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Par Chroniques philanthropiques par Francis Charhon - Publié le 16 mars 2022 - 18:01 - Mise à jour le 17 mars 2022 - 10:14
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[TRIBUNE] Guerre et philanthropie

Guerre et philanthropie. Voici bien deux mots si opposés dans notre esprit et pourtant...

[TRIBUNE] Guerre et philanthropie. Crédit photo : nzpn, iStock.
[TRIBUNE] Guerre et philanthropie. Crédit photo : nzpn, iStock.

C’est un choc immense que de revivre pour les générations adultes ou séniors les sombres heures de l’Europe qui paraissaient rangées au rang des mauvais souvenirs et que nos jeunes ne connaissent plus qu’en livres ou en film. Un dictateur solitaire décide d’envahir son voisin pour supprimer tout ce qui en a fait un pays avec son histoire, sa culture, de l’anéantir sous les bombes, les tirs d’obus les plus divers dont semble-t-il certains à sous-munitions.  Cette méthode barbare n’est pas nouvelle pour ceux, comme les ONG ou les journalistes, qui ont eu à travailler sur les terrains d’interventions d’autres régions du globe. Le droit humanitaire est bafoué avec un cynisme qui passe par la création de faux couloirs humanitaires qui seront bombardés ou minés. En Tchétchénie, en Syrie, des villes entières furent ainsi rasées par l’armée russe, les populations civiles prises pour cibles ; les centres de santé, les écoles bombardés. Cette inhumanité choque le monde entier. Mais comment s’opposer à un projet si fou sinon entrer en guerre et déclencher un conflit majeur ? Personne ne le souhaite. Certes, l’armée ukrainienne tente de résister face à un rouleau compresseur qui avance inexorablement en écrasant tout sur son passage. On peut souhaiter, malheureusement sans trop d’espoir, que les sanctions feront réfléchir le président Poutine et que le coût de cette guerre deviendra trop lourd. 

Honorer la résistance Ukrainienne et la soutenir n’empêcheront pas les souffrances abominables d’un peuple, les milliers de morts et de blessés, l’exil de dizaine de millions d’hommes et surtout de femmes avec leurs enfants, et in fine l’occupation de ce pays qui sera rasé. Déjà, des régions frontalières comme la Crimée, l’Ossétie, le Donbass ont déjà été occupées ; le rêve de la grande Russie du temps de l’URSS amènera-t-il à d‘autres interventions en Moldavie en Géorgie ? Qui s’y opposera ?

En attendant il faut faire face aux effets de la guerre et la philanthropie y a son rôle.

Rappelons que la philanthropie est un écosystème constitué d’acteurs (associations et fondations), de bénévoles et de donateurs ; ils se sont tous mis en mouvement. La réaction mondiale est à la hauteur du choc face à la violence des images et des témoignages. Des collectes immenses affluent provenant de particuliers et d’entreprises, des volontaires se pressent pour aider, pour soulager la population ukrainienne directement dans leurs pays ou dans les pays voisins. Si la Pologne et la Hongrie peuvent momentanément faire face, la Moldavie et la Slovénie sont des petits pays qui risquent la déstabilisation due à l’afflux de réfugiés. IIs ont besoin de soutiens importants et urgents de la communauté internationale. Toutes les organisations humanitaires se sont mobilisées et mises en ordre d’intervention pour répondre aux besoins des blessés, des réfugiés, pour apporter soins médicaux, aide alimentaire, abris, et soutenir les associations locales qui ont été les premières à faire face. Certaines ONG étaient déjà sur place, d’autres ouvrent des missions en Ukraine et dans les pays limitrophes. Les fondations se sont aussi mobilisées pour apporter leur soutien, non seulement en France, mais aussi au niveau européen grâce à une coordination réalisée à Bruxelles par leur représentation « Philae ». La Croix-Rouge internationale, le Haut Commissariat aux Réfugiés (HCR) et autres agences de l’ONU sont aussi en mouvement.

Dans le même temps, des ONG comme Amnesty international documentent par des témoignages, des photos et des vidéos les crimes de guerre pour pouvoir un jour amener les responsables de toutes ces atrocités devant le tribunal pénal international.

En France les opérations sont menées en coordination avec le centre de crise et de soutien du ministère des Affaires étrangères qui apporte aussi un soutien financier. Cette relation est un modèle de la relation État-associations et fondations et pourrait servir d’exemple pour la mise en place d’une stratégie ambitieuse de relation entre l’État et la société civile.

Toute ces capacités de réaction ont pu se développer en partie grâce à la générosité du public. Ces fonds privés ont donné à ces ONG la capacité de se développer. Elles ont acquis des modes d’interventions de plus en plus professionnels par des années de travail sur les terrains les plus divers (guerres, catastrophes naturelles, épidémies, famine…). Parmi les progrès réalisés, il faut noter l’internationalisation des ONG françaises : elles ont ouvert des branches dans de nombreux pays, augmentant ainsi leur capacité d’intervention et l’inclusion de personnels issus des pays dans lesquels elles agissent. D’autres efforts ont porté sur la coordination entre les ONG au niveau national sous l’égide de coordination SUD, mais aussi international par le réseau VOICE, lieux d’échanges et de partage de pratiques pour faire face aux crises à une échelle suffisante. Un forum humanitaire européen se tiendra en mars organisé par la commission européenne, financeur important de l’action humanitaire par sa division Echo . Il doit permettre de faire un état de l’action humanitaire internationale et d'en faciliter l’action. Ironie du sort, il était prévu bien avant l’intervention russe un débat sur le droit humanitaire problématique dans bien des endroits du monde. 

L’immense travail réalisé par les ONG françaises n’est qu’un versant de l’action des associations et fondations.  Elles sont maintenant visibles et reconnues comme une évidence dans le paysage international. 

En France, ce même secteur non lucratif mène aussi des actions importantes et nécessaires dans tous les domaines qui touchent les besoins de la société : culture, environnement, action sociale… Pourtant, il n’est pas reconnu comme un acteur à part entière.

Ce serait un projet politique fort, pour un prochain gouvernement, que de donner une reconnaissance formelle à ce secteur. Il faudrait que l‘État accepte de reconnaître le secteur non lucratif comme un secteur économique à part entière, comme le sont l’agriculture, l’industrie, les entreprises, l’artisanat…, sans vouloir en permanence réduire ses capacités d’intervention. Il ne s’agit pas d’opposer deux systèmes, mais de prendre acte que ce secteur apporte des réponses adaptées en complémentarité avec les acteurs étatiques. Par son action, aussi bien au niveau national que local, il est un rempart puissant face au délitement du lien social qui mine notre nation et un élément majeur du « vivre ensemble » indispensable à notre démocratie. 

Avoir une politique philanthropique ambitieuse et assumée, avec des objectifs clairs permettrait de comprendre le sens des mesures qui sont régulièrement prises. Il deviendrait possible d’anticiper un coût en amont, plutôt que de prendre des mesures fiscales morcelées sans en peser les conséquences pour les récipiendaires et éviter d‘avancer ou reculer au gré des influences politiques. Ceci serait une véritable révolution culturelle qui demandera beaucoup de travail, du renoncement à des prérogatives, un lâcher prise de l’administration. Elle serait facilitée par une prise de position au sommet de l’État. Des assises sous le patronage du Président permettraient notamment de définir collectivement une vision de l’intérêt général, de l’engagement et de la générosité, de revisiter la gouvernance publique du secteur. 

 

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