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Par Carenews INFO - Publié le 2 octobre 2019 - 14:50 - Mise à jour le 8 octobre 2019 - 08:19
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[CNJ] La lutte contre la pollution plastique

Depuis les années 1950, le plastique s’est imposé dans notre quotidien. Robuste, léger, bon marché, il a accompagné l’essor du monde moderne et transformé nos modes de consommation. Longtemps considéré comme un matériau révolutionnaire, le plastique est de plus en plus décrié, pointé du doigt comme principale cause d’une catastrophe environnementale et sanitaire. Un changement de regard qui s’accompagne d’un changement de comportements. États, industriels et consommateurs prennent conscience de l’urgence et tentent d’agir.

[CNJ] La lutte contre la pollution plastique
[CNJ] La lutte contre la pollution plastique

 

396 millions. C’est le nombre de tonnes de plastique produites dans le monde en 2016 selon un rapport de l’ONG WWF publié cette année, et intitulé Pollution plastique: à qui la faute ? Une production qui ne cesse d’augmenter depuis une cinquantaine d’années. D’après l’ONU, depuis les années 1950 et le début de l’utilisation massive de plastique, près de 9 milliards de tonnes ont été produites dans le monde, dont la moitié entre 2000 et 2016. Et WWF prévient : « si aucune mesure n’est prise », la production de ce matériau pourrait augmenter de 40 % d’ici 2030, aggravant une situation déjà alarmante.

 

La pollution plastique dans le monde

 

Aujourd’hui, près de la moitié du plastique produite dans le monde se transforme en déchet en moins de trois ans. Seuls « 20 % de ces déchets sont collectés pour être recyclés  », affirme WWF, qui estime que chaque année 100 millions de tonnes de plastique se transforment en « polluants terrestres ou marins ». En cause, la mauvaise gestion des déchets qui existe dans la plupart des pays, notamment les pays pauvres, par manque d’infrastructures. Ces déchets se retrouvent alors dans des décharges peu ou pas contrôlées, ou sont déversés dans la nature, causant un véritable fléau mondial. Car, dans tous les types de milieux, le plastique met des centaines, voire des milliers d’années à se décomposer. S’il n’est pas ingurgité par des animaux avant. En effet, selon un rapport de l’ONU, des concentrations élevées de matières plastiques ont été retrouvées dans les voies respiratoires et les estomacs de centaines d’espèces animales. « Environ 13 millions de tonnes de plastiques pénètrent dans nos océans chaque année, estime l’ONU, nuisent à la biodiversité, et probablement à notre propre santé. » Cet impact sur la santé humaine est justement pointé du doigt dans un rapport publié en février 2019 par le Center for International Environmental Law (CIEL). Le constat est clair : le plastique représente un risque sanitaire à l’échelle mondiale, car il a un effet néfaste, aussi bien lors de sa fabrication que lors de son utilisation, de son traitement en tant que déchet ou encore de sa dispersion dans l’environnement. Au cours de sa vie, un être humain est en contact quasi permanent avec du plastique. Le produit finit donc par s’infiltrer dans le corps humain, par ingestion, inhalation ou contact direct. Ainsi, de plus en plus de microfibres et de microparticules plastiques sont retrouvées dans les tissus humains et le système sanguin. Les effets sur la santé peuvent être divers : impacts sur le système immunitaire et le système respiratoire, perturbations endocriniennes, baisse de la fertilité, hausse des risques de cancers… Néanmoins, l’impact de la combinaison de ces effets est encore mal connu et ne peut donc pas être appréhendé correctement.

 

Il apparaît donc urgent de réduire la présence du plastique dans notre quotidien, et d’améliorer la prise en charge des déchets. La plupart provenant des plastiques à usage unique comme les bouteilles, les mégots de cigarettes, des gobelets, des pailles etc. « Ces déchets proviennent de notre culture du tout jetable, déplorent les auteurs de l’étude de l’ONU. Nous considérons le plastique comme un matériau jetable plutôt qu’une ressource précieuse à exploiter. » L’organisation prône donc un changement de nos modes de consommation et de nos pratiques de gestion des déchets. Elle prévoit que, si rien n’est fait, ce sont 12 milliards de tonnes de déchets plastiques que nous trouverons dans les décharges et la nature en 2050. Une urgence dont semblent avoir pris conscience les États.

 

Les États déclarent la guerre au plastique

 

En mars dernier, le Parlement européen entérine la fin dans l’Union européenne, à partir de 2021, des produits en plastique à usage unique (cotons-tiges, pailles, touillettes à café, assiettes et couverts jetables). Au total, une dizaine de catégories de produits est concernée. « Le plastique empoisonne nos mers, il tue leurs habitants et il nous menace nous, au bout de la chaîne. Il était urgent d’agir », a insisté la députée européenne belge Frédérique Ries (groupe Alde, libéraux), rapporteure du texte. « Il y a une prise de conscience, c’est clair. J’en suis ravie ! », se réjouit Nathalie Gontard, directrice de recherche à l’INRA, spécialiste des sciences de l’aliment et de l’emballage. Elle reste tout de même mesurée. « Cette interdiction du plastique à usage unique peut être contournée. Elle concerne les plastiques d’une certaine épaisseur, il suffit aux industriels de l’augmenter un peu pour éviter l’interdiction. (...) C’est une mesure “petits pas”, il faut voir à plus long terme. »

 

De son côté, la France s’attaque elle aussi au plastique depuis quelques années. En 2015, la loi de transition énergétique mettait en place l’interdiction des sacs plastiques à usage unique. Cette loi prévoit également l’élimination des gobelets et des assiettes en plastiques à partir du 1er janvier 2020. La liste des objets bannis s’est depuis élargie, avec notamment les cotons-tiges, les pailles, les touillettes, ou encore les couverts en plastique… L’autre aspect de la lutte contre la pollution plastique menée actuellement en France est le recyclage. En 2015, la France a recyclé 25,5 % de ses déchets plastiques, contre 40,3 % en moyenne dans l’Union européenne et jusqu’à 63 % en Slovénie, selon l’Office statistique de l’Union européenne (Eurostat). Pour y remédier, la secrétaire d’État à la Transition écologique Brune Poirson a détaillé une série de mesures, applicables dès 2019 : mise en place d’un système de « bonus-malus », avec une taxe allant jusqu’à 10 % du prix des produits pour favoriser le plastique recyclé, une simplification et une harmonisation des règles de tri, et la promotion d’une consigne sur le plastique afin d’encourager la collecte des emballages. L’objectif annoncé est de recycler 100 % du plastique utilisé à l’horizon 2025. 

 

Dans le reste du monde des mesures « anti-plastique » sont également prises. Ces quinze dernières années de nombreux pays ont instauré une interdiction, totale ou partielle, des sacs plastiques à usage unique. Le premier a été le Bangladesh, en 2002. En Inde, des initiatives ont été prises à l’échelle des États. En 2003, l’Afrique du Sud a été le premier pays africain à interdire les sacs jetables les plus fins. L’année suivante, le Rwanda lui a emboîté le pas, suivi trois ans plus tard par l’Erythrée, la Somalie, la Tanzanie et l’Ouganda. Depuis, une dizaine de nations africaines ont légiféré sur la question. L'Australie a, de son côté, proscrit l'utilisation de sacs en plastique en 2011. Haïti a fait de même en 2012. Sur le continent américain en revanche, les décisions se sont surtout faites à l'échelle des villes. Aux États-Unis, une petite dizaine d'entre elles ont franchi le cap, à commencer par Washington D.C., San Francisco et Los Angeles en 2007, mais aussi Seattle ou encore Boston. Il faudrait aller plus loin selon Nathalie Gontard. « Il faut vraiment une concertation internationale, explique-t-elle, une coordination des actions avec un groupe d’experts internationaux, à l’image du GIEC pour le climat. » Toujours pour Nathalie Gontard, la question de la réduction du plastique revient également aux acteurs privés. Des entreprises tentent d’ailleurs d’apporter leur pierre à l’édifice, répondant ainsi à une prise de conscience de plus en plus grandissante chez les consommateurs. 

 

Le secteur privé, nouveau front de la lutte contre le plastique

 

Le 2 juin 2018, plusieurs supermarchés ont vu débarquer dans leurs rayons des clients un peu particuliers. Après avoir fait leurs emplettes, ils ont retiré tous les emballages plastiques des produits achetés, et les ont déposés dans des chariots vides devant les magasins. Le nom de cette action : « Plastic Attack ». Ce mouvement citoyen a vu le jour en mars 2018 à Keynsham au Royaume-Uni, et gagne petit à petit du terrain en Europe. Le but est de responsabiliser le secteur de la grande distribution sur sa surconsommation de plastiques et d’exprimer la volonté des consommateurs de voir se développer des alternatives aux plastiques à usage unique. D’autres mouvements citoyens voient le jour, amplifiés par les réseaux sociaux. Ainsi, en 2018, l’association « No plastic in my sea » lance le #NoPlasticChallenge. Le principe est simple, pendant 10 jours tout un chacun est invité à partager sur les réseaux sociaux ses bonnes résolutions pour réduire sa consommation de plastique.

 

Les actions citoyennes se développent donc en France et dans le monde, poussant les entreprises à agir. Par exemple, le groupe Carrefour a promis des changements. Dans un communiqué, l’enseigne a annoncé en effet un objectif de « 100 % d’emballages recyclables, réutilisables ou compostables » pour ses produits, d’ici à 2025, afin de passer du « jetable à une économie circulaire ». Le groupe s’est aussi associé avec la startup Terracycle pour relancer le principe de consigne. Grâce au système Loop, les courses sont livrées dans un gros sac, avec des emballages réutilisables. La consigne avancée par le consommateur est remboursée à la restitution. Pour cela, il suffit de remettre le contenant vide dans le sac, collecté à domicile. Des marques comme Coca-Cola, Danone ou Fleury Michon ont accepté de jouer le jeu. Pour le moment, l’initiative reste expérimentale et n’est disponible qu’à Paris et dans sa périphérie. Également, début 2019, une trentaine de multinationales – du secteur de la pétrochimie, du recyclage, et des biens de grande consommation – ont annoncé la création d’une alliance pour trouver des solutions à la pollution plastique. Cette coalition, baptisée « Alliance to end plastic waste », rassemble des géants mondiaux (BASF, Total, ExxonMobil, Dow, Mitsui Chemicals, LyondellBasell, Procter & Gamble, Suez, Veolia, etc.) qui fabriquent, utilisent, vendent et recyclent des plastiques. Ces entreprises ont réuni 1 milliard de dollars, et promettent jusqu’à 1,5 milliard d’ici 5 ans. Des fonds qui serviront à financer des initiatives déjà existantes. Autre moyen d’action prévue, la mise en place de partenariats avec les grandes villes, notamment celles dépourvues d’infrastructures, pour améliorer leur gestion des déchets. Certains grands groupes industriels s’engagent donc dans cette lutte. Et c’est aussi le cas de plusieurs startups qui tentent de développer des solutions alternatives aux plastiques. Tout ne se fera pas du jour au lendemain. À moyen terme, il faut tendre « vers une élimination des plastiques non nécessaires », affirme Nathalie Gontard. « Pas besoin d’être extrémiste, tempère-t-elle, le zéro plastique me semble difficile à atteindre. Mais la situation telle qu’elle est aujourd’hui n’est pas tenable. »

 

Article extrait du Carenews Journal n°13, été 2019, consacré à la pollution plastique.

 

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