3 questions à Jean-Louis Bergey, expert en économie circulaire à l’ADEME

L’ADEME, Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, est un établissement public spécialisé dans les questions de transition écologique qui dépend notamment du ministère du même nom. L’agence met en œuvre les politiques publiques dans le domaine de l’environnement. Elle finance la recherche mais également des projets entrepreneuriaux et territoriaux. L’ADEME est aussi active dans le domaine de la production de connaissances en proposant des outils et des travaux pour éclairer les politiques publiques nationales et locales. Jean-Louis Bergey y est expert national en économie circulaire et en matières premières.  

• Comment l’ADEME agit pour développer l’économie circulaire ?

Tout d’abord, nous produsions des travaux d'études. Par exemple, l’année dernière, on a sorti deux études autour de la sobriété énergétique. On a également produit beaucoup de travaux dans le but de développer l’indice de réparabilité présent dans la loi AGEC (anti-gaspillage et économie circulaire). Avec ces travaux, on travaille avec les fédérations professionnelles et les chercheurs : on est à la limite entre la recherche et la réflexion. 

Ensuite, l’ADEME fait de l’accompagnement à la transformation, typiquement sur l’économie de la fonctionnalité. On a accompagné des entreprises à passer de l’économie de produits à l'économie de services avec une aide financière et intellectuelle. Ensuite, il y a bien sûr toute la partie financement d’études et investissements. Ces financements peuvent également être des aides de fonctionnement. On alloue par exemple des aides lorsque les cours de l’énergie sont très bas et que le plastique vierge devient moins cher que le plastique recyclé. Ces aides contrebalancent cette différence économique. 

Enfin, nous avons des financements dans le cadre des investissements d’avenir où on est plutôt sur les derniers stades de la recherche. Sur l’économie circulaire, nous travaillons sur différents sujets comme l'éco-conception. On travaille notamment sur les méthodologies et les données pour essayer d’améliorer les travaux d'éco-conception. Nous faisons de la recherche sur toutes les technologies de recyclage quels que soient les types de déchets et nous finançons aussi beaucoup de travaux autour de la substitution de produits.. 

• Quelles sont les thématiques les plus importantes pour l’ADEME ?

Nous mettons le paquet sur tous les piliers de l’économie circulaire. Tout d’abord, nous travaillons beaucoup sur l’éco-conception. Il y a une personne qui travaille sur cette thématique et il va y en avoir une deuxième d’ici l’été. L’éco-conception a un grand avenir mais on observe des limites liées à la connaissance. On a donc besoin d’améliorer ces connaissances. 

Ensuite, il y a beaucoup de questions sur les plastiques. Nous travaillons beaucoup sur ces sujets avec les professionnels dans la perspective de l’interdiction des emballages à usage unique à l’horizon 2040. On réfléchit aussi beaucoup sur le sourcing du plastique pour aider les entreprises à trouver de nouvelles possibilités mais aussi pour informer sur des pratiques douteuses. L'ADEME fait également de plus en plus de travaux sur le côté consommation. Nous nous adressons plutôt aux acheteurs mais aussi aux entreprises ou aux collectivités en tant qu’acheteuses. 

En effet, nous essayons de faire évoluer les pratiques de consommation, d’une part avec une réflexion sur la consommation elle-même et puis pour faire évoluer les pratiques vers l’économie de la fonctionnalité. Enfin, L'ADEME commence à travailler sur la question de la dépendance aux ressources minérales. Une grande partie vient de l’extérieur de l'Union européenne. On entame donc une réflexion pour réduire cette tendance.

• Quelle conception de l’économie circulaire défendez-vous à l’ADEME ?

L’économie circulaire, c’est de l’économie. C’est donc de la production, de la consommation, de l’achat et de la vente. De toute façon, les échanges entre les êtres humains c’est de l’économie, même le troc c’est de l’économie. Après, nous essayons de pousser à ce que la production et la consommation soient les moins importantes possibles, à utiliser le moins de ressources naturelles possibles, à produire le moins de déchets possibles et à ce qu’on récupère le plus possible de ces déchets pour les réinjecter dans le circuit économique. 

On fait tout ça en ayant à l'esprit notre volonté d'améliorer le bien être humain. Nous sommes les seuls, à l’ADEME, à avoir une définition de l'économie circulaire qui intègre le bien-être humain. En ce sens, nous nous rapprochons beaucoup de la vision de l’ONU. 

Dans les autres organisations, le bien-être humain n'apparaît pas. Or, l’économie est là pour améliorer le bien-être humain. Sur la terre, les deux tiers de l’humanité n’accèdent pas aux besoins de base, que ce soit l’alimentation, les soins, l'éducation, la culture ou l’habitat. À l’ADEME, on pense que l’on peut améliorer le bien-être humain tout en consommant le moins de ressources. De toute façon, nous n’avons pas le choix car on consomme 2,4 planètes par an, ce qui n’est pas viable. 

Dans la vision de l’ADEME, on peut parler de croissance verte mais tout dépend de ce qu’on appelle croissance verte. Si la croissance verte c’est continuer à produire en consommant toujours plus de ressources naturelles, on sait que ce n’est pas viable. Il faut que ce soit de la croissance verte qui diminue la consommation de ressources naturelles. Donc maintenant, il y a une vraie question : comment peut-on continuer de progresser tout en consommant moins de ressources naturelles ?

Théo Nepipvoda