« Les territoires regorgent de forces vives », Cyprien Canivenc, secrétaire général Des Territoires aux Grandes Écoles
L'association Des Territoires aux Grandes Écoles accompagne des élèves des territoires dans leurs études supérieures. Le but : arriver à une égalité des chances réelle. Entretien.
Cyprien Canivenc est secrétaire général Des territoires aux Grandes Écoles, une fédération d’associations qui luttent pour l’égalité des chances dans les territoires (zones rurales et villes moyennes). Carenews l’a rencontré.
Comment la fédération d’associations est-elle née ?
L’association est née au Pays basque en 2013 avec Du Pays basque aux grandes écoles. Elle était fondée sur le constat que les jeunes des territoires, de la ruralité et des villes moyennes, avaient de bons résultats au bac, mais des résultats mitigés dans l’enseignement supérieur. Sur la base de ce constat, l’association a commencé à intervenir dans les lycées, auprès des jeunes, pour les informer sur les parcours qui sont possibles dans le supérieur.
Ce modèle a bien fonctionné et a inspiré la création d’autres structures locales qui sont apparues à divers endroits de la France. Pour coordonner le mouvement, est née une association nationale en 2017. L’association est devenue une fédération en 2019. Elle a vocation à animer, coordonner et à donner une visibilité nationale aux 39 associations départementales.
Quelles sont les actions menées en faveur de l’égalité des chances ?
On intervient en milieu scolaire, dans les collèges, dans les lycées, pour leur montrer des parcours inspirants, pour leur ouvrir la voie et leur expliquer comment faire pour rejoindre les filières qu’ils envisagent. Ensuite, ceux qui le veulent peuvent solliciter des accompagnements individuels. Ces accompagnements peuvent être ponctuels par exemple pour aider à écrire une lettre de motivation. Ces accompagnements peuvent aussi être sur la durée. Pour cela, on fait du mentorat.
Enfin, on a une autre action d’égalité des chances qui est un dispositif de bourses. On a mis en place ce dispositif, car on s’est dit qu’il était également nécessaire de donner un coup de pouce financier pour ces jeunes qui ont des difficultés financières, pour qui faire des études loin de chez eux représente un coût très important et qu’ils ne seraient pas en mesure d’assurer. Ces bourses sont d’un montant de 6 000 euros au profit des jeunes se dirigeant vers l’enseignement supérieur et identifiés par des équipes pédagogiques et des jurys locaux.
Vous accompagnez également des jeunes plus avancés dans leurs parcours. De quelle manière ?
Le deuxième pilier de notre programme est le retour sur le territoire. On pense qu’accompagner les jeunes vers leurs aspirations dans l’enseignement c’est super. Mais ce qui est encore mieux, c’est que ces jeunes puissent, en retour, participer au développement de leurs territoires. Il ne faudrait pas que ces jeunes soient des forces vives qui ne reviennent jamais.
Et donc pour les accompagner sur le territoire, on organise un ensemble d’actions. La première est d’organiser des visites, des rencontres d’entreprises et avec des entrepreneurs, des administrations au niveau local pour montrer que les territoires sont dynamiques, que les territoires recrutent et qu’on peut s’y investir en tant que professionnels. Ce discours positif sur les territoires, on y croit beaucoup. Et au-delà de ces rencontres, on met en valeur des parcours d’entrepreneurs locaux qui sont restés sur le territoire, qui s’y investissent et qui recrutent.
Quelles sont les barrières pour ces élèves des territoires ?
Il y a trois principaux freins identifiés. Le premier, c’est le manque d’informations. En dépit de l’accessibilité de l’information en ligne, les jeunes manquent d’informations qualitatives. Il est difficile de se positionner sur les parcours, les filières, de voir le coup d’après également.
Le deuxième frein, c’est l’autocensure. Elle est marquée pour les jeunes des territoires, car dans leurs familles, autour d’eux, ils n’ont pas de modèles de l’ensemble des parcours des filières sélectives. En l’absence de modèles, il est difficile pour certains jeunes d’imaginer que ces filières sélectives sont accessibles, possibles, envisageables. Le troisième frein, ce sont les difficultés financières non spécifiques d’ailleurs aux jeunes territoriaux.
Pourquoi est-il important de soutenir ces jeunes ?
Les parcours qu’ils ont dans les territoires, leurs expériences propres dans certains coins de la France, sont uniques. Il faut valoriser cette diversité de parcours et d’expériences. Ce qui compte c’est qu’on ait tous la possibilité de faire les parcours que l’on souhaite. Je suis persuadé que cette richesse bénéficiera à nos territoires et plus largement à la France.
Pensez-vous que les grandes écoles sont trop éloignées des territoires ?
La plupart, il est vrai, sont implantées dans des grandes villes ou en périphérie, mais ce n’est pas le cas de toutes. L’un de nos partenaires, l’école des arts et métiers, dispose d’implantations sur plusieurs territoires ruraux, parfois très ruraux. Il y a également des filières sélectives qui sont présentes sur nos territoires.
Par ailleurs, ces derniers mois et dernières années, nous menons avec de grandes écoles, des actions partenariales en faveur de ces publics. Par exemple, nous avons noué un partenariat avec l’École polytechnique. Il est vrai que si l’on prend les statistiques nationales, un lycéen de Paris a statistiquement trois fois plus de chance d’accéder à une grande école qu’un lycéen qui n’est pas francilien.
Propos recueillis par Théo Nepipvoda