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Par Fidal Impact / Fidal « Mécénat & Fondations » - Publié le 14 novembre 2023 - 09:46 - Mise à jour le 22 novembre 2023 - 16:11
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La santé au travail, parent pauvre de la RSE : Où en sont les pratiques ?

Le nombre d’entreprises ayant engagé des démarches RSE ne fait que croitre, ce qui pourrait être une bonne nouvelle pour la santé au travail qui en est un des piliers. Or, force est de constater que c’en est le parent pauvre, éclipsé par les engagements climatiques et grevé par le manque d’une approche globale de la santé physique et mentale des travailleurs. Nous vous proposons dans ce premier article de faire le point sur les pratiques en la matière. Un second article abordera l’environnement juridique de la santé au travail.

Santé au travail, parent pauvre de la RSE : Où en sont les pratiques ? - Crédit photo : DR.
Santé au travail, parent pauvre de la RSE : Où en sont les pratiques ? - Crédit photo : DR.

La santé au travail : état des lieux

C’est un fait : nos organisations investissent de plus en plus dans le champ de la RSE, et c’est heureux. Ainsi, près de 30 % d’entreprises françaises de toutes tailles sont déjà bien engagées dans une démarche responsable, ce qui nous placerait dans le TOP 5 mondial après les pays du Nord de l’Europe (Ecovadis - Le médiateur des entreprises - Performances RSE des entreprises françaises et européennes - Comparatif OCDE et BICS - Edition 2023 : 2018-2022). Ce n’est pas encore assez, certes, mais la dynamique est bien là, portée par les exigences croissantes de leurs parties prenantes sur le sujet, dont les clients, mais aussi par l’obligation de publier, au-delà d’un certain seuil, une déclaration annuelle de performance extra-financière (DPEF) incluant ces engagements RSE. 

Pour mener une telle démarche, la norme ISO 26000 définit 7 thèmes devant être traités, parmi lesquels se trouvent la protection du consommateur, de l’environnement, les droits de l’homme, les relations et conditions de travail. Il est donc intéressant de regarder de plus près quels sont les champs d’action les plus investis, et surtout, quels objectifs de résultats les entreprises se donnent à ce sujet. La dernière étude en date ayant fait ce travail place les actions en faveur de l’environnement au premier rang, talonnées par le thème « social et droit humain », devant le thème « éthique » puis « achats responsables ». On pourrait donc penser que la santé au travail, relevant du second thème, occupe le « haut de la pile » des engagements pris. Or, tel n’est pas le cas…

En effet, l’analyse des documents d’enregistrement universel des grandes entreprises nous montre bien la prévalence des actions menées au titre de la protection de l’environnement, guidées notamment par les 17 objectifs de développement durables des Nations unies et par la taxonomie verte européenne fixant les seuils de reconnaissance d’une activité durable. Tout est clair, précis, et même si le greenwashing est loin d’être mort, force est de constater que les ambitions s’inscrivent dans une approche globale du sujet. En résumé, nous disposons d’un cadre de référence digne de ce nom, d’objectifs précis pour le couvrir, de moyens pour les alimenter, et surtout, avec des enjeux d’image et financiers stratégiques à la clé pour les prioriser. C’est là tout ce qui manque à la santé au travail !

La santé au travail :  un état de bien-être physique, mental et social

Tout d’abord, le cadrage de cette notion, à savoir celui donné par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et l’Organisation Internationale du Travail (OIT) qui la définissent comme un état de « bien-être physique, mental et social » dans une approche globale et indissociable de ces trois dimensions n’est jamais posé. Le champ de ce concept n’étant pas défini ni vraisemblablement acquis, les objectifs qui lui sont attribués pourront ne le couvrir que partiellement, et c’est malheureusement ce que l’on constate : ils reprennent les 4 droits fondamentaux au travail issus de la déclaration de l’OIT avant sa mise à jour en 2022, à savoir : la liberté d’association et la reconnaissance effective du droit de négociation collective, l’élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire, l’abolition effective du travail des enfants et l’élimination de la discrimination en matière d’emploi et de profession. Ainsi, les seuls objectifs de résultats qui sont systématiquement annoncés se concentrent sur des indicateurs de mixité sociale, tout particulièrement l’égalité femme-homme, et de réduction des accidents du travail. Puis viennent parfois s’ajouter des indicateurs d’absentéisme, de formation, voire, pour certaines industries, d’évolutions ergonomiques ou d’exposition à des agents chimiques dangereux. 

Ce n’est pas rien, car tous ces items sont d’importance, mais si c’est bien la santé au travail qui est visée, à vrai dire, le compte ne peut pas y être. Quand on sait que les politiques sécurité, qui y sont citées et ne visent que la réduction des accidents du travail, ont par construction placé la santé mentale dans leur angle mort, et sont défaillantes à agir sur les causes organisationnelles de dégradation des situations de travail, comme la charge de travail ou la rupture des équilibres vie personnelle – vie professionnelle, par exemple, ce n’est pas en leur rajoutant une couche, certes indispensable, de diversité et d’inclusion que l’on arrivera à l’objectif. Et c’est pourtant ce qui est fait. Quant au reste des actions mises au crédit de l’entreprise, elles visent le plus souvent à côté de la prévention par des mesures comme des formations faisant reposer leurs effets sur les seules épaules des individus qui les reçoivent, des lignes de soutien psychologique ou des actions de compensation comme des programmes de méditation ou de développement personnel.

Le travail brûle, et nous regardons ailleurs…

La RSE, a contrario des thèmes liés à l’environnement ou aux achats responsables, n’a eu pour effet que de cautionner les politiques sécurité en place, quand elles existaient, avec tout ce qu’elles ont apporté, mais aussi tout ce qui leur manque pour atteindre l’objectif de santé au travail qui est pourtant annoncé : l’approche globale de la santé physique et mentale et une dynamique d’écoute des travailleurs pour débattre des situations auxquelles ils sont réellement confrontés dans toutes leurs dimensions : techniques, organisationnelles, relationnelles et conjoncturelles, afin de participer à leur amélioration continue. 

Ce changement culturel, pourtant consubstantiel au concept même de santé au travail, n’a pas été enclenché, et ne le sera pas en l’état. 

Comment peut-on revendiquer un objectif de santé au travail d’un côté, et ne compter que les accidents du travail de l’autre ? Ceci ajouté au fait que 60 % des salariés travaillent tout le temps ou au moins une partie du temps dans un bureau où prédominent des risques pychosociaux qui échappent par nature aux démarches sécurité, ce n’est plus un trou dans la raquette dont il s’agit. C’est un trou pour la raquette. 

Ainsi, voit-on en France se dégrader tous les indicateurs de santé mentale, avec une multiplication par 25 en 10 ans des troubles psychiques reconnus d’origine professionnelle, ou encore un absentéisme record sur 2022 touchant un salarié sur deux avec pour première cause d’arrêts longs les troubles psychologiques liés au travail, qui ont triplé en trois ans. Même les accidents du travail, ceux que l’on connaît du moins, stagnent sur un plateau qui n’est rien d’autre que l’expression de cette déficience à agir et transformer l’organisation du travail.

Ce n’est cependant ni un hasard, ni une fatalité. On ne peut pas continuer plus longtemps à fracturer l’approche globale de la santé au travail en se donnant d’un côté des objectifs de résultat sur la santé physique et de l’autre des objectifs de moyens sur la santé mentale. C’est délétère, et précipite la perte de sens et d’efficience qui affecte aujourd’hui l’attractivité, la conservation et l’engagement des talents.

Agir plutôt que subir

Rien ne nous empêche de défendre et partager l’approche globale de la santé et l’indissociabilité de ses composantes comme seul point de départ possible à la construction éclairée de la vision de l’entreprise à son sujet. Bien comprendre pour bien agir.

Rien ne nous empêche d’en déduire et alimenter des indicateurs nouveaux de résultats qui couvrent dans sa globalité le concept de santé physique et mentale, tel qu’il a été placé sous la responsabilité directe de l’employeur par le Code du travail, mais plus largement encore, tel que l’OIT l’a inclus en 2022 dans le principe d’un « milieu de travail sûr et salubre » comme cinquième droit fondamental au travail : « une protection adéquate de la vie et de la santé des travailleurs dans toutes les occupations » est une « obligation solennelle pour l’Organisation internationale du Travail ».

Rien ne nous empêche de défendre et partager l’approche globale des situations de travail dans toutes leurs composantes afin d’évaluer les risques de toutes natures qu’elles peuvent comporter sur la santé physique et mentale des salariés, pour les prévenir.

Rien ne nous empêche de stopper l’élan de cette hyperindividualisation du risque qui fait reposer ex nihilo sur la seule conscience ou volonté des travailleurs le respect de consignes qui creusent un peu plus l’écart entre leur travail prescrit et leur travail réel à grandes pelletées d’injonctions paradoxales. Comme on fait signer une charte de droit à la déconnexion, par exemple.

Rien ne nous empêche de laisser se gadgétiser le concept de Qualité de Vie au Travail pour en faire le refuge des mesures de compensation des effets du travail sur la santé des travailleurs plutôt que de leur prévention.

Rien ne nous empêche de poser comme exigence de résultat la maîtrise de la charge de travail, en commençant par la chasse aux situations de travail dégradées, comme un pilier incontournable du dialogue social.

Tout nous conduit à faire de l’écoute des travailleurs le ferment de leur participation au débat et à l’amélioration continue de la façon dont ils font et vivent leur travail.  « Écouter » ne doit pas être compris comme un supplément d’âme managériale mais comme une condition méthodologique d’accès à la part subjective de la santé et des situations de travail. C’est exactement pour cette raison qu’il faut en faire le dixième principe général de prévention, qui serait ajouté aux fameux 9 autres principes définis à l’article L. 4121-2 du Code du travail.

Enfin, tout nous invite à chercher et trouver cet itinéraire nouveau qui permettrait à toute entreprise, de toute taille et tout secteur d’activité, d’atteindre concrètement et globalement cet objectif de santé et qualité de vie au travail en harmonie avec les autres champs de sa responsabilité sociétale, au plus grand service de sa performance globale. La condition pour cela sera bien de les approcher non pas en silo, mais globalement comme autant de vases qui communiquent et se déversent les uns dans les autres : ainsi le changement climatique augmente-t-il les risques d’atteinte à la santé des travailleurs, réduire l’un induisant donc de réduire l’autre. L’exercice effectif de la responsabilité sociétale sera global, ou ne sera pas.

Une fois établis ces objectifs et moyens nouveaux, nous disposerons alors d’une matière indispensable à l’élaboration d’une taxonomie sociale qui n’en finit plus d’échapper à ses contours. Et plutôt que de le dire ou de l’attendre, nous nous sommes, à quelques-uns, attelés à la déraisonnable ambition de vouloir le faire.

 

Par Vincent BAUD (Conseil en Santé et QVT / Cabinet MASTER, partenaire de Fidal Impact), Auteur de « La QVT : en finir avec les conneries » (Éditions MASTER - THEBOOKEDITION - 388 pages - 2022).

 



Fidal Impact

Nous pensons que chaque personne, physique ou morale, chaque organisation peut jouer un rôle dans la transition nécessaire face aux enjeux actuels parmi lesquels l’étalement urbain, l’artificialisation des sols, la perte de biodiversité…

En conjuguant droit et stratégie, Fidal Impact a pour objectif d’accompagner la mutation et l’action des entreprises, des collectivités et de tous les acteurs qui en ont la volonté.

Nous sommes aussi convaincus que ce n’est qu’en incluant réellement tous les salariés dans la démarche que l’on pourra véritablement mettre en œuvre une transition écologique réussie de l’entreprise.

Fidal impact et son partenaire, le cabinet MASTER, vous proposent d’engager ou renforcer votre démarche RSE par une démarche globale incluant la composante santé et qualité de vie au travail, construite à partir d’un diagnostic initial pour un accompagnement sur mesure : scoring de risque et matrice de compliance, ateliers d’intelligence collective pour identifier les enjeux et priorités stratégiques et juridiques.

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