L'impact des fondations territoriales
Depuis une dizaine d’années, les fondations territoriales se développent. Elles sont le reflet d’une double dynamique : l’envie d’agir à l’échelle d’un territoire et le besoin de trouver, collectivement, des réponses adaptées aux enjeux locaux.
Ce sont des particuliers, des familles, des entreprises ou des collectifs d’acteurs venus d’horizons divers mais qui, tous, ont en commun le désir d’agir pour leur territoire. Derrière les fondations territoriales se trouvent une grande diversité de fondateurs à l’image de celle des territoires et une grande diversité d’objectifs et de préoccupations. Certaines se fixent un rayon d’action à l’échelle d’une ville, comme la Fondation de Marseille ou la Fondation Fier de nos quartiers qui rayonne à la Rochelle. D’autres choisissent d’agir dans toute une région, comme la Fondation Notaires et Bretons ou la Fondation des Lumières qui se mobilise pour l’ancien bassin minier du Nord. C’était aussi l’enjeu du programme Dynamiques territoriales de la Fondations de France, mené durant plus de dix ans dans des régions sensibles. L’objectif était de favoriser les idées et initiatives de nature à revitaliser un territoire, qu’il s’agisse de recréer des lieux de vie, de favoriser la création de nouvelles activités intéressantes pour la région. Le programme s’est transformé en 2021. Rebaptisé Démarches territoriales, il a pour objectif de réunir des associations, collectifs d’habitants, acteurs publics ou privés et mécènes autour d’un objectif commun et ainsi de répondre aux besoins spécifiques d’un territoire donné.
Les fondations territoriales agissent localement pour agir concrètement
Agir à l’échelle territoriale conjugue de nombreux atouts : le territoire est un catalyseur d’actions, il permet aux habitants, aux acteurs associatifs de se projeter dans un imaginaire collectif qui favorise les projets communs, de voir concrètement ce que produit leur action, d’en mesurer les résultats. Au niveau local, on connaît mieux les besoins spécifiques d’une ville, d’un quartier ou d’un bassin de vie, et les acteurs de terrain prêts à s’impliquer. Yann Desdouets, délégué général de la Fondation de France Grand Ouest, a accompagné en 2022 la création de 9 fondations au sein de sa région : « le territoire est un espace où les relations sont facilitées car on se connaît. Cette prise directe avec la réalité des besoins et les acteurs donne à l’action de proximité une dimension très concrète ». Cette philanthropie de proximité, dont on mesure plus facilement les effets, la Fondation des Notaires Engagés du Rhône l’a expérimentée pour sa première année d’exercice. Créée en 2023, elle réunit 612 notaires issus de 200 études de la région et a choisi de se mobiliser pour la jeunesse en soutenant les jeunes de 16 à 25 ans en difficulté financière. « Cela leur permet d’acheter un ordinateur, des billets de train pour aller passer un concours, des vêtements pour un entretien d’embauche... C'est très concret », explique le président de la Fondation, Maître Jean Auvolat.
Une connaissance fine des réalités et des besoins du terrain
Avec ses six fondations régionales, la Fondation de France accompagne toutes les envies d’agir au plus près du terrain, en repérant les besoins et en mettant en relation les acteurs indispensables pour agir efficacement. Cet ancrage territorial s’est renforcé depuis la crise sanitaire du Covid. Ainsi le programme Démarches territoriales a vu le jour en 2020. L’idée : co-construire avec les acteurs du territoire des solutions adaptées aux besoins spécifiques de la région. Parmi les initiatives soutenues, Point d'eau, un accueil de jour destiné aux personnes en grande précarité de Grenoble. Grâce à des partenariats noués avec les acteurs de la région, l'association a pu élargir son offre de services : accès au soin et à l’hygiène, aide administrative et juridique, organisation d’ateliers culinaires, sportifs et culturels...
Grâce aux fondations territoriales, des coopérations facilitées
La proximité favorise en effet les coopérations et les mises en réseau qui permettent de construire des solutions coordonnées, efficaces et durables. Illustration avec La Fondation du Nord créée en 2018 et qui soutient des actions innovantes de Dunkerque à Fourmies. Pour cela, elle travaille en coordination avec tous les acteurs locaux concernés : structures de l’Économie Sociale et Solidaire, collectivités, entreprises et autres fondations. Depuis sa création, 50 projets ont été soutenus, comme celui de l’association DesCodeuses qui accompagne les femmes éloignées de l’emploi grâce à une approche au cœur des quartiers prioritaires. En mobilisant les entreprises engagées (OVH, AXA, BNP Paribas, Société Générale, L’Oréal), les acteurs de l’emploi et de l’insertion ainsi que les associations locales d’accompagnement de ce public cible, 30 femmes de 18 à 45 ans sont aujourd’hui en pré-qualification d’un parcours de formation d’un an qui doit les mener jusqu’à un emploi dans le numérique. 16 sont actuellement en formation et 90 % des femmes ayant terminé le programme sont en poste.
Cette capacité à mettre en lien et à catalyser les envies d’agir autour d’un objectif commun nécessite de bien connaître l’ensemble des acteurs d’un territoire. C’est dans cet esprit qu’en 2020, la Fondation de Marseille a été créée. Cécile Malo, alors déléguée générale de la Fondation de France en Méditerranée, se souvient : « Marseille est un territoire auquel les habitants sont très attachés mais qui connaît de grandes disparités et où la culture philanthropique n’est pas portée par de grandes familles d’industriels, comme cela peut exister dans d’autres régions. Un collectif d’entrepreneurs a décidé de s’engager en 2020 autour de l’emploi, du logement et de l’éducation pour lutter contre la pauvreté. Je suis convaincue que la Fondation de France doit jouer un rôle d'appui dans l'émergence et la structuration de ce type de collectifs. »
L’intelligence collective fait naître les meilleures solutions.
La clé de la réussite, c’est de réunir des compétences diverses pour éviter que les partenaires ne se ressemblent trop. Nous travaillons avec des grosses entreprises implantées sur notre territoire, comme Engie, EDF ou Suez, mais également avec des PME et des TPE qui n’auraient pas les moyens d’agir seules. Chacune, quelle que soit sa taille, a sa place et son importance. En multipliant des points de vue différents mais complémentaires, on est réellement efficaces. J’ajoute qu’il est intéressant de compter un bailleur social dont la connaissance du terrain permet d’identifier les publics vraiment en difficulté, restés parfois en dehors des radars des structures classiques.
Dominique Soyer, président de la fondation territoriale des Lumières
L’occasion d’innover, d’expérimenter et d’adapter
Le niveau local est un terreau particulièrement fertile pour tester, expérimenter, adapter de nouvelles façons de faire, dont les effets peuvent se mesurer plus rapidement, au quotidien. Comme l’explique Dominique Soyer, président de la Fondation Territoriale des Lumières qui lutte contre les précarités, dans le bassin minier : « les fondations territoriales représentent un très bon modèle à développer : ce sont des communautés de projets fluides pour mener des actions, vérifier que les solutions sont efficaces et les ajuster si nécessaire. On est dans la proximité, donc on s’adapte à la réalité du territoire. »
Ainsi, depuis plus de trois ans, la fondation soutient l’École des geeks du bâtiment qui forme des jeunes décrocheurs, avec un programme qui prend en compte des besoins en main-d’œuvre du territoire. Trois promotions sont déjà issues de cette initiative, et grâce au partenariat noué avec des entreprises locales, les jeunes ont pu facilement être accueillis en stage. Cette agilité et cette possibilité d’expérimentation sont aussi ce qui a fait le succès du projet Territoire Zéro Chômeur de Longue durée. Cette initiative expérimentale portée par ATD Quart Monde et soutenue par la Fondation de France a débuté en 2013. Son objectif : répondre à la problématique du chômage de longue durée et redynamiser des territoires économiquement sinistrés. Comment ? En employant des personnes éloignées de l’emploi dans des entreprises de l’économie sociale et solidaire (au sein d’entreprises à but d’emploi). Après avoir été testé au sein de 10 territoires pilotes, le dispositif est aujourd’hui repris par les pouvoirs publics et étendu à 58 territoires.
actuellement accompagnées par la Fondation de France
+ de 850 fondations territoriales recensées en Europe, dans 22 pays (source : European Community Foundation Initiative)