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Par Fondation des solidarités urbaines - Publié le 5 juin 2024 - 09:00 - Mise à jour le 5 juin 2024 - 16:52
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Transition écologique : mettre au cœur de l’action les jeunes des quartiers prioritaires de la politique de la ville

Nous ne sommes pas tous égaux pour agir en faveur de la transition écologique. C’est notamment le cas des jeunes dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) qui, bien que vulnérables face aux conséquences du réchauffement climatique, ne se sentent ni légitimes ni outillés pour passer à l’action. C’est pourquoi makesense propose aux jeunes et aux responsables associatifs qui les accompagnent, en Ile-de-France, une formation pragmatique et innovante à l’échelle ultra-locale. Imaginé sous forme de recherche-action, le projet est soutenu par la Fondation d’entreprise des solidarités urbaines et la Fondation Macif, dans le cadre d’un appel à projets commun sur la thématique « le pouvoir d’agir ensemble sur son cadre de vie ».

des ateliers sur la transition écologique menés par les responsables associatifs avec des jeunes des quartiers prioritaires politique de la ville
des ateliers sur la transition écologique menés par les responsables associatifs avec des jeunes des quartiers prioritaires politique de la ville

Crise climatique et vie de quartier dans les QPV

Pourquoi vivre dans un quartier prioritaire de la politique de la ville expose davantage aux risques climatiques ? Parce que ces territoires sont marqués par la pollution, le manque d’accès à une alimentation saine et aux soins médicaux, la mauvaise isolation des logements, la précarité. Autant de facteurs qui exacerbent les difficultés à endurer de probables bouleversements – canicules, vagues de froid, dérèglements.

Pourtant, l’empreinte carbone des habitants de ces quartiers est bien inférieure à la moyenne nationale : 3 à 6 tonnes de CO2 par an pour les jeunes rencontrés, contre une moyenne nationale autour de 8 tonnes. Un chiffre qui explique en grande partie la non-pertinence d’un discours orienté uniquement sur les efforts individuels – voire son rejet. Conscients du problème écologique, les jeunes des quartiers populaires ont un sentiment d’impuissance pour y faire face, accru par le fait qu’ils ne se reconnaissent ni dans la promotion des écogestes, vécue comme injuste dans un quotidien marqué par les difficultés matérielles, ni dans les actions écologiques militantes.

« Ils ne sont pas associés aux décisions et sont exclus de l’organisation d’actions collectives. Ces mécanismes d’exclusion viennent s’ajouter aux freins matériels et à la difficulté à se projeter dans une temporalité lointaine. »

Irène Colonna d’Istria, directrice des programmes Transition Juste de makesense

« Transition Juste » : une approche locale de terrain pour un enjeu d’envergure

La démarche de makesense est née de la volonté de redonner aux jeunes de quartiers populaires leur place dans le débat public sur la transition écologique. Et donc les moyens de s’en emparer. Pour s’adresser à eux, l’association a choisi de s’appuyer sur les responsables associatifs. Véritables tiers de confiance, ces derniers accompagnent les jeunes au quotidien, connaissent leurs habitudes et leurs besoins, les voient évoluer sur plusieurs années.

Makesense a donc conçu le programme « Transition Juste », déployé en Ile-de-France, qui forme et outille les responsables associatifs, puis leur met à disposition deux ateliers clés en main de 3 heures, ludiques, à mener avec les jeunes qu’ils encadrent. 

Le premier atelier aborde l’adaptation aux changements climatiques, leur impact sur la vie quotidienne, le cadre de vie, le territoire. In fine les jeunes comprennent comment être un relais de mobilisation dans leur quartier, pour que les choses changent. Le second atelier porte sur les questions d’emploi et de transformation de l’économie. L’objectif est de montrer aux jeunes que l’écologie est aussi un secteur pourvoyeur d’opportunités professionnelles, dont ils peuvent se saisir pour réussir leur insertion dans la vie active. 

Le corollaire de ces deux sessions est un passage à l’action très concret. Les jeunes étudient leur territoire, identifient une initiative écologique bénéfique et pertinente, puis la mettent en place.

« Nous voulons les mettre dans une posture constructive. Aller sur le terrain a un effet transformateur car ils constatent qu’ils sont écoutés et que leurs propositions suscitent de l’intérêt. Cela leur donne de la légitimité à agir. »

Irène Colonna d’Istria, directrice des programmes Transition Juste de makesense

Lorsque cela est nécessaire, un animateur makesense vient épauler la mise en place des ateliers. L’association propose également un coaching personnalisé dans la durée, pour accompagner les responsables associatifs dans l’installation de ces nouveaux mécanismes.

Pour que la mise en œuvre du projet se fasse au plus près de la réalité du territoire, makesense veille en amont à répertorier s’il existe ou non des initiatives pédagogiques en matière de transition écologique. Soit elle les rend plus visibles en y incorporant son parcours d’ateliers, soit, si un territoire en est dépourvu, l’association co-construit alors de A à Z le programme avec les acteurs associatifs locaux. Dans tous les cas de figure, elle tient le plus possible à mettre en lien les structures les unes avec les autres. « L’objectif final, résume Irène, est de créer un commun pédagogique et de le diffuser aux organisations ».

« Sensibiliser les jeunes aux enjeux citoyens »

Amaury Genevée Grisolia fait partie des responsables associatifs engagés dans la démarche proposée par makesense. Éducateur sportif de la section judo de l’Entente Sportive de Vitry, qui compte à elle seule près de 600 adhérents, il souhaite que le sport soit un support pour sensibiliser les jeunes à des enjeux citoyens plus larges. Dont l’écologie : « Nous avions déjà fait une fresque du climat, mais pour que les jeunes se sentent vraiment concernés, il manquait le volet passage à l’action que nous propose makesense. Ça fait vraiment la différence. »

Le premier atelier a été très productif. Les participants ont créé un projet mêlant sport et écologie, intitulé « jette ton mégot, va faire du cardio ». Après avoir ramassé le plus de mégots de cigarettes possibles en une heure, ils sont allés démarcher les commerçants pour les sensibiliser au sujet et leur proposer d’installer un cendrier logoté aux couleurs du club. Une étape décisive selon Amaury. « Ils se sont rendu compte qu’ils pouvaient avoir un discours de plaidoyer pour une cause. »

Pour le second atelier, Amaury a choisi de le faire coïncider avec un autre temps fort du club : la « caravane à vélo », un voyage de 10 jours à vélo en totale autonomie au départ de Vitry jusqu’aux abords de la Loire, en juillet 2024. À chaque étape du trajet, en plus de la session sportive prévue avec les clubs locaux, le groupe de jeunes abordera les questions d’emploi et d’économie résiliente. « Nous voulons leur montrer qu’il y a d’autres façons de voyager, de s’amuser, de découvrir. Nous avons cherché à lier pratique sportive et écologie dans un format ludique », explique Amaury. 

L’Entente Sportive de Vitry souhaite voir la démarche prendre de l’ampleur dès la rentrée prochaine, en embarquant d’autres sections sportives parmi les 35 disciplines représentées au sein de ce club centenaire.

Nourrir l’action par la recherche

Makesense a donné une place stratégique à l’évaluation dans ce projet de recherche-action. Une doctorante CIFRE, en lien avec le pôle Recherche de l’association Ghett’up, a mené plusieurs travaux pour éclairer la démarche d’élaboration et de recueil de données quantitatives et qualitatives.

Une première étude a précisé, via des entretiens semi-directifs, les besoins des jeunes afin de concevoir des ateliers pertinents et de les piloter par une mesure d’impact. L’étude a révélé que si les jeunes sont tous préoccupés – et c’est un fait –, leurs points de vue sont divergents sur certains sujets comme la responsabilité vis-à-vis du changement climatique ou encore le fait que la transition écologique soit une opportunité pour leur avenir. Cela a représenté à chaque fois un point d’appui pour aller solliciter leur opinion et les discussions en atelier. 

La seconde étude menée a révélé de nombreux apprentissages sur lesquels capitaliser. Notamment, le programme « Transition Juste » crée un espace de parole et d’action qui n’existe pas pour ces jeunes et dont ils ont besoin. Pourquoi ? Parce que lorsqu’on les interroge en fin de cycle d’ateliers, ils déclarent majoritairement être plus enclins à continuer une action de proximité, dans leur territoire, que d’oser pousser les portes d’une association écologique qui pour eux est un monde très différent, avec des codes qu’ils ne maîtrisent pas.

Makesense envisage une mesure d’impact à plus long-terme, en organisant des entretiens pour savoir de quelle manière les jeunes auront ou non fait perdurer leur engagement écologique. L’association va également créer une cartographie des initiatives, nouvel outil au service d’un « commun pédagogique ».

Un rapport de recherche, présentant la méthode, les résultats, les contenus et les projets, sera présenté en 2025.

Premiers jalons et perspectives

Aujourd’hui, makesense a formé 90 responsables associatifs d’Ile-de-France et plus de 450 jeunes. L’ambition de former 2 500 jeunes et 120 responsables associatifs  est un objectif que l’association pense atteindre d’ici 2025 pour permettre à tous les groupes de passer à l’action dans de bonnes conditions, selon leur propre temporalité.

La mise en réseau est également un aspect essentiel pour que le mouvement perdure.

« Nous travaillons sur l’activation d’un collectif d’associations impliquées dans notre démarche. Nous aimerions créer des ponts avec les associations écologiques existantes, pour que ces méthodes puissent être transposées dans d’autres contextes, auprès d’autres acteurs du changement. »

Irène Colonna d’Istria, directrice des programmes Transition Juste de makesense

Makesense souhaite d’ailleurs organiser un temps fort de rencontres entre responsables associatifs, dès le mois d’octobre 2024.

 

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