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Par Fondation FDJ - Publié le 10 septembre 2021 - 14:43 - Mise à jour le 27 octobre 2021 - 11:31
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Tous unis pour lutter contre la précarité étudiante

Précarité alimentaire, difficultés financières et matérielles, mal-être, manque de perspectives, décrochage scolaire, aucune composante de la vie étudiante n’a été épargnée par la crise sanitaire. Malgré plusieurs mesures d’urgence mises en place par le Gouvernement à destination des jeunes et la mobilisation des associations, de nombreuses voix s’élèvent et alertent sur le caractère structurel de la précarité étudiante.

Tous unis pour lutter contre la précarité étudiante. Crédit photo : iStock.
Tous unis pour lutter contre la précarité étudiante. Crédit photo : iStock.

« C’est dur d’avoir 20 ans en 2020 », reconnaissait le Président de la République Emmanuel Macron dans son allocution aux Français le 14 octobre dernier. Un an plus tard, alors que la jeunesse s’apprête à reprendre le chemin de la fac et des salles de cours - en présentiel cette fois -, la question de la précarité étudiante, révélée dès les premières semaines de la crise sanitaire, est toujours d’actualité. Le Covid 19  - et ses nombreux variants – continuent d’inquiéter les gouvernements et les populations du monde entier. Dans ce climat d’incertitude, la jeunesse, reconnue comme la population la moins atteinte par les formes graves de contaminations, paye pourtant le prix fort dans cette crise sanitaire : elle est frappée de plein fouet par la précarité. Si la précarité étudiante existe depuis des années -  en 2016, 21 % des étudiants vivaient déjà sous le seuil de pauvreté selon l’Insee -, la crise sanitaire l’a considérablement accentuée. À tel point que 79 % d’entre eux estiment que leur génération est aujourd’hui sacrifiée, selon un sondage Odoxa-Backbone consulting pour Franceinfo et Le Figaro réalisé en décembre 2020. Les trois-quarts des jeunes interrogés (75 %) estiment avoir subi des préjudices importants du fait de la crise sanitaire, que ce soit sur le plan de l’emploi, de leurs études ou de leur vie affective. 

Une plongée dans la précarité financière

Et pour cause, dès le premier confinement, les jeunes ont été les premiers à rencontrer des difficultés sur le marché de l’emploi. La disparition d’une grande partie des stages et des jobs étudiants (baby-sitting, restauration...) a engendré une perte de revenus conséquente pour ces jeunes. Muhammed, 28 ans, en master management des organisations sanitaires et sociales, avait jusqu’ici toujours combiné des missions d’intérim avec son cursus universitaire.

« Avant la crise, je prenais toutes les missions qu’on me proposait pour subvenir à mes besoins : des missions d’agent d’accueil, des petits contrats dans le BTP, et du jour au lendemain tout a été stoppé. J’avais aussi réussi à obtenir un stage dans une clinique qui devait me permettre de valider mon M1, la convention était signée, mais il a été annulé à cause de la pandémie. » 

Selon les chiffres du chômage publiés début janvier 2021, au troisième trimestre de 2020, 21,8 % des jeunes de 18 à 25 ans étaient au chômage, soit 619 000 jeunes. Ce qui représente une hausse de 16 % en un an. Le taux d'emploi a reculé quatre fois plus dans cette catégorie d'âge que dans l'ensemble de la population. 

Dans son rapport de décembre 2020 sur l’impact de la crise sanitaire sur la jeunesse, la Commission d’enquête de l’Assemblée Nationale constate et regrette que  « les emplois étudiants représentent une variable d’ajustement en cas de crise ou de récession. En conséquence, le taux de chômage des étudiants ‘réagit’ plus facilement aux aléas de l’activité ». 

Avec la disparition des jobs étudiants, beaucoup d’étudiants ont plongé dans la précarité. Selon une enquête publiée en mai 2021 par la Fédération des Associations Générales Étudiantes (FAGE), 62 % des étudiants ont eu des difficultés pour s’alimenter correctement et 69 % pour payer leur loyer. Maitê, originaire du Brésil, est arrivée en France pour suivre un Master Activité Physique Adaptée à l’Université Sorbonne Paris Nord. « Comme je n’ai pas trouvé de travail ni de stage à cause de la crise, très rapidement, je n’ai plus eu d’argent. Pendant une semaine, je suis restée à manger du pain sec avec du thé et puis j’ai perdu mon logement. » Pendant plusieurs mois, la jeune femme échappe à la rue en étant hébergée à droite à gauche. Privée de stabilité, elle peine à suivre ses cours avec assiduité : « Je n’ai pas réussi à valider certaines matières car chaque jour, je me demandais où j’allais dormir et comment j’allais manger », raconte-elle, en larmes.

« Ma famille n’a pas les moyens de m’aider et je préfère ne pas les inquiéter en leur racontant tout ce qui m’arrive. Je ne veux pas lâcher mes études en France, je veux y arriver, mais de nombreux étudiants étrangers autour de moi ont abandonné. »

Des parcours étudiants fragilisés par la crise du Covid-19

Le décrochage scolaire, une réalité pointée du doigt par l’enquête  FAGE-IPSOS publiée en mai 2021 et intitulée « Un an après : l’urgence d’agir pour ne pas sacrifier la jeunesse » : 94 % de la population étudiante déclare que la crise a provoqué un décrochage dans leurs études. Et si pour certain comme Maité, il n’est pas question de lâcher le cursus, pour un jeune sur trois, la crise sanitaire constitue la première raison d’arrêt ou d’une modification de leur projet d’avenir. La pandémie a aussi eu comme effet de renforcer les inégalités. Une enquête de l’INSEE intitulée Les inégalités sociales à l’épreuve de la crise sanitaire révèle que lors du premier confinement, les pertes d’emplois ont touché d’abord les plus précaires et notamment les 15-24 ans. Les étudiants déjà isolés et précaires, qui ne pouvaient pas bénéficier du soutien financier de leurs parents, ont été plus durement touchés que les autres. Cette réalité a d’ailleurs été dénoncée par la FAGE dans son dernier rapport sur la précarité étudiante. Selon l’organisation étudiante, « la crise est devenue un réel vecteur de discrimination socio-économique ».

Quel est l’impact de la crise sanitaire sur la santé mentale des étudiants ?

L’instabilité économique, la perte de lien social et les difficultés à se projeter dans l’avenir ont également eu des effets sur la santé psychique des jeunes. L’Observatoire national de la vie étudiante a publié, en juillet 2020, les résultats de l’enquête sur les conditions de vie des étudiants pendant la crise sanitaire. Celle-ci révèle que près d’un étudiant sur trois (31 %) a présenté les signes d’une détresse psychologique pendant la période du premier confinement : nervosité, abattement, tristesse ou découragement. Lola, 23 ans, originaire de Bordeaux, est arrivée en septembre 2020 à Paris pour intégrer le Master Marketing et Pratique Commerciale de l’IAE Paris Sorbonne. Quelques semaines après son arrivée dans la capitale, le deuxième confinement est instauré, puis le couvre-feu à 19h jusqu’en mai : « Quand je suis arrivée je ne connaissais personne et je n’ai pas eu le temps de créer des liens avec les autres élèves de ma promotion parce que les cours se déroulaient à distance. Je restais dans mon 18 m2 toute seule, c’était compliqué. Avant la crise sanitaire, j’aimais beaucoup être seule mais maintenant je redoute la solitude, ça m’angoisse. » Selon l’étude du syndicat étudiant FAGE, un quart des jeunes déclare avoir eu des pensées suicidaires pendant cette période.

Des mesures gouvernementales pour aider les étudiants

Pour répondre à la détresse étudiante, le Gouvernement a mis en place des mesures d’urgence. En mai 2020, le Premier ministre Jean Castex annonçait une aide de 200 euros destinée aux moins de 25 ans qui ont perdu leur stage ou leur emploi en raison des mesures de confinement. Un dispositif de repas à un euro est lancé en septembre 2020 pour les étudiants boursiers, élargi à tous les étudiants en janvier 2021, quelles que soient leurs ressources. Il sera de nouveau réservé aux élèves boursiers à la rentrée de septembre 2021. Des distributeurs de protections périodiques en libre-service ont été installés sur les campus universitaires pour lutter contre la précarité menstruelle dénoncée par les syndicats étudiants. Le Gouvernement met également en place un « chèque-psy étudiant » pour permettre aux étudiants de consulter gratuitement pendant trois séances de 45 minutes un psychologue. La ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal a également annoncé en février 2021 une augmentation des bourses, le  gel des loyers des résidences universitaires et des frais d'inscription et le doublement des fonds d'aide d'urgence.

Sur le terrain de l’emploi, à l’été 2020, le Premier ministre annonce un investissement de 50 millions d’euros pour la création de 20 000 jobs étudiants (contrats de référent solidaire et de tutorat d’une durée de quatre mois à raison de 10 heures hebdomadaires) pour lutter contre le décrochage des étudiants de première et deuxième année et lutter contre l’isolement. Le plan « Un jeune, une solution », est également lancé à l'été 2020 avec aides à l’embauche, offres d’emplois, de formations, accompagnements, aides financières aux jeunes en difficulté. Un an après son lancement, selon les chiffres du ministère du Travail, en additionnant tous les dispositifs existants, plus de 800 000 jeunes éloignés de l’emploi sont entrés dans un parcours d’insertion entre août 2020 et mai 2021. La garantie jeune est l’une des mesures souvent mise en avant par le Gouvernement : celle-ci permet à des jeunes entre 16 et 25 ans de toucher une allocation mensuelle allant jusqu’à 497 euros s’ils s’engagent à suivre une formation en vue de leur insertion professionnelle.

Les associations étudiantes mobilisées 

Des mesures jugées encore insuffisantes par l’Union Nationale des Étudiants Français (UNEF)  qui réclame le RSA pour tous les moins de 25 ans, ainsi qu’une aide à la recherche du premier emploi pour tous les étudiants. Les quatre principaux syndicats étudiants (Unef, FAGE, UNI et Alternative Étudiante) ont été entendus en avril 2021 par la mission d’information sur les conditions de la vie étudiante du Sénat, qui a rendu ses conclusions le 7 juillet dernier, après trois mois de travail et d’auditions. Parmi les 50 propositions structurelles pour en finir avec la précarité étudiante, les sénateurs préconisent notamment de sortir d’une logique de grands pôles universitaires au profit d’un maillage de campus à taille humaine sur l’ensemble du territoire, avec davantage de créations de logements, ou encore la création d’une bourse décentralisée basée sur le reste à charge des étudiants et non plus sur les revenus des parents. Selon ce rapport, sans une inversion des politiques publiques, la précarité étudiante continuera de s’accentuer. 

Du côté de la société civile, partout sur le territoire, dans les campus et au sein des résidences universitaires, associations et collectifs étudiants organisent des distributions alimentaires et de produits d’hygiène, tissent des partenariats avec des commerçants locaux, des grandes enseignes ou des fondations. À Bobigny (Seine-Saint-Denis), sur le campus de l’Université Sorbonne Paris Nord, Goran, étudiant et cofondateur de l’association de sensibilisation au gaspillage alimentaire Alter’Nature, met en place avec des équipes d’étudiants bénévoles des distributions alimentaires quotidiennes dans plusieurs résidences universitaires du département. « Les étudiants étaient confinés dans leur chambre, sans boulot, et pour certains, la détresse psychologique était palpable », se souvient le co-fondateur de l’association, également vice-président-étudiant de l’Université  Sorbonne Paris Nord. « Ce n’est pas évident pour tout le monde de se dire, je vais aller chercher de l’aide alimentaire. Les distributions de colis solidaires ont aidé beaucoup de jeunes pendant la crise, mais cela restait des aides d’appoint. Ce dont les étudiants ont besoin, c’est de logements et d’emplois. » En un an, grâce au soutien de l’université, des communes et de partenaires privés, et en s’associant avec d’autres associations, Goran et ses acolytes parviennent notamment à créer deux épiceries solidaires sur les deux campus de l’université– Bobigny et Villetaneuse. 

Pour enrayer les effets d’une crise sanitaire sans précédent, de grandes associations, engagées depuis des années en faveur de l’égalité des chances et de la lutte contre la précarité, se mobilisent également tout au long de la crise sanitaire, en partie grâce au soutien de partenaires privés et de Fondations d’entreprise. Les Restos du Cœur assurent par exemple en partenariat avec la FAGE l’approvisionnement de l’ensemble des Agoraé (les épiceries et lieux de distributions alimentaires). Apprentis d’Auteuil accompagne les jeunes décrocheurs dans des parcours de remobilisation et de retour à la formation. Des dispositifs de mentorat et de tutorat sont renforcés par des associations telles que l’Afev. De nouveaux dispositifs voient le jour comme celui d’Article 1 pour apprendre aux jeunes à valoriser leur savoir-être sur le marché de l’emploi. Dans un contexte de crise sanitaire sans précédent qui renforce les inégalités et assombrit durablement l’avenir, seule une large coopération entre les acteurs – publics, privés, associatifs, civils – semble pouvoir garantir pour les jeunes générations l’égalité des chances.

 

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