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Par Chroniques philanthropiques par Francis Charhon - Publié le 12 janvier 2023 - 08:01 - Mise à jour le 12 janvier 2023 - 08:01
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[POINTS CLÉS] L'interview d'Anne Lescot, Fonds du 11 janvier

Après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper-Cacher des fondations se sont regroupées pour s’engager un projet commun dont l’objectif était de lutter contre la radicalité, l’intolérance. Ainsi est né le Fonds du 11 janvier. Originale et courageuse, cette initiative a permis d’affronter sans tabou le sujet du fait religieux, souvent évité, en ouvrant des portes de dialogue et d’échanges.

[POINTS CLÉS] L'interview d'Anne Lescot, Fonds du 11 janvier
[POINTS CLÉS] L'interview d'Anne Lescot, Fonds du 11 janvier

Une contribution majeure pour le lien social

Le Fonds du 11 janvier est né dans l’élan de la marche du week-end de 2015 qui a suivi les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper-Cacher. Dix fondations se sont alors réunies à l’instigation de Jean-Marie Destrée, délégué général de la Fondation Caritas, avec le dessein d’apporter une réponse collective, concrète, dédiée à la prévention de la violence des jeunes et à l’amélioration du vivre ensemble. 

Oui, chacune des différentes fondations était déjà engagée dans des actions de terrain, en faveur du dialogue interculturel, de l’insertion, de la cohésion sociale. En mettant des moyens en commun il s’agissait finalement d’amplifier ces actions, mais en leur donnant une direction extrêmement précise : soutenir des initiatives de la société civile dans le cadre de la laïcité, en faveur de la citoyenneté et du respect de l’autre, de la connaissance du fait religieux, de la cohésion et du vivre ensemble. Nous avons cherché à donner encore plus d’écho à ce que chacune des fondations faisait de son côté.

Agir ensemble pour dépasser les barrières

Ces fondations se sont regroupées pour déterminer un objet commun. Il s’est construit à travers les objets de chacune des fondations qui ont composé le Fonds du 11 janvier. C’est pour cette raison que l’on trouve à la fois un objet assez large, mais quand même toujours centré sur un objectif de fond qui est la formation de l’esprit critique des jeunes et la prévention de la violence. À partir de là, il s’agissait de déployer différentes actions ou démarches soit en faveur du dialogue interculturel, soit tournées vers la laïcité et la connaissance du fait religieux, soit vers des actions de cohésion et de vivre ensemble. Le fonds a été abrité à la Fondation de France et le suivi confié au Centre Français des Fonds et des Fondations.

Grâce au financements de 3,5 millions d’euros apportés par les fondations, ce sont 47 associations qui ont été soutenues et 58 projets menés, six séminaires de formation et des rencontres publiques et inter-associatives organisées. Il faut noter des apports théoriques comme une étude passionnante : « Approches et pratiques de la radicalisation en France » ainsi qu’une collection de podcast de 19 épisodes « Esprit critique es-tu là ? » qui donne la parole à 14 associations soutenues. C’est une mémoire du Fonds du 11 janvier extraordinairement pédagogique.

Deux axes d’intervention

Un premier volet consistait à favoriser les projets tournés vers la jeunesse. Au départ, il s’agissait d’accompagner les 11-18 ans et les jeunes jusqu’à 25 ans en situation de fragilité. Puis, nous avons ouvert aux classes primaires parce que nous sommes assez rapidement rendus compte que dès le primaire se jouaient beaucoup de choses. Ensuite, nous avons favorisé les projets qui se déroulaient dans la durée en laissant de côté les actions « one shot ». Nous voulions des actions qui se répètent avec les mêmes jeunes, qu’ils soient amenés à être acteurs des activités et pas seulement des récipiendaires de financement.  

Pour le deuxième volet, nous souhaitions aussi outiller, la communauté éducative au sens large, les enseignants, les éducateurs, mais aussi les parents. Nous avons voulu soutenir des projets qui les concernent directement, avec notamment des outils pour aborder certaines questions, comme celles des médias, de la laïcité, du fait religieux qui sont extrêmement compliquées, sensibles. Nous en avons eu la triste confirmation en 2018 avec l’assassinat de Samuel Paty et, pour nous, il fallait renforcer, soutenir, accompagner tous ceux qui au quotidien, essaient de transmettre des valeurs et surtout de former l’esprit critique des jeunes. Un tiers des projets environ concernait l’éducation aux médias et à l’image.

Quelles conclusions ?

Ce  projet a été utile. Nous le savons parce que les associations nous le disent. Ce qui a déjà étonné un certain nombre d’associations, c’est que nous les ayons soutenues sur ces sujets-là tels que la lutte contre les discriminations, l’antisémitisme, le vivre ensemble... Cela paraît maintenant presque évident et on en parle beaucoup ces dernières années, mais les financements pour ce type d’activité ne sont pas aussi nombreux et pas simples à obtenir car ce sont des sujets qui font peur, qui sont assez clivants, que l’on aborde en sachant que l’on marche sur des œufs. Même avec l’éducation aux médias qui pourrait sembler a priori, surtout dans une grande démocratie comme la France, un sujet assez bateau mais qui s’avère compliqué à traiter. Lors de l’épidémie de Covid et avec la période de confinement, on a vu notamment déferler des théories de complot. 

Du courage et de l’audace 

Ce que l’on tire de cette expérience et ce qui a marqué ceux qui ont été soutenus et ceux qui se sont intéressés à l’action du Fonds, c’est que nous sommes allés sur des sujets qui n’étaient vraiment pas simples et pas du tout consensuels. Aujourd’hui, si vous parlez d’environnement et de climat, les avis s’accordent devant l’urgence, mais quand on parle de religieux, de médias, de discriminations, on se trouve face à des sujets compliqués, dont les enjeux restent entiers mais qui pour autant, demeurent sous financés. Ce que je retiens du Fonds du 11 janvier, c’est le courage qu’ont eu finalement des fondations dont ce n’était pas le domaine d’expertise, la manière dont elles se sont acculturées à d’autres sujets que les leurs. C’est une forme d’audace qui tranche dans un paysage philanthropique français, plus normé ou frileux que ce que l’on peut trouver dans les pays anglo-saxons plus enclins à s’attaquer aux sujets plus compliqués.

  • Ce sont des fondations qui font appel à la générosité du public, elles ont donc été capables de prendre une position qui ne les rendait pas obligatoirement populaires.

 

Exactement, et c’est aussi un exemple de prise de conscience de la nécessité d’agir sur des sujets qui sont aujourd’hui déterminants dans la société française, qui sont essentiels si on souhaite aller vers un apaisement. Ne pas s’y atteler, c’est risquer de voir s’aggraver des conflits sociaux ou culturels, des conflits interpersonnels, les inégalités, des fractures de toutes sortes. 

 

  • Si on tire une leçon de cette initiative, on peut donc se dire aussi que l’on peut prendre un sujet extrêmement clivant et rassembler des fondations pour le traiter de la façon la plus dépassionnée possible.

 

Tout à fait, même si ce n’est pas simple. Au sein même de ce rassemblement nous n’avons pas été exempts de passions.

 

Propos recueillis par Francis Charhon.

 

À lire
Lisez l'interview complète d'Anne Lescot, directrice du Fonds du 11 janvier, sur le blog Chroniques philanthropiques.

 

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