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Par Carenews PRO - Publié le 5 janvier 2023 - 10:00 - Mise à jour le 5 janvier 2023 - 12:35 - Ecrit par : Christina Diego
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Jérémy Lachal (DG de BSF) : « Nous proposons aux populations vulnérables les outils pour qu’elles puissent construire des solutions à leurs problèmes »

Rencontre avec Jérémy Lachal, le directeur général de Bibliothèques sans frontières qui revient sur la création de l'ONG à l'occasion de ses 15 ans d'existence.

Jérémy Lachal (DG de Bibliothèques sans frontières) revient sur 15 ans d'existence de BSF. Crédit : Tristan Paviot
Jérémy Lachal (DG de Bibliothèques sans frontières) revient sur 15 ans d'existence de BSF. Crédit : Tristan Paviot

 

  • Bibliothèques sans frontières vient de fêter ses 15 ans. Comment est née l’association ?

 

À la création de BSF, je suis étudiant quand je rencontre Patrick Weil. L’idée est d’imaginer quelque chose de différent par rapport aux dons de livres. À l’époque, les vieux livres étaient déversés en Afrique. Avec BSF, nous avons voulu changer ce système en faisant du don de livres de façon intelligente, en soutenant les filières locales et les éditeurs locaux, et en réfléchissant aussi au modèle économique des bibliothèques. 

 

  • Pourquoi avoir choisi de créer des bibliothèques dans des lieux sinistrés ? 

 

Au départ, en 2007, nous étions en soutien des bibliothèques qui existaient un peu partout et nous avons créé des programmes de formation. Pour nous, les bibliothèques sont des acteurs économiques, pas seulement culturels. Ce sont des lieux d’émancipation personnelle, des lieux collectifs, où il est possible de confronter ses idées à celles des autres. 

 

  • Comment avez-vous fait pour être présent aux quatre coins du monde ? 

 

On a créé des bibliothèques « métissées » dans toutes les langues du monde. Son immense pouvoir pacifiste va nous suivre dans toute l’histoire de BSF, jusqu'aux camps de réfugiés syriens d’Azraq en Jordanie. On y déploie les premières Ideas Box, et très vite, on s’aperçoit que le niveau de violence diminue dans le camp. 

Toute la théorie du changement de BSF est de mettre dans les mains des populations vulnérables les outils pour qu’elles puissent construire des solutions pour résoudre leurs problèmes. C’est vraiment de l'empowerment.  

 

  • Au moment du séisme en Haïti, c’est un véritable changement qui s'opère au sein de l'association. Comment cela s’est-il passé ? 

 

C’est un tournant majeur. Avant Haïti, nous avions 300 000 euros de budget par an. Après 2009 et le séisme, on est passé à un million. Les Ideas Box naissent à ce moment-là. Nous étions en train de réfléchir à un nouveau plan d'action avec nos partenaires quand le séisme a eu lieu. Nous avons amené du matériel pour sortir les archives des bibliothèques. Les Haïtiens ont proposé de monter des bibliothèques sous tentes. C’était très important pour eux. Ils en ont monté une trentaine qui deviennent ensuite des Ideas Box

Ce sont des points de rassemblement dans les camps, des espaces sécurisés pour les enfants, avec de l’information vérifiée et sûre sur les distributions alimentaires ou les risques d’épidémies. Ce sont d'ailleurs ces mêmes modèles de safe spaces que nous déployons aujourd’hui, avec des ressources, du soutien psychosocial et l’accès à de l'information d'urgence fiable. 

 

  • Comment les avez-vous imaginées ? 

 

Au moment où nous créons « L'urgence de lire » en 2012, nous lançons une pétition internationale pour changer les normes de l'humanitaire. Notre posture était de faire reconnaître l’accès à l'information, à la culture et à l’éducation comme des droits fondamentaux dans les situations d'urgences humanitaires. Des personnalités comme Stephen King, Tommy Morrison et une dizaine de prix Nobel signent l’appel. Le secrétariat de l’ONU nous demande alors de standardiser les bibliothèques sous tentes et nous faisons appel à Philip Stark pour les designer

En janvier 2014, la nouvelle Ideas Box arrive au Burundi dans les camps de réfugiés congolais. Une nouvelle histoire commence pour BSF. C’est un outil très performant et qui est réutilisé rapidement, en France, dans le Bronx à New York, en Australie pour les aborigènes. 

À ce moment-là, on commence à travailler sur la question des contenus et d’éducation au numérique. Nous adaptons en français, la Khan Academy, une des plus grandes plateformes d'apprentissage au monde. Nous avons plus de 11 millions d’utilisateurs et un catalogue de ressources en 36 langues aujourd’hui.  

 

  • BSF est très digitalisée. Quels sont vos modèles Tech ?

 

En 2015-2016, nous commençons à travailler sur l’internet offline, pour rendre accessible du contenu numérique auprès des populations qui n'ont pas internet dans les zones humanitaires. Nous avons déployé des technologies hyper novatrices et très frugales, en open source, pour amener des contenus aux personnes non-connectées. Ces technologies très avancées sont d’ailleurs assez compliquées à créer. En réponse à l’urgence en Ukraine, par exemple, nous avons développé une application d'apprentissage du français « Bonjour France », pour les réfugiés ukrainiens et les aider dans leur quotidien.  

 

  • L'ONG est particulièrement engagée pour les personnes arrivantes. Augustin Trapenard, votre parrain, a déclaré “La culture sauve le monde”. Qu’est-ce que cela change d’avoir accès au savoir ? 

 

Chez BSF, nous travaillons beaucoup sur la connaissance, et non uniquement sur la culture. C’est beaucoup plus concret. Par exemple, je me souviens de deux jeunes au Burundi qui ont emprunté des caméras à l’Ideas Box. Ils devaient les rapporter le soir-même, mais ils ne l’ont fait que le lendemain. Quand l'animateur a regardé les rushs, il a découvert un mini-film incroyable, mettant en scène des zombies qui reviennent hanter la mémoire d'enfants soldats. C’était un vrai travail de catharsis qui mélangeait les codes à l'américaine avec des personnages aux peintures tribales congolaises. Le film est d’ailleurs encore accessible et fait référence pour l’ONG. 

 

  • Quels sont les projets pour 2023 ? 

Nous entamons notre stratégie 2030. Nous avons réalisé une levée de fonds de titres associatifs. Nous voulons nous rapprocher du terrain, en ouvrant des bureaux BSF en Afrique de l’Ouest, en agrandissant celui au Sénégal, en République démocratique du Congo, au Moyen-Orient et en Asie. Notre impact se fait au plus près du terrain. Nous voulons travailler dans les langues locales. 

Nous avons également signé un accord avec les Nations unies. Pramila Patten, la représentante spéciale des violences sexuelles lors des conflits armés, a visité notre Ideas Box en Pologne. Elle souhaite les développer à l’attention des femmes victimes de violences sur tous les terrains où l’ONU est présente. Nous commencerons en Ukraine, près des lignes de front, puis au sud Soudan. L’idée est de leur proposer des outils pour se reconstruire, au niveau social, sanitaire et entrepreneurial. 

 

Christina Diego 

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