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Par ETIC – des tiers-lieux responsables - Publié le 6 septembre 2024 - 09:12 - Mise à jour le 6 septembre 2024 - 09:12
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Les portraits Foncièrement Responsables : Anne Carayon de Jeunesse au Plein Air

Rencontrez celles et ceux qui façonnent l'Économie Sociale et Solidaire en France et qui travaillent au quotidien au cœur de nos tiers-lieux professionnels et écoresponsables. Dans cette interview exclusive, nous avons le plaisir de vous présenter Jeunesse au Plein Air (JPA), une association reconnue d’utilité publique du secteur de l’éducation et de l’enfance, résidente à WIKIVILLAGE à Paris 20e. Découvrez tout de suite leur parcours inspirant, leurs défis et leurs ambitions pour l'avenir.

 

 

  • Petite présentation, qui êtes-vous ?

 

Je suis Anne Carayon, directrice de JPA et de « Partir et Devenir », le fonds de dotation de JPA.

 

Nous sommes situés dans le tiers-lieu ETIC « WIKIVILLAGE », dans le quartier Saint Blaise à Paris 20. D’ailleurs, on vient juste d'emménager - il y a une semaine exactement à l’heure de cette interview !

 

  • En une phrase, quelle est la mission principale de votre structure ?

 

Notre mission est de faciliter l'accès à l'éducation des enfants et des jeunes à travers les séjours et les loisirs collectifs : les colonies de vacances, les camps de scoutisme, les classes de découverte et les accueils de loisirs.

 

  • Quel est le principal enjeu actuel dans votre domaine ?

 

Notre enjeu est de faire reconnaître ces temps de loisirs et ces séjours collectifs comme des lieux essentiels pour permettre aux enfants et aux jeunes de se construire des souvenirs pour grandir.

Parce que ce sont des expériences et des lieux qui permettent de transmettre des valeurs, de partager avec d'autres, de découvrir de nouveaux lieux, de nouvelles activités mais aussi de nouvelles personnes, qui deviendront des ami∙es. 

On y découvre des choses nouvelles et on s'y découvre aussi soi-même, en tant qu'individu. Ces lieux vont permettre également d'apprendre la mobilité, de développer la curiosité, d'apprendre à vivre avec d'autres, avec des règles de vie différentes de celles de la maison. 

Ces temps sont finalement essentiels pour un projet de société, pour apprendre à vivre ensemble.

Ils sont essentiels et ont un impact au niveau individuel, pour bien grandir.

Aujourd'hui, il y a à peine plus d'un million d'enfants qui partent en séjour collectif, en colonie ou en camp. Sur une tranche d'âge qui concerne 12 millions d’enfants, ce n'est pas suffisant pour avoir un impact.  Si nous considérons que c'est important et que cela joue un vrai rôle, il faut qu'il y ait beaucoup plus d'enfants qui puissent bénéficier de ces lieux collectifs.

Donc notre enjeu est de re-développer ces séjours collectifs, et c'est un véritable défi. On a un slogan maintenant qui est « Permettre aux enfants de se créer des souvenirs pour devenir ». Et je trouve que ça résume bien notre mission ! 

 

  • Qui sont les publics concernés par ce que vous proposez ?

 

Tout d’abord, il y a les enfants qui bénéficient de ces séjours.

On s'adresse aussi aux jeunes animateur∙rices car aujourd'hui, on peut encadrer des séjours à partir de 16 ans. 

Les enseignant∙es et les écoles sont aussi concerné∙es. L'école a un rôle clé à jouer dans cette transmission et dans le fait de donner envie aujourd'hui aux enfants de partir en séjour collectif. 

Et enfin, nos interlocuteur∙rices sont finalement les collectivités territoriales, les comités d'entreprise, les pouvoirs publics au niveau de l'État, pour toute la partie plaidoyer.

Ce sont les personnes que l'on essaie de convaincre de l'intérêt des séjours collectifs.

 

  • Pouvez-vous nous partager vos plus belles réussites ?

 

Notre plus belle réussite se déroule actuellement : elle s'appelle le Pass colo.

Après une action de plaidoyer que nous avons commencé en 2019, nous avons mis en place une pétition en ligne pour demander la mise en place du Pass colo, qu'on a obtenu l'été dernier

Parce que le premier frein à partir en colonie de vacances, c'est le frein financier.

Avec le Pass colo, l'idée est de permettre à tous les enfants de 11 ans de partir en colonie de vacances grâce à une aide de l'État conséquente, dépendant du quotient familial de la famille.

On souhaite que dans la cour de récréation, lorsque les enfants se demandent “Tiens, qu’est-ce que tu fais cet été ?” ils et elles puissent répondre “Moi, je vais partir en colo !” quel que soit le niveau de revenu ou social de la famille.

Tous les enfants ont le droit de rêver à ce départ en colonie. Et c’est aussi là qu’on va lever le deuxième frein : c’est plus facile de partir en séjour avec un∙e camarade. Et grâce à ce Pass colo, on permet ce départ à plusieurs. Nous permettons une belle mixité sociale dans les séjours.

 

Nous avons obtenu la mise en place du Pass colo l’été dernier. Il est actuellement en train de se mettre en place pour la première fois sur le territoire.

 

  • Pouvez-vous nous raconter l'histoire de votre structure ?

 

JPA a été créée en 1938 par Georges Lapierre, un syndicaliste enseignant connu et reconnu. À l'époque, on s'appelait la Fédération des Œuvres Laïques de Vacances d'Enfants et d'Adolescents. Parce que oui, nous avons la particularité d'être une association, mais d'être également une confédération.

C’est-à-dire que nous n’organisons pas les séjours directement, ce sont nos membres (organisateur∙rices, syndicats enseignants, collectivités territoriales, la FCPE, ...) qui organisent ces séjours. Notre composition reflète cette complémentarité éducative.

Dans notre histoire, l'association a été créée en 1938 mais fut dissoute pendant la guerre de 1940 à 1945. Après la guerre, elle a été relancée pour permettre aux enfants de partir en colonie de vacances, offrant ainsi un cadre collectif de règles, de bonheur et des bénéfices en matière de repas, hygiène et santé. Déléguée par le ministère de l'Éducation nationale, l'association menait une campagne de solidarité dans les écoles où les élèves vendaient des timbres pour aider les familles à financer les colonies. Pour soutenir cette action, des comités départementaux JPA ont été créés et existent encore aujourd'hui, servant d'interlocuteurs locaux pour les familles et les écoles. En 1945, l'association a adopté le nom de Jeunesse au Plein Air, reflétant sa campagne de solidarité. Voilà pour les grands points marquants de notre histoire.   

  • Quelles sont les valeurs fondamentales qui guident votre travail au quotidien ?

 

Nous avons 3 valeurs socles : la solidarité, la citoyenneté et la laïcité.

Pour la solidarité, elle s’illustre notamment auprès des enfants avec les aides au départ ou par l’apprentissage de la solidarité. C’était ça notre campagne de solidarité initiale. Agir auprès des jeunes pour qu’ils et elles soient solidaires des autres enfants qui ne partent pas en vacances.

La citoyenneté également, parce que ces séjours permettent cet apprentissage de la citoyenneté. 

Et finalement, la laïcité car c’est ce qui a fondé nos organisations, cette ouverture à toutes et à tous. Le respect de chacun et chacune fonde notre association.

 

  • Comment mesurez-vous votre impact ?

 

Je peux vous partager ce que nous faisons :

Le premier impact pour nous et le plus simple à mesurer, c'est le nombre d'enfants et de jeunes que l'on peut aider, qui ont accès au séjour collectif à travers notre action.

C’est la donnée quantitative la plus facilement mesurable.

Pour l’aspect qualitatif, nous réalisons des enquêtes auprès des bénéficiaires, des enfants qui sont parti∙es en séjour ou de leurs prescripteur∙rices (parents, enseignant∙es, établissements scolaires,...). Ces enquêtes vont nous permettre d’adapter nos actions d’aide ou d’enrichir notre plaidoyer auprès des politiques, pour porter et déployer des aides nationales comme le Pass colo. 

Par exemple, en 2018, une étude d'impact qualitative a été réalisée auprès d'une vingtaine de jeunes adultes ayant participé à des séjours collectifs durant leur enfance. L'objectif était d'identifier les bénéfices de ces expériences. Les résultats ont montré que ces séjours avaient élargi les horizons des participant∙es, les exposant à de nouveaux lieux, activités, métiers et personnes.

Ces jeunes adultes se montraient également plus engagé∙es dans la vie citoyenne et plus tolérant∙es envers la diversité. Bien que cette étude ne soit pas conduite annuellement, elle a enrichi le plaidoyer de l'association.

Et enfin, le dernier impact que nous essayons de mesurer, c'est l'écoute qu'on peut avoir auprès des élues : comment notre discours est entendu, ou non, le nombre de rendez-vous que nous arrivons à avoir avec des élu∙es, que ce soit des élu∙es nationaux ou nos comités départementaux qui ont la même démarche auprès des élu∙es locaux pour avoir des aides et des soutiens sur les colonies.

Nous pouvons dire qu’avec le Pass colo, nous avons été entendu‧es !

 

  • Comment impliquez-vous les parties prenantes (communauté, clientèle, partenaires...) dans vos projets ?

 

Nous aimerions réussir à prendre en compte plus directement la parole des enfants, sur les besoins de ces bénéficiaires directs des séjours. Je ressens que nous sommes encore à un stade où on pense « pour » elles et eux, mais pas encore assez « avec » elles et eux. C’est assez compliqué car nous avons affaire à un public mineur, d’enfants.

En plus de cela, nous ne sommes pas directement « organisateur de séjour ».

Par contre, nous travaillons avec nos mécènes directement, ce qui nous permet de choisir en direct les besoins auxquels ils souhaitent répondre : par exemple, avec Enfance et Montagne, nous ciblons la découverte du milieu montagnard et aidons les enfants à partir en séjour à la montagne.

Avec la Maif, nous allons cibler les enfants qui habitent en milieu rural. Les études montrent que ces enfants partent beaucoup moins en vacances et en séjour collectif… Avec l'Agence nationale des chèques-vacances, nous ciblons ce même public du milieu rural, ainsi que les enfants en situation de handicap et les quartiers prioritaires. Les projets se construisent directement avec nos partenaires.  

  • Quels sont les plus gros défis que vous avez rencontrés depuis la création de votre structure ?

 

Un véritable défi, toujours bien en place, est celui de faire reconnaître le départ en vacances comme un enjeu important, si ce n'est prioritaire aujourd'hui.

Le problème est que ce n’est pas une cause visible et qui ne semble pas urgente. Si demain, il y a une catastrophe naturelle et des gens qui souffrent, c’est visible, on le voit et on peut se mobiliser. Ce n’est pas non plus quelqu’un qui n’a pas de toit, une situation sur laquelle on peut se projeter en croisant la personne.

Quand nous ne partons pas en vacances, ça ne se voit pas. Quand je pars en vacances, finalement, je ne croise pas les personnes qui ne partent pas. Et donc cette cause n’apparaît pas comme prioritaire.

Alors que partir en vacances, c’est important : les témoignages, les études et les retours qui existent le prouvent. Cela permet de changer tellement de choses, et notamment de se découvrir, de changer l’image de soi, de ré-attaquer tout le reste en étant ressourcé∙e et plus fort∙e qu’avant... C’est un défi de faire comprendre que la cause des vacances est une cause importante.

 

  • Quelques chiffres importants à nous partager ?

 

  • Une « petite » équipe de 15 salarié∙es, mais très mobilisée ! D’ailleurs, le lieu du déménagement dans le lieu de travail WIKIVILLAGE joue aussi sur la mobilisation.
  • L’an dernier, nous avons pu aider environ 25 500 enfants à partir en séjour collectif grâce à nos partenaires et donateur∙rices
  • 6190 enfants sont parti∙es en colonie de vacances grâce à l’appel à la générosité et l’aide des comités départementaux
  • C’est également 352 enfants en situation de handicap qui sont parti∙es grâce à notre partenaire ANCV.

 

 

  • Pourquoi avez-vous choisi de louer vos bureaux dans un tiers-lieu éco-responsable ETIC ?

 

Nous avions besoin d’être en cohérence avec nos valeurs au quotidien. Nos prédécesseur∙euses avaient acheté de très beaux locaux vers les Champs-Élysées. Ce qui est parfaitement dans le thème « vacances et tourisme », mais ce n’était pas en adéquation avec nos valeurs. Nous travaillons désormais à WIKIVILLAGE dans Paris 20e, dans un quartier en réhabilitation, et qui est également situé à proximité d’une école, ce qui nous permettrait en plus d’être en contact avec le terrain. D’autant plus que le développement durable et la RSE sont des sujets importants pour nous, et nos pratiques doivent donc être aligné∙es et cohérent∙es avec ces points. 

Il y avait aussi une volonté de rencontrer de nouvelles personnes, de partager avec d’autres structures. Nous sommes convaincu∙es que ces rencontres pourraient mener à de nouveaux projets auxquels nous n’aurions pas pensé. Nous sommes impatient∙es de ces rencontres !

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©Nicolas Grosmond

 

  • Entrepreneuriat engagé : Quels conseils donneriez-vous à d'autres organisations qui souhaitent se lancer dans votre secteur et/ou l’ESS ?

 

Mon premier conseil est en lien avec notre déménagement pour travailler dans les bureaux de WIKIVILLAGE : être en cohérence dans sa pratique de dirigeant∙e, entre les valeurs défendues et la mise en œuvre.

Mon deuxième conseil serait de savoir s’appuyer sur la richesse que représente la gouvernance de nos associations pour développer la mission et enrichir les actions sur le terrain. Être une association n’empêche pas d’être agile : nous pouvons aussi se réunir rapidement, faire des réunions courtes, prendre des décisions... Il y a une véritable richesse grâce à ces regards croisés. Mon conseil serait donc de savoir en faire une force.

 

  • Quel est le meilleur conseil que vous ayez reçu en tant que dirigeant∙e de JPA ?

 

Ne pas oublier la raison pour laquelle nous nous mobilisons ! 

Nous ne devons pas oublier le sourire des enfants qui rentrent de séjour. Nous agissons pour le droit aux vacances dans l’intérêt des enfants et des jeunes, mais parfois, nous pouvons s’en sentir éloigné∙es. 

Pour cela, nous allons sur le terrain et gardons ce contact avec les bénéficiaires, les enfants. Il faut vraiment garder en tête ce pourquoi nous sommes là.

 

  • Comment voyez-vous l'évolution de votre secteur dans les prochaines années ?

 

Positivement, grâce à un conseil d’administration et un président moteurs.

L’idée est de développer le nombre d’enfants qui partent en séjour collectif. Aujourd’hui, à peu près un million d’enfants partent en séjour. Nous avons mis en place un manifeste sur lequel on essaie de récolter des signatures. Parce que sur 12 millions d’enfants, 1 million d’enfants qui partent en séjours collectifs, ce n’est pas suffisant pour avoir un impact sur la société.

Donc nous nous devons de rapidement doubler le nombre de départs et arriver à 2 millions d’enfants en vacances prochainement. C’est notre prochain défi !

 

 

  • Quels sont vos objectifs et projets pour les prochaines années ?

 

Pour atteindre cet objectif de 2 millions d’enfants en séjours collectifs, il faut que nous changions de taille et de structure, que nous trouvions de nouveaux et nouvelles mécènes ou donateur∙rice, de nouvelles personnes pour animer et faire de l’animation occasionnelle, faciliter l’accès à leur formation BAFA, trouver de nouveaux lieux pour accueillir les séjours, ... Donc nous sommes vraiment sur un défi de développement !

 

  • Où est-ce qu’on peut vous retrouver pour suivre les actualités de votre structure ?

 

Notre site internet : https://jpa.asso.fr/

 

Sur les réseaux sociaux :

Instagram : https://www.instagram.com/jpa_nationale/

LinkedIn : https://www.linkedin.com/company/jeunesse-au-plein-air/

Facebook : https://www.facebook.com/jpa.asso.fr

 

  • Le mot de la fin : quel dernier message est-ce que vous aimeriez transmettre ?

 

Ce serait finalement pour celles et ceux qui ont la chance de partir en vacances : prenez le temps de penser à tout ce que ça vous a apporté. Vous verrez à quel point c’est important et pourquoi il faut agir pour que plus d’enfants puissent partir en séjour collectif.

Comme le dit notre slogan : « Aider à partir en colo’ pour se créer des souvenirs, pour devenir ! »

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