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Par Carenews PRO - Publié le 12 juillet 2022 - 12:00 - Mise à jour le 15 juillet 2022 - 14:27 - Ecrit par : Théo Nepipvoda
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Philanthropie : les entreprises peuvent-elles sauver la démocratie ?

Abstention, haine du politique… Face à la fragilité démocratique, la philanthropie et les entreprises peuvent jouer un rôle en finançant l’innovation démocratique. Un sujet qui s’avère pour le moment sensible.

Comment la philanthropie peut-elle sauver la démocratie ? Crédit : iStock.
Comment la philanthropie peut-elle sauver la démocratie ? Crédit : iStock.

 

La période élective qui s’achève a fait la démonstration de l’urgence démocratique : désintérêt croissant pour le fait politique, citoyens ne se retrouvant pas dans les personnalités au pouvoir. L’abstention lors des élections législatives de juin a même battu des records : 52,5 % au premier tour. Un phénomène amplifié chez les jeunes avec plus de deux tiers d’abstentionnistes. 

Dans ce contexte, qui pour se tenir au chevet de la démocratie ? Qui pour réfléchir à l’avenir de notre vie politique ? Les philanthropes peuvent jouer un rôle en finançant l’innovation et la réflexion démocratique. Certes, l’image peut faire peur. Celle d’une vie démocratique influencée par l’argent privé et ainsi potentiellement détournée de sa fonction première : le débat de tous les citoyens. 

 

Financer l’innovation démocratique

Démocratie Ouverte est une association se définissant comme le réseau de l’innovation démocratique en France. Plateformes de mobilisation citoyennes, réflexion sur des modes de scrutins alternatifs, accompagnement de jeunes souhaitant se faire élire… Elle regroupe des structures développant des nouvelles méthodes et pratiques démocratiques. 

Pour se financer, l’association dépend à 40 % du mécénat et notamment des entreprises. Pour l’instant, les entreprises participantes sont des structures de l’économie sociale et solidaire, mutuelles ou coopératives, qui partagent ces valeurs. Le Crédit Coopératif fait par exemple partie des soutiens. Mais l’association souhaite aller plus loin en s’associant à des entreprises de l’économie classique, car il y a un enjeu structurel de financement de ces questions démocratiques impliquant la participation de tous. 

 

« Il y a une confusion entre les enjeux démocratiques et partisans »

Mais la route s’annonce longue. Mathilde Rivoire, responsable du développement de Démocratie Ouverte, constate la réticence des entreprises et des fondations françaises : « la plupart de nos soutiens s’avèrent être des fondations européennes positionnées sur ces enjeux alors que l’écosystème philanthropique français est très peu engagé sur ces questions-là », regrette-t-elle.

Elle explique cela par une mauvaise compréhension des enjeux : « Il y a une confusion entre les enjeux démocratiques et la question partisane. Cette confusion est peut-être à la base d’une frilosité. » En effet, il ne s’agit pas ici de permettre aux entreprises de financer la vie militante, les partis politiques : cela est d’ailleurs interdit par la loi. Il s’agit de leur proposer de financer des structures apartisanes et d’intérêt général.

 

Tinder, Meta et mk2

Ces dernières années, face au risque de plus en plus prégnant, de nombreuses structures associatives, startups, ONG se sont lancées dans l’innovation démocratique. L’Académie des Futurs Leaders par exemple, est une école pour former une classe politique plus représentative de la diversité de la société. Mieux Voter, de son côté, milite pour un nouveau mode de scrutin qui serait plus juste. Face à ce champ d’innovation fertile, encore faut-il que les financements suivent. 

L’ONG A Voté, qui défend les droits civiques, a su se tailler une place de choix dans ce champ. Elle mène des campagnes de sensibilisation et de mobilisation pour ramener la démocratie au plus près des citoyens. A Voté intègre pleinement les entreprises à son modèle puisqu’elle leur propose de mener des campagnes conjointes dans lesquelles elles offrent leur soutien technique. Il s’agit de mécénat en nature. Chatbot sur Whatsapp grâce au soutien de Meta, messages pour rappeler les échéances électorales dans toutes les salles des cinémas MK2. Pléthore d’initiatives ont émergé.

L’une des plus marquantes est la collaboration de l’ONG avec Tinder. L’application de rencontres a offert des espaces publicitaires et a conçu la campagne de communication visible par les utilisateurs, majoritairement âgés de moins de 25 ans. Parmi les sujets évoqués : la marche à suivre pour faire procuration, la date limite d’inscription sur les listes électorales.

 

A Voté souhaite toucher des publics éloignés

Pour l’ONG A Voté, ces partenariats sont des manières de toucher un public éloigné des canaux traditionnels d’information tels que la presse. « Notre objectif est de dépasser la difficulté que connaissent les associations du secteur, de toucher un public cible », explique Dorian Dreuil, président de l’ONG A Voté. « Le levier de l’entreprise s’est révélé très intéressant, car cela permet, à travers le geste de l’entreprise, de mobiliser sa communauté. »

Même si A Voté ne connait pas trop de difficultés à nouer des partenariats avec des entreprises, l’ONG souhaite que davantage d’elles s’engagent dans cette question démocratique :

Cette promesse démocratique, qui est nécessaire à l’existence même des entreprises, est fragilisée et même menacée par l’abstention. Si la démocratie est l’affaire de tous, il revient à tout le monde, et donc aux entreprises, d’en prendre soin et de la défendre », indique Dorian Dreuil, président d’A Voté. 

 

Pour les prochaines années, A Voté va également commencer à se financer directement par des fonds privés.

 

Quelles sont les limites de cette philanthropie ?

Bien évidemment, le sujet est sensible. Il existe de nombreuses limites à ne pas franchir et une ligne de conduite à adopter. Tout d’abord, bien afficher et revendiquer son caractère apartisan. « À aucun moment nous ne favorisons une organisation ou un candidat. Nous avons placé une barrière très forte avec les partis politiques », précise Dorian Dreuil. « Nous pouvons dire aux entreprises qui s’engagent à nos côtés, qu’elles mènent des campagnes pour la démocratie et rien que pour la démocratie. »

Enfin, il est primordial de diversifier ses sources de financement, encore davantage que sur les thématiques environnementales ou culturelles. « Tout financement crée une forme de dépendance », soutient Mathilde Rivoire de Démocratie Ouverte. « Ces sujets démocratiques nécessitent une  confiance dans le processus et dans l’indépendance d’action. Il est donc nécessaire d’avoir de la diversification de revenus. » 

Bien sûr, l’entreprise ne règlera pas tous les maux et son rôle restera limité. Mais son action peut être efficiente si elle respecte les principes d’indépendance et d’autonomie.

 

Théo Nepipvoda

 

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