraux ».
L’association a effectivement contesté l’arrêté interdisant le transport d’armes par destination à Sainte-Soline. Les armes par destination correspondent à « tout objet susceptible de présenter un danger pour les personnes », selon le Code pénal. Pour le président de la LDH, cet arrêté aurait donc interdit le port de « n’importe quel objet susceptible d’être lancé sur les forces de l’ordre », ce qu’empêche une décision du Conseil Constitutionnel. Il conteste les dires de la Première ministre relatifs à l’islamisme radical.
Enfin, Patrick Baudouin réfute l’accusation selon laquelle la LDH aurait diffusé à tort l’information que les secours auraient été empêchés d’intervenir à Sainte-Soline.
Célia Szymczak