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Par Chroniques philanthropiques par Francis Charhon - Publié le 15 mai 2024 - 17:59 - Mise à jour le 15 mai 2024 - 17:59
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[TRIBUNE] Philanthropie, Europe et démocratie, une urgence 

Les proches élections européennes soulèvent des inquiétudes, principalement en raison d'un fort taux d'abstention qui témoigne du désintérêt persistant des Français pour ce vote. Beaucoup se plaignent de la distance perçue avec l'Europe, la décrivant comme une bureaucratie et la source de nombreux problèmes affectant notre pays. Les citoyens expriment souvent un sentiment de non-représentation par les partis politiques existants. Pourtant, quitter l'Union européenne n'est plus frontalement souhaité par personne, ce qui nous oblige à coexister et à nous exprimer au sein de cet espace.

[TRIBUNE] Philanthropie, Europe et démocratie, une urgence. Crédit photo : iStock.
[TRIBUNE] Philanthropie, Europe et démocratie, une urgence. Crédit photo : iStock.

Si les critiques existent, pourquoi tant de pays et d'individus aspirent-ils à rejoindre cet espace européen ? Il est clair qu'il représente un espace de liberté, de circulation et d'expression, enviable par de nombreux pays. Les deux dernières publications sur le blog Chroniques Philanthropiques ont illustré l’utilité de l'Europe pour le développement de projets citoyens, et aussi la manière dont les fondations encouragent et contribuent à l’expression de la société civile. Les avancées récentes vers un statut européen pour les associations témoignent de la reconnaissance par le Parlement européen de la nécessité de travailler de manière transnationale pour répondre aux besoins des populations en difficulté et soutenir des projets scientifiques, culturels et environnementaux. Pour le Parlement, la préservation du secteur non gouvernemental et sa capacité à agir librement restent des principes fondamentaux.

Faire face aux ennemis de l’Europe et de la démocratie

La philanthropie repose sur des valeurs de tolérance, d'engagement, d'empathie et de respect de l'autre, en opposition à un fractionnement de la société exacerbé par les réseaux sociaux et la diffusion de fausses informations. L'enfermement dans des bulles identitaires contribue à la désintégration du tissu social et permet à des groupes extrémistes, souvent de petite taille, de dominer l'espace médiatique, créant ainsi une image déformée de la société française. Derrière cette apparence de radicalisation de la pensée, les enquêtes de Destin Commun révèlent que les Français sont fatigués de cette binarité imposée et sont bien plus nuancés que ce que le débat public pourrait suggérer. Il est crucial de déjouer les pièges de la polarisation pour aborder ensemble les véritables problèmes sociaux et apporter des réponses aux causes des éruptions sociales. Cela nécessite un engagement profond en matière de travail, de dialogue, de respect mutuel et de courage pour parvenir à des consensus. Ayons le courage de la nuance.

Observons comment certains pays instaurent progressivement des politiques qui réduisent la vie associative et la liberté d'expression, comme en Géorgie où le parlement a récemment adopté une loi controversée malgré l'opposition populaire. Dans l’espace européen, l'exemple de la Hongrie démontre également comment les libertés sont progressivement restreintes, en particulier pour les femmes, et comment des politiques anti-européennes se mettent en place. Toutefois, tout espoir n'est pas perdu, la Pologne a réussi à inverser une tendance similaire à celle de la Hongrie. Nous ne devons pas oublier que des forces externes, luttent activement contre la construction européenne par le biais d'une intense activité de réseaux sociaux et d'agents influents à la solde de la Russie. Cela peut paraître lointain et abstrait, mais c’est une réalité dont il faut que chacun prenne conscience. En se désintéressant des organisations pour lesquelles on peut voter, il ne s’y trouvera progressivement que des personnes qui décideront de notre destin. Il sera alors trop tard pour regretter. 

Au moment où l’on commémore l’armistice de la dernière guerre mondiale, il faut se rappeler que la liberté s’est payée au prix de millions de morts dont l’origine trouve ses racines dans beaucoup de renoncements et d’aveuglement face à la montée du danger. La fin de ce conflit a marqué le début d'une lente construction européenne et son élargissement progressif. Bien sûr, élaborer un projet commun avec des pays aux cultures diverses est exigeant et, bien que les décisions prises ne soient pas toujours parfaites, 80 ans de paix en ont résulté. Cette paix a installé une sorte de langueur laissant penser que l’acquis est inébranlable et qu’il n’est plus nécessaire de participer activement à notre destinée. Pourtant le danger est plus grand aujourd'hui que jamais. Perdre la liberté est possible, la reconquérir sera extrêmement complexe. 

Acteurs de la philanthropie : agir pour préserver les libertés

Pourquoi les acteurs de la philanthropie doivent-ils jouer un rôle crucial dans ces élections qui, loin d'être une simple formalité, façonneront notre avenir ? Leur nombre et leur présence active sur tous les fronts exigent qu'ils disposent d'une grande liberté d'action, sans être entravés par des réglementations restrictives. Ils ne peuvent rester indifférents face à des structures européennes potentiellement dominées par des acteurs proposant des politiques extrêmes de haine et de rejet. Les acteurs de la philanthropie sont indispensables pour mobiliser les jeunes et les populations éloignées des préoccupations européennes, pour souligner l'intérêt et les bénéfices d'une telle union. Ils doivent expliquer à ceux qui ne trouvent pas de sens au vote, que leur capacité d'expression, leur liberté de voyager et de vivre est le fruit de longues années d'histoire résultant d’efforts d’homme et de femmes engagées et de bonne volonté. 

Refuser les fatalités

Nous savons que les discours rationnels ne suffisent pas à faire voter les gens, mais il ne faut pas baisser les bras et plutôt se mobiliser pour que l'Europe soit un projet enthousiasmant, ouvert, fraternel et bienveillant. Si les résultats des élections de juin révèlent une dangereuse dérive de la démocratie, cela ne signifiera pas que tout est perdu, à condition que les gouvernements et la société civile intègrent le projet européen dans la vie quotidienne et que ce ne soit pas seulement l'affaire de quelques mois avant les élections. Chacun doit prendre sa part de responsabilité pour cesser de blâmer l'Europe pour tous les maux tout en s'exemptant des décisions prises conjointement avec les gouvernements. 

La majorité des associations et des fondations, par leur engagement quotidien, œuvrent pour une société plus juste, en luttant contre la pauvreté, pour l'environnement, l'égalité des genres, et le droit à l'expression pour tous. À ces organisations de porter, comme elles le font déjà, à Bruxelles la voix des citoyens européens, de faire évoluer la perception du rôle crucial de la société civile et son indispensable reconnaissance.

 

Francis Charhon

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